Un Hommage à Monsieur Gérard, mon premier maître d’école (Par Paul Théa)

 
Ecole en guinee
J’avais 3 ans quand mon grand frère fut inscrit à l’école et tous les matins, c’était le même scénario, il fallait m’attraper pour m’empêcher de le suivre, mes pleures ne changeaient rien ; il était mon compagnon de jeux et sans lui, c’était l’ennui. Avant son départ pour l’école, les parents s’assuraient toujours que je ne sois pas dans les parages et ensuite, on lui disait de partir ; un jour mon frère eu pitié de moi, il me conseilla d’aller me cacher derrière une maison qui était sur son chemin, les parents ne se doutant de rien, mon frère m’amena à son école. J’étais assis à côté de lui tout content quand son maitre arriva et me demanda de sortir de la classe.
Je ne pouvais pas retourner seul à la maison, d’ailleurs je n’avais pas cette intention, dans la petite cour de l’école, je m’installai sur un tronc d’arbre face à la porte en attendant mon frère.  De temps à autre, il regardait si j’étais bien là, nos yeux se croisaient. Tout allait bien pour moi quand soudain, il commença à pleuvoir,  je me mis debout sur le tronc d’arbre aplatit contre le mur pour me protéger mais le vent n’arrangea rien, mouillé, le tronc d’arbre devenait glissant et donc j’ai glissai et tombai à quatre pattes. Mon frère ayant vu la scène, se leva pour parler à son maitre il ne pouvait plus tenir; de loin, je l’ai vu tendre une main et recevoir un coup de bâton, ensuite l’autre, ainsi de suite ; il vint à la porte pour me dire de venir.  
Mon frère m’expliqua par la suite que son maitre lui avait dit qu’il fallait qu’il soit puni pour m’autoriser à rentrer en classe, ce qu’il accepta.
A notre retour, la maman était dans tous ses états, les parents me cherchaient partout, il faut dire que je m’étais déjà perdu une fois (sauvé sur les rails par une inconnue, j’étais l’enfant à surveiller de près, ça c’est une autre histoire), mon frère se fit engueuler, le pauvre. Mon père alors m’expliqua gentiment que je ne pouvais pas être dans la même classe que mon frère donc d’attendre la rentrée prochaine. Promis, je ne vais plus le suivre.
A l’ouverture des classes, ma joie fut de courte durée, mon père me parla longuement mais tout ce que j’ai retenu, mon frère était à l’école maternelle, maintenant il va en première année donc je dois attendre l’année d’après et  que je suis trop petit pour aller seul à l’école maternelle qui était loin de la maison. J’étais triste mais ma première consolation fut que l’école primaire n’était pas loin de la maison donc je pouvais y aller à l’heure de la récréation voire mon frère ou m’assoir sur une grosse pierre de l’autre côté de la rue pour regarder les élève dans les classes, je voulais être comme eux, assis en classe à apprendre.
Ma seconde consolation fut que mon frère qui était premier de sa classe, me montrait ce qu’il apprenait donc j’apprenais aussi et puis il me parlait souvent de son maitre que je connaissais de vue.
J’attendais impatiemment la rentrée scolaire et comme un coup de massue sur la tête, mon père m’annonça que je ne pouvais pas aller à l’école ; encore attendre une autre année ; je n’avais rien compris ou ne voulais rien comprendre à ses explications ; pour moi, il refusait de m’inscrire. Mes pleures n’allaient rien changer ; puisque mon père ne veut pas m’inscrire, je vais le faire moi-même.  
Un matin, avec mon plan en tête, j’allai à ma place habituelle et à la recréation je repérai Monsieur Gérard, j’allai vers lui et d’un trait « Bonjour Monsieur Gérard, mon père s’appelle aussi Gérard, je m’appelle Paul, je suis le jeune frère de Parisot, il dit que vous êtes gentil avec les bons élèves et méchants avec les mauvais élèves, je veux être votre élève et je veux venir dans votre classe… »
Quelque chose de ce genre, il faut dire que je parlais relativement bien le français avec mon père et avec le mari de ma tante, un béninois qui m’aimait bien.
Monsieur Gérard fut très étonné, il connaissait bien mon frère, le premier de l’année dernière, il regarda toute la pitié dans mes yeux et sans hésiter, avec un sourire, il me fit entrer dans sa classe, me plaça sur un banc de devant.  A sa grande surprise, je levais la main pour répondre à certaines questions (enseignement de mon frère). A la fin de la classe, il me félicita et me demanda de revenir le lendemain si je le voulais. J’étais aux anges.
Le lendemain, j’étais là à la première heure, au bout de 3 ou 4 jours, je ne me souviens plus très bien, quelqu’un se présenta devant la classe, après une petite conversation, Monsieur Gérard me fit appel « va avec lui dans le bureau du directeur qui veut te parler, ne crains rien, il est gentil, après tu reviens en classe », j’étais rassuré, je n’avais rien à craindre, une fois au bureau, ma surprise fut d’y trouver mon père (comment il sait que je suis ici, je croyais que mes parents ne le savaient pas), le directeur me fit assoir, de sa conversation avec mon père, je ne retins que ceci « il n’a pas l’âge qu’il faut  mais comme il aime l’école et son maitre dit qu’il travaille bien, laissons le essayer ». L’accord de mon père fut donné, j’étais officiellement inscrit.
J’ai compris ce jour, ce que mon père n’avait pas su m’expliquer, à cette époque, il fallait avoir 7 ans pour aller à l’école et moi j’en avais 5. C’est Monsieur Gérard qui eut de l’affection pour moi et c’est lui qui sut convaincre le directeur de convoquer mon père pour me permettre d’être officiellement dans sa classe afin de s’occuper de moi.
Monsieur Gérard était je crois, le plus craint des maitres, il avait 4 fils de différentes couleurs attachés ensemble et il chicotait les indisciplinés avec. J’apprenais toujours mes leçons pour faire plaisir à ce maitre et en plus son fouet me faisait peur.
 Il fut toujours gentil avec moi, il ne me frappa jamais autant que je me souvienne. A la fin de l’année, j’avais la moyenne qu’il fallait pour passer en deuxième année, Monsieur Gérard était content et même fier de moi, je le vois encore dans un rire, dire au directeur de l’école, nous avons eu raison de laisser cet enfant essayer. Je l’aimais bien, Monsieur Gérard.
C’est lors d’une conversation sur mon enfance que l’idée me vint de rendre un hommage à ce grand Monsieur; je ne sais pas s’il est toujours parmi nous mais où qu’il soit, je lui exprime ma profonde gratitude.
Je me demande aujourd’hui, ce que j’aurais fait s’il m’avait refusé. Ce fut un grand bonheur pour moi à l’école primaire de Dixinn Bora. L’année d’après, ce fut le départ pour N’Zérékoré parce ce que le papa avait eu une bourse d’étude pour l’Allemagne.
J’en profite pour faire un clin d’œil à tous les enseignants que j’ai eu, j’ai de bons souvenirs avec la plupart d’entre eux ; enseigner (surtout au primaire et secondaire), ce n’est pas un métier, c’est un sacerdoce.
 
Paul Théa  
 
Photo d’une école en Guinée
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