Tempête sur Conakry

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REVUE DE PRESSE. Symbole du renouveau démocratique à son arrivée au pouvoir, Alpha Condé semble avoir déçu nombre de ses compatriotes. Illustration.
Alpha Condé est-il « sur les traces de Sékou Touré ? », « va-t-il foncer droit dans le mur ? », ou s'acheminer « vers une présidence à vie » ? À parcourir les titres de la presse ouest-africaine, c'est peu dire que le président guinéen suscite l'inquiétude quant à sa gestion du pays.

Voire, la désillusion : « Gouvernance politique en Guinée : Condé déçoit », assène le quotidien burkinabè Le Pays. La démocratie est-elle mise à mal dans la Guinée d'Alpha Condé ? Pour le moins, l'interdiction d'une marche citoyenne ce lundi 17 juillet, suivie de l'arrestation de quatre manifestants – finalement relâchés le lendemain – a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. De Conakry à Cotonou, journalistes et éditorialistes alertent sur les revirements de cet opposant historique, dont l'accession au pouvoir en 2010 augurait des lendemains meilleurs pour la population, après des décennies de pouvoir autoritaire.

Quand le réflexe répressif ne passe pas

Les craintes de nombreux médias en ligne s'expriment donc après qu'une marche de la société civile, initialement prévue le 17 juillet, a été empêchée par les autorités. Une marche, qui se voulait « symptomatique du ras-le-bol des Guinéens face à un certain nombre de dérives de la part du régime », mais aussi « totalement citoyenne parce que n'étant officiellement adoptée par aucune entité politique », nous dit Le Djely. L'initiative, cependant, a tourné court. Le gouvernement a invoqué un « vice dans la procédure » d'autorisation de manifester, et l'un des meneurs de la mobilisation, le reggaeman Élie Kamano, a été interpellé.

« Cette double action du régime guinéen (…) a tout l'air d'une tentative de musellement des libertés démocratiques. Ce qui renvoie à un passé bien douloureux pour le peuple guinéen sous le règne de l'ex-dictateur Sékou Touré », déplore le site d'infos Bénin Monde Infos. « Tout porte à croire que le chef de l'État guinéen adopte le profil de l'ancien président Sékou Touré, qu'il a combattu à cause de ces mêmes travers », poursuit le journaliste Christophe Sessou, en référence à celui qui dirigea le pays de 1958 à 1984, et qui, outre la figure héroïque du militant anticolonialiste, incarna aussi une répression politique sévère.

Des engagements non tenus

Pour Le Pays, qui rappelle le parcours militant du professeur Alpha Condé, ancien dirigeant de la Fédération des étudiants d'Afrique noire en France (FEANF), ancien syndicaliste, opposant notoire de Sékou Touré, Lansana Conté ou Dadis Camara, face à qui il défendait « un meilleur ancrage de la démocratie en Guinée », « Condé déçoit ». Il déçoit d'abord, car il n'incarne pas cette « rupture totale avec les méthodes quasi totalitaristes » des anciens dirigeants guinéens. « Il ne semble pas mieux briller que ses prédécesseurs en matière de respect des libertés démocratiques. L'on en veut pour preuve les répressions récurrentes des manifestations de l'opposition », estime le quotidien burkinabè. Il déçoit aussi, enchaîne-t-il, sur la question des élections locales « qui souffrent d'inorganisation depuis 12 ans ». Jadis, défenseur de la mise en place de ces exécutifs locaux, « le peu d'empressement qu'(Alpha Condé) a affiché pour la tenue de ces élections une fois parvenu au pouvoir, porte à croire que la situation de statu quo lui profite en tant que chef de l'État. Surtout s'il n'est pas sûr de les remporter, et d'avoir à ces postes hautement stratégiques, des hommes acquis à sa cause » analyse Le Pays.

Dimanche 16 juillet, l'opposition guinéenne tenait justement meeting à Conakry pour exiger l'organisation de ces élections communales et locales - attendues depuis 2005 -, mais aussi l'indemnisation des familles de victimes des manifestations politiques depuis 2011. Deux points qui figurent parmi les accords scellés en octobre dernier entre le gouvernement guinéen et des partis d'opposition, mais restés lettre morte. L'opposition a également dénoncé à cette occasion la mauvaise gouvernance en Guinée, résumée en ces termes : « népotisme, ethnocentrisme, corruption ».

Par Agnès Faivre

Source: LE POINT

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