Tonton au Congo : les dessous de son discours de Brazzaville
- Par Administrateur ANG
- Le 25/07/2013 à 00:49
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Lorsqu’on parle de « discours de Brazzaville », on ne feuillette pas que quelques pages ; on ouvre un grand livre sur l’Histoire. Brazzaville n’est pas simplement la capitale du Congo. Elle fut celle de l’A.E.F. et servit de cadre à plusieurs évènements historiques qui eurent un impact considérable sur la libération de la France et la décolonisation en l’Afrique.
Il y eut le Manifeste de Brazzaville du 27 octobre 1940 : le général de Gaulle y annonce la création d'un Conseil de Défense de l'Empire. C’était au début de la Guerre 39/45.
Le 30 janvier 1944, le même général de Gaulle, président du Comité français de la Libération nationale, y ouvre une conférence consacrée à l'avenir des colonies africaines. Conscient qu'un combat pour la liberté doit apporter plus de liberté à ceux qui l'ont mené, il fixe un objectif : les Africains devront « participer chez eux à la gestion de leurs propres affaires».
Le 21 août 1958, c’est toujours lui, en sa qualité de Président du Conseil, qui, au nom de la France, y soumet pour les colonies de celle-ci le projet de la « Communauté ». Un référendum est organisé à cet effet le 28 septembre. On connaît la suite : le non historique de la Guinée, les indépendances en cascade des années 60, etc.
De grands hommes sont passés par Brazzaville pour infléchir le cours de l’Histoire : de Gaulle, Leclerc, Eboué, etc.
Des aventuriers, moralement petits, s’y sont précipités en espérant entrer dans l’Histoire par des histoires. C’est le cas d’Alpha Condé, ce « tonton flingueur » qui fait office de Président de la République de Guinée.
Ce pays vient de connaître une semaine d’une terreur inouïe au point qu’on parle actuellement de catastrophe sur le plan humanitaire: des Koniakés (appellation locale des Malinkés) se sont affrontés à des Guerzés avec une sauvagerie qui donnerait des frayeurs même aux Zoulous les plus extrémistes de l’Inkatha de Gatsha Buthelezi.
C’est au moment où la Guinée brûlait que le «Pr.» AC a vadrouillé à l’étranger. Peut-être dira-t-il un jour qu’il est désolé de ce qui s’est passé mais les Guinéens, dans leur immense majorité, en resteront choqués pour un long moment.
En effet, Monsieur Condé s’est rendu à Abuja, au 43ème sommet de la CEDEAO, pour des palabres dont sont friands nos chefs d’Etat. Entre pairs, un dirigeant aurait pu probablement poser à l’ancien « opposant historique » une question du genre : « Dis donc, que fais-tu ici alors que ton pays brûle ? ». Réplique probable du « Pr. Condé » qui prétend avoir réponse à tout: « Je connais mon pays mieux que toi. Il s’agit de manifestations d’opposants opportunistes à ma politique de changement qui porte ses fruits. Je contrôle la situation et, de toutes les façons, c’est un problème intérieur qui ne regarde que moi ! ».
Cette simulation de dialogue, vraisemblable, mettrait mal à l’aise tout homme, fut-il d’un cœur de pierre. C’est peut-être ce qui a conduit notre Président à se diriger vers l’équateur au lieu de rentrer directement à Conakry qu’il n’aurait pas dû quitter en période troublée.
En provenance de Malabo, Alpha Condé a fait donc une escale à Brazzaville où il a été accueilli par Sassou, en compagnie de Joseph Kabila. Voici quelques inepties provenant de ses propos :
« Aujourd’hui, la République démocratique du Congo connait une situation un peu difficile. Nous savons que le Président Sassou est le mieux placé pour faire la médiation. Je suis venu l’encourager dans cette médiation, lui apporter mon soutien. Je suis arrivé au moment où le Président Kabila était ici à Brazzaville. Nous avons eu un entretien tous les trois. Je suis venu donc soutenir le Président Sassou afin qu’il puisse réussir dans cette médiation, car le Congo-Kinshasa est un grand pays. Si on peut trouver une solution à cette crise, c’est important pour toute l’Afrique ».
