Transition militaire et élection présidentielle en Afrique: cas de la Guinée et du Niger !
- Par Administrateur ANG
- Le 19/03/2011 à 19:53
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En presque trois mois d’intervalle, nous venons d’assister coup sur coup à l’épilogue de deux transitions militaires, survenues après des coups d’état et conduisant à une élection présidentielle. D’abord en Guinée, ensuite au Niger.
Ce qui nous intéresse dans cet article, c’est de voir les conditions ayant conduit à ces changements brutaux ou forme de dévolution du pouvoir ; le déroulement de cette transition, les conditions ayant prévalu avant et entre les deux tours de l’élection présidentielle ainsi que la position des autorités de la transition vis-à-vis du jeu démocratique qu’à constitué le choix du Président.
Le coup d’état en Guinée intervint le 23 décembre 2008, après un blocage politique de plusieurs années, avec le président Lansana Conté très malade et ne contrôlant plus rien, donc ne dirigeant plus de fait le pays. La preuve, le conseil des Ministres ne se réunissait plus depuis des mois. Il y avait une absence totale de dialogue politique.
Dans un régime normal et en respectant les dispositions de la constitution de 1992, la vacance du pouvoir aurait du être déclarée par le Président de la Cour suprême, sur saisine de celui de l’Assemblée nationale dont le mandat était arrivé à échéance un an auparavant. Sur ces entrefaits, le Président meurt.
Les militaires, avec à leur tête Le Capitaine Moussa Dadis Camara prennent sans effusion de sang le pouvoir laissé vacant.
Après le massacre du 28 septembre 2009 au stade du même nom, ayant entrainé plus de 150 morts et des centaines de blessés, et qui faisait suite à la volonté affichée de M.D. Camara de ne plus respecter son engagement de départ disant vouloir rendre le pouvoir aux civils et ainsi de confisquer le pouvoir, le Capitaine subit une tentative d’assassinat, le 3 décembre 2010, de la part de son aide de camp Aboubacar Toumba Diakité. La transition connaitra une deuxième phase avec à sa tête le Général Sékouba Konaté qui en devient le président par intérim.
Les accords de Ouagadougou seront signés le 15 janvier 2010 et préconiseront l’élection présidentielle dans les six mois avec interdiction à tous les membres civils et militaires de la transition de s’y présenter. Le délai pour le premier tour fut tenu pour le 27 juin 2010, alors que le deuxième tour n’eût lieu que quatre mois plus tard, après de multiples reports et soubresauts ponctués de drames humains et qui ont fragilisé le tissu social.
Au Niger, après deux mandats successifs et dix ans d’exercice du pouvoir avec un bilan économique satisfaisant, le Président Mamadou Tandja entreprit la modification de la constitution pour faire sauter le verrou de la limitation de mandat à deux. Ce, malgré l’opposition de l’assemblée nationale, de la cour constitutionnelle, d’une frange des membres de son propre parti, le Mnsd Nasara, de la CDEAO, de l’UA, de la communauté internationale, etc. au prétexte qu’il n’avait pas fini son œuvre.
Il réussira à modifier la dite constitution, en prolongeant son deuxième mandat de trois ans et en s’offrant la possibilité de se présenter ad vitam aeternam aux élections à venir.
Des militaires, avec à leur tête le Général Salou Djibo firent un coup d’Etat le 18 février 2010 et le déposèrent, en faisant la promesse d’organiser des élections dans un délai d’un an, avec la mise en place d’une nouvelle constitution et l’impossibilité pour tous les membres de la transition de s’y présenter.
Ils ont en six mois organisé plus de six consultations électorales allant des communales à la présidentielle en passant par les législatives. Entre temps, la constitution a été adoptée par référendum à la différence de la Guinée où elle a été adoptée par décret présidentiel.
En Guinée les militaires étaient au pouvoir depuis le 3 avril 1984, soit vingt six ans, alors qu’au Niger, le pouvoir, après un court intermède militaire, est revenu aux civils.
Dans le premier cas, celui de la Guinée, les militaires ont été contraints et forcés de rendre le pouvoir aux hommes politiques, après une mobilisation des forces vives de la Nation alors qu’au Niger les mêmes acteurs étaient déjà intervenus dix ans auparavant, en 1999. Ils avaient par la suite organisé des élections, après une courte transition, et rendu le pouvoir aux civils. A chaque fois qu’ils sont intervenus c’était en faveur de la légalité constitutionnelle.
