VÉRITÉ HISTORIQUE : UN FAIT, DEUX POINTS DE VUE

En cette période de vacances, au fil de mes lectures, deux livres ont particulièrement retenu mon attention en raison d'une part de leur résonance dans la mémoire collective des Guinéens, d'autre part de la sensibilité des sujets abordés par rapport à l’histoire récente de notre pays, à savoir le camp BOIRO : les acteurs, les faits, le contexte.

Ces deux livres sont "Autopsie  d’un pamphlet"  de M.Sidiki  Kobélé-Keïta (Anibwé, Paris, 2009) et "Camp Boiro. Parler ou périr " de M.Alsény Réné Gomez (L’Harmattan, 2007)

es deux ouvrages expriment deux points de vue opposés : l'un polarisé sur les souffrances endurées à une époque et enfouies dans des chaires encore meurtries aujourd'hui, l'autre focalisé sur les contre-vérités décelées dans le précédent à travers une dénonciation véhémente en vue du respect de la vérité historique.

Leur lecture m’a donc inspiré quelques réflexions axées essentiellement sur deux notions relatives l’une à la question de la vérité historique et l’autre à la fonction sociale des mots. Et, mes cogitations ont abouti à des questions, quelques convictions et des constats.

La vérité historique serait elle ce que l’on croit au lieu de ce qui s’est réellement passé ? Comment adhère-t-on individuellement à ce qu’on nous rapporte ? Quels sont les mobiles des auteurs ? Ce sont autant de questions que je me pose depuis.

Je suis convaincu que pour toute une génération de Guinéens la vérité historique sera ce qu’elle croira à travers ce qui lui sera relaté.

Les propos ne sont pas innocents encore moins leur expression écrite, car les mots utilisés ne servent pas uniquement à exposer des faits, ils les représentent, les reconstituent et les reproduisent. Les mots ont en outre le pouvoir de générer la pensée.

Au delà du besoin de s’exprimer, il émane de ces deux ouvrages la sollicitude d’une attention mutuelle, autant dire la recherche d'une reconnaissance et un aveu d'une conscience quant à l’existence de l’autre. En somme nous avons besoin les uns des autres, nous pensons être ensemble du moins nous le souhaitons.

Le préalable à tout dialogue utile est la compréhension mutuelle, j’ai cependant l’impression que les protagonistes ont fait leur la proclamation suivante "Vous devez me comprendre même si je ne vous comprends pas" inscrite pendant des décennies sur la bannière du colonisateur. Le dialogue n’a donc pas lieu, signe de l’impétueux besoin d’imposer sa vérité à l’autre et d’une propension à ignorer ce que veut dire l’autre.

Cette absence de dialogue n'est cependant pas un silence, car de ce vide retentit l'onde de choc de la confrontation de deux points de vue opposés.

A ce propos l'histoire nous apprend ce qu’une telle attitude nous réserve : d’après la genèse les peuples rescapés du déluge dirigés par NEMROD après le retrait des eaux voulurent construire une ville, mais pour les punir dieu envoya ses anges chargés de confondre leur langage de sorte qu’ils ne se comprirent plus les uns et les autres. Cela eut pour effet de faire échouer leur projet collectif.

Le projet commun aux Guinéens est aujourd'hui l'édification d'une nation ; objectif  assujetti à la restauration du dialogue et à l'unité nationale, afin que les différentes formes de mobilisation se muent en rassemblement  indispensable pour les grands changements.

A ce propos plusieurs propositions sont énoncées : conférence nationale à l'instar du Bénin, commission vérité et réconciliation comme en république Sud Africaine, expériences vécues ailleurs et inspirées dans des contextes socio-historiques différents de ceux de la Guinée. Ces formules ne sont pas forcément transposables au cas guinéen. Ne devons nous pas alors imaginer notre propre méthode ?

Lever le tabou concernant un sujet aussi sensible me semble salutaire, bien que demeure le risque d’enlisement ou d’égarement faute de baliser les pistes. Les démons en veille chez les âmes avides de polémiques sont certes aux aguets, mais il est question d’un débat dont le sujet est très sérieux.

Tenter de comprendre n’est pas justifier et encore moins juger. L’exigence de vérité rime avec objectivité, et si cela semble un vœu pieu il est permis de croire aux vertus de la  distanciation et de l’impartialité.

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