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Retour du capitaine Dadis Camara : Un cadeau juridiquement et politiquement empoisonné

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« Attention : la première  publication de cet article date du 13 février 2011 à 9h14  sur leguepard.net et d'autres sites internet  guinéens. Son authenticité  peut être vérifiée  en écrivant le titre  dans les moteurs  de recherche sur internet. Il nous semble opportun de l'afficher de nouveau  sans rien rajouter ou retranché ». Bonne lecture.

Le Président Alpha Condé ne  finira-t-il pas d'entamer  le capital de confiance que  certains  Guinéens  lui  accordent  avant les cent jours de sa  présidence ? Tout  laisse  à croire que le président Condé n'a pas pris la mesure de l'hostilité de la  majorité des Guinéens  à la survivance    de  l'impunité.

 

Lors de sa visite d'Etat à Ouagadougou en date  du 23 janvier 2011, le président  Alpha Condé  avait dit que rien n'empêchait  le capitaine  M.Dadis  Camara  de se retourner en Guinée, avant que la presse ne nous informe qu'il  aurait  promis l'amnistie, d'autres encore ont parlé de grâce présidentielle au  capitaine Dadis Camara.

 

Que cette information soit exacte ou pas, son  éventualité  suffit pour qu'on se penche sur l'analyse  de ses conséquences probables qui peuvent être à la fois juridiques  et  politiques. 

 

Conséquences  juridiques :

 

Juridiquement, le cadeau présidentiel qui  serait fait à Dadis est empoisonné. Cette  allégation se vérifie en se référant à la qualification  de  crime contre l'humanité  dont est accusé l'ex-chef de  la junte. Ce crime étant l'un des crimes internationaux  entrant    dans le champ de compétence de la cour pénale  internationale, toute volonté politique tendant à assurer l'impunité aux  auteurs présumés des massacres et viols du 28 septembre  2009 sera un élément déclencheur de la compétence de la CPI, étant donné que  les relations de la CPI et les juridictions  internes  sont régies par le principe de subsidiarité  sur le  fondement duquel la défaillance volontaire ou involontaire des juridictions  internes déclenche automatiquement la compétence de la CPI. Comme vous pouvez  l'imaginer, un éventuel retour de M. Dadis  Camara non suivi de poursuite judiciaire  sera  analysé par la CPI comme une volonté manifeste des autorités guinéennes  d'assurer l'impunité aux auteurs  présumés de la  tragédie  du 28 septembre 2009, fait qui pourrait  précipiter  la prise en main de  cette affaire par la CPI  sans que cette dernière  n'attende l'épuisement du délai d'observation  habituel  de trois ans  servant  à  évaluer la bonne ou mauvaise volonté des juridictions internes au sujet des  poursuites des crimes internationaux.

 

Il me semble important de dire un mot sur ce  que certains journalistes ont rapporté à savoir, une promesse d'amnistie ou  de grâce  que le président Alpha Condé aurait faite à M. Dadis Camara. La nouvelle constitution  guinéenne en son article 49 dispose ce qui suit : « Le  Président de la République exerce le droit de grâce ». Mais, il est  évident que l'exercice de ce droit est conditionné (décision juridictionnelle  définitive) et son champ d'application  n'est pas  illimité. L'exercice du droit de grâce présidentiel  ne  s'applique  que sur des décisions de justice ayant  acquis l'autorité de la chose jugée, c'est-à-dire, une  décision définitive insusceptible d'aucune voie légale de recours. Ce qui  précède nous renvoie à l'article 9 de la nouvelle constitution  guinéenne qui dispose que : « Toute personne accusée  d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait  été légalement établie au cours  d'une procédure  conforme à la loi ». Conformément à cet article, M. Dadis Camara et ses co-accusés  restent présumés innocents  jusqu'à ce que  la  justice nationale ou internationale(CPI)  établisse  leur culpabilité. De ce fait, ils sont hors champ  d'application du droit de grâce présidentielle car un innocent n'a pas besoin  de grâce ou de pardon.

 

Plus important, est de savoir que le droit de  grâce  présidentielle  est  inopérant  en matière de crimes internationaux  tels  que le crime contre l'humanité. En ratifiant  le statut  de Rome portant création de la cour pénale internationale,  les pays ont renoncé à une partie de leur souveraineté juridictionnelle, ce  qui permet à la justice internationale de se substituer à eux en cas de  défaillance, sans faire abstraction sur le fait que  l'article  27 du statut de Rome  fait  échec    à  tout privilège de juridiction,  d'immunité ou autres faveurs pouvant s'attacher à la qualité  d'officiel : de chef d'Etat, chef de gouvernement  entre  autres.

 

Quant à l'amnistie dont certains parlent, il faut savoir qu'elle ne fait pas partie des pouvoirs propres du président de la République. Elle relève de la compétence du parlement. Toutefois, il est important de rappeler que les crimes internationaux ne peuvent    faire l'objet d'amnistie du fait entre autres du renoncement    des pays partie au statut de Rome à leur souveraineté juridictionnelle  en matière de crimes internationaux. Ce qu'il faut retenir du mécanisme de  l'amnistie, c'est qu'il consiste à ôter  rétroactivement  le caractère délictuel aux faits concernés  qui  étaient délictueux au moment de leur commission. Les crimes  internationaux  étant  définis  et leur sanction prévue par une convention internationale  (statut de Rome), les législateurs d'un pays  ne  peuvent  leur ôter le caractère délictuel car, ces  crimes se situent  hors champ de leur compétence qui  reste nationale et non internationale. De ce qui précède, il est facilement  compréhensible que toute promesse présidentielle de grâce  ou d'amnistie au bénéfice des auteurs présumés des crimes du 28 septembre ne  sera que manœuvre politicienne  et  tromperie,  sans aucune pertinence légale nationale ou internationale.   

