Souvenirs d'enfance: Les films Hindous

Indienne 1

J’ai partagé ce témoignage avec les amis de facebook, il y a deux mois ; je n’avais pas trouvé utile de le faire sur un forum. A tort je crois, je crois maintenant qu’il est bien de partager nos souvenirs dans le sport, la culture, etc.  Des souvenirs des films hindous, nous sommes nombreux à les partager. Alors voilà.

J’étais à l’école primaire quand la passion pour les films hindous me captiva. Pour nous, tout film qui venait de l’Inde était un film hindou ; deux copains d’école m’amenèrent voir un.
Ce fut le coup de foudre, la musique, les danses, à tel point qu’au retour à la maison, j’ai dit à maman « maman quand je serai grand, j’épouserai une femme hindou, elles chantent et dansent bien ». La pauvre, elle éclata de rire.


Mon père avait imposé une règle strict à la maison « réviser ses leçons », les jeux de carte, les damiers, le cinéma et autres n’étaient que distraction donc interdit.
J’utilisais ma petite économie pour aller au cinéma Matam. Il y avait la matinée (pour tout le monde et la soirée pour les grands) ; tant que je rentrais à une heure convenable, tout allait bien.
Mon passage au collège changea tout, j’étais maintenant un grand garçon donc plus question d’aller à la matinée avec ces enfants qui font trop de bruit et qui empêchent de bien suivre le film qui étaient sous-titrés, cela dit en passant. Mon père était directeur du studio école de la radio guinéenne (La voix de la Révolution), certains jours, il contrôlait les équipes de nuit donc rentrait tard. Je choisissais ces jours pour aller au cinéma.

Ma mère remarqua mes entrées tardives « tu rentres tard, il y a des bandits qui circulent, tu sais sur les rails, c’est le chemin de diables etc. », ma réponse était toujours maman ne te fais pas soucis rien ne m’arrivera.
Elle finit par le dire au Papa mais, je l’ai su plus tard, elle se garda de dire que j’allais au cinéma pour ne pas aggraver la colère paternelle.
 
En rentrant une nuit, je fus surpris de voir la voiture du papa et d’un ton sévère « où étais-tu ? » Papa, je révisais mes leçons avec mes amis.
Il prit mon cahier que j’avais à la main, il demanda les chapitres révisés, je lui dis évidemment ceux que je connaissais, il posa une ou deux questions que je connaissais ; ouf le tour est joué.
Une seconde fois, il ouvrit le cahier sans demander les chapitres révisés et heureusement que je connaissais les réponses. Ma technique est toute trouvée, quand je devais rentrée tard, je prenais un cahier avec moi.

Un jour, ma chance tourna, le film était long et une coupure de courant prolongea encore la projection, du quartier Matam à la belle-vue, chez nous, je connaissais les chemins à prendre dans les quartiers pour éviter la milice qui patrouillait. Cette nuit noire me fit peur, je courais parfois, je marchais vite le plus souvent. Il était très tard, 23h à mon avis. Un silence nocturne. Je devais avoir 11 ou 12 ans, je ne sais plus.
Evidemment, la voiture du papa était là, comme la chambre de garçons n’était plus dans la grande maison, plus besoin de taper à la porte donc j’ai commencé à marcher sur la pointe des pieds pour aller dans notre chambre à l’annexe. Je n’étais plus loin quand j’entendis une voix calme :
• Ou étais tu ?
• Papa nous étions dans un groupe de révision.
• Alors va dormir là où tu étais. 

J’ai cru rêvé, dans cette nuit noire, où aller ? Mon meilleur pote est à quelques 20mn mais impossible de passer entre les concessions au risque d’être pris pour un voleur et prendre l’axe principal est un moyen certain de tomber dans les filets de la milice qui patrouillait les nuits.
Alors je sortis de la cour, allai attendre dans un coin obscure pendant une vingtaine de minutes à peu près, le temps que le pater se couche, ensuite je décidai de me coucher dans la vouture que je savais, pas condamnée. A peine couché que la portière s’ouvra et d’un ton sévère « qu’est- ce que je t’ai dit ? Va dormir là où tu étais ». Il ne fallait surtout pas le mettre en colère sinon, il te faisait coucher et sa ceinture sifflait sur le dos. 

La messe est dite. Au fait j’ai un autre copain dans le quartier, nous jouions dans la même équipe de foot et nous sommes dans la même classe. Je décide alors d’aller chez lui. Le chemin direct me prend à peine 7 minutes mais le voisin à un chien méchant qui attaque dans la rue quand le portail n’est pas fermé, personne n’ose y passer la nuit. De loin je vérifie, le portail est fermé et d’une course mémorable, je me trouve à la porte de Mamadou. Il ouvre et me laisse entrer.

Très tôt le matin, je suis allé chercher mes effets scolaires et ma tenue pour l’école croyant l’épisode terminée. Vers 10h, le prof me dit que je suis convoqué dans le bureau du directeur, c’était courant qu’un élève soit convoqué à la direction, donc pas de soucis.
 
Dans le bureau du directeur, une surprise, mon père est assis avec le directeur :
• Directeur : Paul, tu te promènes les nuits, tu es un bon élève, où étais tu ? 
• Je révisais avec mon ami Mamadou
• Directeur : qu’est- ce que vous avez révisé, va chercher Mamadou… non pas toi Paul l’autre, il indexa un autre élève dans la cour.
J’ai passé la nuit chez Mamadou, il était donc facile de mentir sur lui et comme je sais qu’il est bon élève, tout ira bien. Mamadou arriva, il connait mon père. D’un regard, il fit le tour du bureau et compris que j’étais dans un sale drap.
• Directeur : Mamadou, c’est vrai que tu révisais tes leçons avec Paul hier nuit ?
• Mamadou : Oui Monsieur, c’est vrai.

 
Ouf de soulagement, merci mon ami et le directeur lui demanda d’aller chercher son cahier pour montrer les chapitres révisés. Je me dis que nous allons nous en sortir, Mamadou est un bon élève. Les minutes passèrent, Mamadou ne revenait pas. Le directeur dépêcha quelqu’un le chercher et le messager revint ; Mamadou a sauté par la fenêtre et il est parti. Mon monde s’écroula, plus d’arguments le pot aux roses est découvert.
 
Le directeur me sermonna et le papa se leva tout doucement « tu me trouveras à la maison ». Ma dernière surprise fut qu’il ne me donna aucune punition, affaire classée. Des personnes intervinrent, je n’en sais rien. Le couvre-feu fut décrété sur moi, je devais être à la maison à telle heure. Cela diminua les sorties mais ne m’empêcha pas de voir mes films hindous ; ça c’est une autre histoire.
 
Mon ami Mamadou est aujourd’hui colonel dans l’armée guinéenne. Ah les enfants.
 
 
Paul Théa
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