Nous voici donc dans une transition militaire avec des arrières pensées de part et d’autre.
En Guinée, l’on a l’impression que le président par intérim est la seule personne à vouloir tirer l’attelage vers la fin de la transition le plus rapidement possible. D’où la fixation de la date du premier tour de la présidentielle pour le 27 juin 2010. Et de menacer plus d’une fois de rendre le tablier si les politiques ne se mettaient pas d’accord pour aller aux consultations.
Entre les deux tours, le président par intérim était le plus souvent aux abonnés absents au lieu de taper du poing sur la table pour pousser les acteurs à s’entendre et aller aux urnes. Ainsi il s’écoula quatre longs mois entre les deux tours, au lieu des deux semaines telles que prévues par la constitution. De reports en reports, ponctués de conflits autour de l’organe censé superviser et organiser des élections transparentes et démocratiques.
En fait, la Ceni n’a jamais vraiment joué le rôle impartial qu’on attendait d’elle. Elle semblait recevoir des ordres venus d’ailleurs et obéir à des choix faits par d’autres, tapis dans l’ombre. Elle avait apparemment fait son choix entre les deux protagonistes. Toutes les réclamations de l’une des parties étaient prises en compte, alors que les réserves de l’autre camp ne l’étaient jamais. Sauf une seule fois, pour un report d’une semaine de la date du deuxième tour, après les folles rumeurs d’empoisonnement des militants de l’Alliance Arc en ciel, au Palais du Peuple à Conakry, suivies de la chasse aux militants de l’Alliance Cellou Dalein à Siguiri et Kouroussa. Aucune des revendications du camp du perdant n’a été examinée ni par la ceni, ni par la Cour Suprême.
Après la proclamation des résultats du second tour, le candidat Cellou Dalein Diallo déclaré perdant, fit une déclaration courageuse et se plia à la décision de la cour suprême, malgré les rancœurs qu’il éprouvait. Pour maintenir la paix sociale dira t-il !
Au Niger par contre, ce fut une campagne policée comme seuls les nigériens en ont le secret. Les alliances se sont nouées après le premier tour et nous avons eu deux blocs regroupés autour d’une part Mr Mahamadou Issoufou, opposant de longue date qui se présentait pour la quatrième fois à ce scrutin, et d’autre part de Mr Seyni Oumarou, ancien premier ministre.
Le premier nommé est finalement arrivé en tête avec 57,95% des voix exprimées contre 42,05% pour son challenger.
Ce dernier a reconnu sa défaite, félicité son adversaire, et dit qu’il ne déposerait aucun recours devant la cour constitutionnelle. Il lui a même souhaité bon vent dans l’intérêt du Niger. Il a aussi dit qu’il souhaitait jouer le rôle d’une opposition constructive. Car dit-il c’est cela aussi la démocratie.
Une chose frappante encore, la région d’origine du candidat élu Mahamadou Issoufou, qui est Haoussa, a voté en majorité pour son adversaire Seyni Oumarou et en région djerma, fief de ce dernier, c’est le président élu qui arrive en tête. Comme quoi les populations, quand elles sont bien informées, font leur choix sur d’autres critères que l’appartenance ethnique.
J’avoue que c’est la deuxième fois, après le Ghana, que je vois un tel spectacle en Afrique Sub Saharienne où nous sommes plutôt habitués à des contestations de tous ordres de la part des perdants (Côte d’Ivoire) et aux victoires par k.o. dès le 1er tour du sortant qui organise l’élection (Togo, Gabon, Ouganda, Centrafrique, Bénin ?).
Ce qu’il vient de se passer au Niger s’appelle une élection présidentielle «civilisée», apaisée et qui devrait se renouveler partout sur le continent, pour qu’une élection présidentielle en Afrique ne soit pas obligatoirement synonyme de déchirements, de conflits ethniques.
Comme vous pouvez le constater, la transition en Guinée n’a pas été à la hauteur de ce qu’on pouvait en attendre. Pire, elle a été bâclée de mon point de vue, volontairement ou non. L’on a même frisé l’effritement définitif du tissu social avec la polarisation du débat politique autour de tout, sauf les programmes des deux candidats.
Par contre la transition au Niger a été féconde de promesses d’une vie démocratique future pour les pays Africains. Elle a montré que nous pouvons être vertueux et sortir de l’afro pessimisme ambiant.
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