Sacré Condé ! Il n’est pas médiateur puisque personne ne lui reconnaît le moindre talent de diplomate mais il tenait à soutenir un médiateur qui se passerait bien de son aide. Un sapeur-pompier est-il être crédible s’il ne peut même pas éteindre une allumette ?
Contraint d’évoquer la tragédie de la Guinée, il a cru devoir déclarer:« Très souvent on attrape un voleur et au lieu de l'envoyer à la gendarmerie, on le tue. C'est ce qui s'est passé en Guinée forestière, à N'zérékoré, on a attrapé un voleur, on lui a coupé le bras et il est mort (…) Nous sommes en train de fouiller pour récupérer les armes, donc je pense que c'est quelque chose qui ne va en aucun cas gêner les élections(…) Il y a eu la guerre au Liberia et nous sommes impliqués, les armes circulent dans le pays, lorsqu'on a décidé de désarmer, le président d'alors, Lansana Conté, a refusé de désarmer, ce qui fait que ces armes circulent entre le Liberia, la Côte d'Ivoire et la Guinée ».
Le « Pr. » Condé nous renseigne ainsi sur le bon fonctionnement de sa « justice » qui consiste à se faire justice. Pour lui, nous sommes dans un cadre normal même s’il y a quelquefois de petits dérapages.
Pour les armes en circulation, Alpha Condé connaît bien celles qui circulent, ceux qui les portent, ceux contre qui elles sont portées et quand il faut les utiliser. C’est un stratège du Mal qui en a identifié tous les axes.
Accuser gratuitement Lansana Conté est facile puisqu’il est mort. Si Alpha Condé sait qu’il y a des armes qui circulent dans le pays, qu’est ce qui l’a empêché de les récupérer depuis son arrivée au pouvoir ? Il semble ignorer que les preuves des différentes tragédies de la sous-région n’ont pas disparu.
Monsieur Alpha Condé s’est toujours spécialisé dans le double langage. Il tient un discours officiel en public pour expliquer ce qu’il constate et ce qu’il promet de faire et, en privé, il lui arrive de dire ce qu’il va effectivement faire. Ce qu’il faut retenir, ce sont toujours les dessous de ses discours, qui guident ses actes. Ainsi, après avoir dit ce qui vient d’être rapporté, le « Pr. » Condé a indiqué à ses interlocuteurs qu’il connaît très bien la mentalité des Guinéens et que ces derniers ne respectent que celui qui se montre violent à leur égard. Pour ce machiavélique, un chef ne doit pas chercher à se faire aimer mais doit inspirer la crainte chez ses sujets s’il veut se maintenir au pouvoir. Alpha Condé s’est donc engagé à mater les Guinéens.
Par ailleurs, la date des élections législatives est déjà fixée pour le 24 septembre 2013 ; elles auront lieu même en cas de tremblement de terre plus puissant que celui qui vient d’être enregistré à Conakry ! Le train du RPG étant en marche, tant pis pour ceux qui ne peuvent y monter. Qui oserait arrêter la « marche inexorable de l’histoire » pour une poignée de morts ?
Parlons, justement, de ces fumeuses législatives. Il est significatif de constater un lien quasi mystique entre la Guinée et le mois de septembre : pour le meilleur, on peut citer le référendum de 1958 ; pour le pire, le massacre de 2009 et la mascarade prévue en 2013.
Voter, quelle obsession ! Les législatives ne seront pas transparentes. Tout est opaque dès le départ. La CENI est ridicule et ses chefs se ridiculisent à longueur de journée.
Selon le directeur adjoint des Opérations de cette commission, E. Soropogui, il a été mis en place un système permettant de faire la situation au jour le jour. Ainsi, dit-on à la CENI, « du 13 juillet à nos jours, il y a 1775 CARLE fonctionnelles sur 2000 prévues, soit un écart de 225 CARLE non-fonctionnelles...3774 opérateurs de saisie sur les 4000 prévus sont sur le terrain, soit un écart 226 opérateurs de saisie. Quant aux superviseurs, 143 sur 149 prévus sont déployés, soit un écart de 6 superviseurs ».
