Rencontre de Sékhoutouréyah: l'opposition maintient ses revendications
- Par Administrateur ANG
- Le 05/03/2013 à 19:48
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Le porte-parole de l'opposition guinéenne, Aboubacar Sylla, qui avait conduit la délégation à la rencontre de concertation à laquelle le Chef de l'Etat, Alpha Condé, avait convié les acteurs politiques au palais présidentiel Sékoutouréyah, pour tenter de dénouer la crise que traverse le pays, a lu un discours à l'occasion dont voici le contenu:
Discours adressé au Président de la République par le porte-parole de l’ADP, du Collectif et du CDR:
Excellence, Monsieur le Président de la République,
C’est avec le sentiment mitigé d’un homme qui s’interroge sur l’avenir du dialogue politique guinéen et sur les perspectives de paix et de stabilité dans notre pays que je prends la parole, au nom des tous les partis politiques de l’opposition guinéenne regroupés au sein de l’ADP, du Collectif et du CDR, pour vous présenter notre lecture de la crise politique qui affecte le fonctionnement de nos institutions.
Nous ferons également des suggestions dont nous espérons vivement qu’elles seront effectivement perçues comme des solutions possibles de sortie de crise et qu’elles bénéficieront de toute l’attention qu’elles méritent.
Monsieur le Président de la République
Devant la gravité de la situation actuelle et en raison de l’absence de perspectives politiques pacifiques en Guinée, il nous parait important d’attirer votre attention et d’ er l’ensemble de l’opinion nationale et internationale sur les périls qui menacent aujourd’hui la paix sociale et la stabilité politique de notre pays.
Les violences de ces derniers jours qui ont endeuillé de nombreuses familles et semé la désolation chez des milliers de concitoyens n’en sont que les prémisses qui interpellent la conscience de tous. Il est, en effet évident que la crise économique et sociale profonde que traverse notre pays est à la fois le reflet d’une grave crise morale et la conséquence de la précarité institutionnelle engendrée par le blocage politique que connait le pays. Elle ne pourra se dénouer sans une véritable rupture et une remise en cause totale des pratiques actuelles en matière de gouvernance.
Pour l’ADP, le Collectif et le CDR, il s'agit de saisir l’occasion de la présente rencontre pour exprimer, avec vigueur et conviction, les exigences et les revendications de l’opposition démocratique et républicaine, le but ultime étant à la fois de ramener le processus électoral dans le sens de la légalité et du droit et de promouvoir la paix et la solidarité nationale.
Excellence Monsieur le Président,
Des évènements de juin 2006 aux évènements du 27 février 2013 en passant par le 28 septembre 2009 et votre élection comme premier Président démocratiquement élu en Guinée, d’énormes sacrifices de tous genres ont été consentis et qui attendent d’être couronnés par l’organisation des prochaines élections législatives, libres et transparentes dont les résultats seront acceptés de tous.
Dans la poursuite de ce noble objectif qui appelle au devoir patriotique tous les acteurs majeurs de la république, le processus doit obéir à des formalités et démarches qui imposent à chacun des partenaires que nous sommes, le respect de la République dont vous incarnez la plus haute dignité.
En effet Monsieur le Président, s’agissant de la crise qui affecte le processus devant conduire à l’organisation des prochaines élections législatives en Guinée, les protagonistes ont pour noms :
le Gouvernement et sa mouvance, l’opposition (ADP, Collectif et CDR) et la CENI. Pour l’ADP, le Collectif et le CDR, le meilleur paradigme serait que vous instruisez qui de droit afin qu’un dialogue structuré, franc et sincère puisse s’engager à compter d’aujourd’hui entre le Gouvernement, la CENI et l’opposition (ADP, Collectif et CDR) autour des points de revendication ci-après :
1. Le choix d’un nouvel opérateur technique.
2. Le vote des Guinéen de l’étranger.
3. Le chronogramme électoral y compris la question liée à la gestion unilatérale de la CENI par son Président.
Dans entre-temps, le Collectif et le CDR demandent l’arrêt du processus électoral en cours en attendant que par le biais des vertus du dialogue, une issue heureuse soit trouvée à la crise politique actuelle qui ne fait pas honneur à notre jeune et fragile démocratie.
A ces points s’ajoutent les questions liées à la mauvaise gestion de la marche pacifique du 27 février dernier. Nous comptabilisons à ce jour, 7 morts, 194 blessés dont 12 par balles réelles et 27 hospitalisés dans un état grave, un nombre indéterminé d’interpellations ainsi que de nombreux dégâts matériels et destruction de biens personnels.