 

C'est ce qui nous fait dire que le retour  immédiat du capitaine Dadis Camara est  un cadeau empoisonné car, il sera de nature à accélérer sa poursuite par la  cour pénale internationale pour motif de défaillance de la justice guinéenne.  

 

Conséquences politiques :   

 

Le retour  éventuel  du Capitaine Dadis  Camara  en Guinée non suivi de poursuite judiciaire  peut  engendrer des conséquences  politiques et sociales particulièrement néfastes pour les Guinéens, mais  surtout pour le Président Alpha Condé. Il n'est de secret pour personne  qu'une colère noire habite la majorité des Guinéens du fait par  par  le Président Alpha Condé  d'accordé une prime  exceptionnelle à l'impunité en Guinée. Dans son gouvernement, une place de  choix est accordée aux ennemis de la démocratie et à ceux  qui  sont accusés par la commission d'enquête des Nations Unies comme étant  les  auteurs et commanditaires  des massacres et des viols  du 28 septembre 2009. Certains ministres  en exercice  sont ceux que la communauté internationale ne souhaitait  pas  voir dans le gouvernement de la  transition. On se  demande les raisons de leur présence dans un gouvernement  qui  est et reste le fruit des combats contre la dictature  militaire et pour la démocratie en Guinée ?

 

Bon nombre de Guinéens qui se sont battus pour  la démocratie et contre l'impunité en Guinée se sentent humiliés et se voient    nargués par certains ministres  pro-CNDD  encore en exercice, qui ont tout fait pour le maintien de la dictature en  Guinée. Un ministre d'Etat  du gouvernement    Alpha Condé avait même nié les massacres et viols du 28  septembre 2009  par le biais des médias nationaux et  internationaux avant de former une délégation qui s'était rendue à  Ouagadougou avec pour objectif de faire échec à l'accord sur la transition  démocratique en Guinée. Voir ce dernier prospérer sur le fruit de la lutte  des martyrs sur les cadavres desquels il crachait  est  une situation difficile à digérer pour la majorité des Guinéens surtout venant  de celui qui se disait opposant  historique et  allergique    à la compromission.

Les Guinéens ont vu le retour en force de ceux  qui ont saboté les institutions de la République de multiples manières telles  que des usurpations des pouvoirs présidentiels  accompagnées    de faux décrets et contre décrets  facilitées  par la maladie du feu Président Lansana  Conté.

 Tous  ces constats ont fini par irriter les Guinéens qui n'attendent plus qu'un  signal pour demander des comptes. Ce signal peut être le retour du Capitaine   Dadis Camara  non suivi  de poursuite judiciaire. Les Guinéens de l'intérieur comme de l'extérieur  n'accepteront jamais que le Président Alpha Condé tente  d'accorder l'impunité aux auteurs des crimes contre les artisans de la  démocratisation de notre pays. Cette éventualité sera de nature à laisser  place à d'autres tragédies humaines. Interrogé sur le cas de Dadis Camara par France 24, le  Président  parlait de pardon.

 Si son accession à la magistrature suprême  constitue l'aboutissement  heureux de toutes ses  préoccupations, il n'en est pas de même pour des milliers de victimes et  leurs familles qui n'ont  autres préoccupations que de  voir la justice donner un sens à la disparition de nos martyrs à savoir, la  fin de l'impunité en Guinée qui passe forcement par la soumission des  criminels à la rigueur de la loi. Les massacres et viols du 28 septembre 2009    ne sont  que les conséquences  directes de l'impunité dont ont bénéficié les auteurs des massacres de  janvier et février 2007.

Si on se réfère à l'exemple de la Serbie, la  communauté internationale pourra conditionner  son  aide et sa coopération avec la Guinée au transfèrement  du Capitaine Dadis  Camara et  ses co-accusés  devant  la cour pénale internationale  si toutefois le  Président Alpha Condé tente  de les  soustraire à la justice. Situation qui ne lui laissera que deux choix :  protéger  les présumés criminels et subir les  sanctions politiques  et économiques de la communauté  internationale, ou les livrer à la CPI avec pour conséquence    d'être vu par les partisans de Dadis Camara   comme celui qui les aurait  livré à la CPI. Raison pour laquelle nous pensons que    le retour de l'ancien Chef de la junte  est un  cadeau  juridiquement et politiquement    empoisonné pour lui-même, mais aussi  pour le  président Alpha Condé.

 

Dans ce régime du président Alpha Condé ou les  bourreaux  d'hier sont  bien  récompensés, on se demande toujours quant au sort qui sera réservé aux  familles des martyrs dont les sacrifices ultimes ont permis au professeur Alpha Condé de se retrouver  là où il est  aujourd'hui.

 

Makanera  Ibrahima  Sory  Juriste

Directeur de publication du site leguepard.net

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