Bravo, la CENI a réussi un grand calcul : 149-143=6. Fallait-il être un génie pour faire une simple soustraction ?
Le directeur des opérations de la CENI, Y. Kahn, a été encore plus génial. Selon lui, plus de 200 000 cas de doublons ont déjà été décelés sur l’ancienne liste électorale. Monsieur Kahn semblant subtil, rien ne dit que ce qui est décelé sera supprimé. Résolument engagé, il est resté tout de même prudent car, selon lui, « le scrutin 24 septembre risque d’être mal organisé si l’argent pour mener à terme sa préparation tarde ». Personne ne travaille pour la gloire, en effet !
Si les législatives ont lieu, comme prévu, le RPG du Pr. Alpha Condé va les remporter démographiquement car il dispose d’un stock stratégique d’électeurs virtuels, accumulé au fil de longs mois.
Lorsque je vois certaines têtes de listes pour ces élections, je me marre car le Pr. Alpha Condé a déjà en tête le nombre de députés qu’il entend s’octroyer.
Je suis surpris par la stratégie d’alliance électorale d’un grand parti comme l’UFDG. Aboubacar Sylla y est bombardé en position éligible alors qu’il a son propre parti. Pourtant, en politique, une alliance n’est pas synonyme de fusion. N’aurait-il pas fallu, pour l’aider politiquement, qu’il se présente au nom de son parti dans un fief et que l’UFDG appelle à voter massivement pour lui?
Par ailleurs, je pense que l’UFDG aurait pu mettre son 1er vice-président Bah Oury, même sans son accord explicite, en position éligible, ce qui aurait permis de réduire les tensions en son sein et de faire un pied de nez à Alpha Condé, l’apôtre du clivage ethnique dans notre pays.
Au lieu de cela, certains ne visent qu’un objectif : être député, sans même savoir ce qu’est une loi ou un budget. L’essentiel pour eux n’est même pas l’immunité parlementaire (ils ne sont menacés que par la misère) mais l’indemnité liée au statut de député pour se faire ou se refaire une petite santé économique.
Je ne suis pas contre les législatives mais je reste indigné par les conditions et le contexte de leur tenue.
-Les conditions d’abord: il n’y a aucune transparence au niveau du fichier électoral. Avec l’opérateur Waymark imposé, on ne devrait même plus dire que le ver est dans le fruit mais que le fruit est déjà bouffé par le ver.
-Le contexte ensuite : le pays n’est pas en paix et, sans sérénité, point d’élections crédibles. Beaucoup d’électeurs ont été tués depuis l’arrivée d’Alpha Condé au pouvoir. Nous pourrions honorer leur mémoire, non pas en observant un jour de deuil national décrété cyniquement par le responsable indirect de la tragédie, mais en essayant de raccommoder un tissu social trop abîmé.
Avec tout ce qui vient de se passer en Guinée Forestière, parler d’urnes me fait plus penser aux urnes funéraires qu’à des élections.
Aujourd’hui la priorité des priorités est de voir comment il faut faire partir Alpha Condé, d’une façon ou d’une autre, au lieu de s’accommoder à son système sanguinaire. Les coordinations régionales, dont j’ai eu à souligner le rôle néfaste dans l’édification d’une nation, pourraient se retrouver, pour une fois, et parler d’une seule voix en exigeant la fin du « changement » conduit par l’actuel locataire du palais de Sékoutouréyah.
Avec une petite dose de réalisme et de bonne foi, nos “sages” pourraient aboutir unanimement à ce constat simple: avec le Président Alpha Condé la Guinée a reculé sur tous les plans et sa population est plus divisée que jamais. Conakry disposerait de moins d’eau courante que Gaza-city, pourtant sous embargo, et la nuit, les favelas de Rio semblent plus éclairées que notre capitale.
C’est maintenant que les Guinéens devraient se donner la main avant qu’Alpha Condé ne leur coupe toutes les mains.
Je vous salue.
Ibrahima Kylé Diallo
Responsable du site www.guineeweb.net
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