A cet effet, l’ADP, le Collectif et le CDR demandent au Gouvernement la prise des mesures d’accalmie suivantes :
- la libération des militants de l’opposition arrêtés dans le cadre de la marche de l’opposition du 27 février dernier et jours suivants ; - la prise en charge sanitaire des blessés ;
- l’ouverture d’une enquête sérieuse et indépendante en vue de la traduction en justice des auteurs des exactions physiques et économiques dont certains citoyens ont été les victimes ;
Excellence Monsieur le Président de la République
Depuis le mois de mars de l’année 2011, l’opposition politique guinéenne, soucieuse de la finalisation de la transition ouverte depuis décembre 2008, a commencé à interpeler les autorités guinéennes sur la nécessité de sortir notre pays de sa précarité institutionnelle.
Pour ce faire, elle a appelé au dialogue franc et sincère avec le Pouvoir afin de convenir avec lui des meilleurs conditions de délai et de transparence devant faciliter la tenue d’élections législatives inclusives, crédibles et apaisées.
Le Gouvernement a, depuis cette période, systématiquement rejeté tous les appels au dialogue formulés par l’opposition, dans le but de repousser le plus loin possible l’échéance électorale et de mettre à profit ce délai pour asseoir sa mainmise totale sur l’ensemble du processus en prenant, entre autres, les dispositions suivantes :
- La mise en place d’une administration centrale et territoriale politisée et complètement acquise au parti au pouvoir ;
- La révocation des maires élus, la dissolution des conseils communaux et leur remplacement par des délégations spéciales nommées par l’exécutif ;
- La restriction des libertés publiques se traduisant par des entraves drastiques aux activités des partis politiques de l’opposition ponctuées de violences policières entrainant de façon récurrentes des morts d’homme, des blessés et des interpellations de manifestants ;
- Le contrôle absolu des médias de service public qui sont purgés de tout journaliste et de tout programme non explicitement favorable au pouvoir et qui demeure hermétiquement fermés aux autres sensibilités politiques ;
- La mise sous tutelle de l’autorité judiciaire devenue par le jeu des affectations arbitraires des magistrats et des pressions exercées sur les auxiliaires de justice, un véritable appendice de l’exécutif.
- le noyautage de la CENI en propulsant à sa tète, un responsable controversé de la Société Civile qui a entièrement inféodé cette institution à l’exécutif, au mépris du règlement intérieur et des dispositions légales en vigueur.
Pour éviter que la transition politique en cours dans notre pays ne connaisse un épilogue douloureux et devant les obstacles apparemment insurmontables à la mise en place d’un cadre de concertation structuré, l’ADP et le Collectif en appellent à une implication plus directe et plus importante de la communauté internationale dans le processus électoral.
Cette demande trouve sa justification dans l’impossibilité, depuis deux années, de voir prendre forme une véritable médiation nationale réellement neutre et indépendante susceptible d’emporter la confiance des parties et ce, malgré les tentatives répétées et infructueuses de la société civile et de certaines institutions républicaines.
Monsieur le Président Aujourd’hui,
au regard des dernières scènes de violence aveugle qui ont tragiquement émaillé le quotidien des citoyens de la capitale, force est de reconnaître que le destin de notre pays semble incertain et son avenir précaire.
Faut-il accepter cette réalité comme une fatalité ?
Se complaire dans une telle aberration serait se résigner à une sorte de suicide collectif et admettre que la Guinée est condamnée à demeurer dans la situation de détresse qui est actuellement la sienne.
C’est pourquoi réfléchir sur la destinée de la Guinée et des guinéens est une démarche cruciale à laquelle doit s’atteler sans tarder la classe politique de notre pays.
Ce serait la première étape pour créer les conditions de la renaissance de la société guinéenne et de la résurrection des valeurs morales et de l’éthique civique qui font la trame des grandes nations.
Sinon, notre pays s’acheminera inexorablement vers une décadence morale, prélude à un état anarchique dont on ne fait que commencer, aujourd’hui, à mesurer l’ampleur et les conséquences.
Monsieur le Président de la République
Dans l’espoir que ce message de l’ADP, du Collectif et du CDR servira de jalon pour enfin permettre l’organisation d’élections crédibles et apaisées, l’opposition guinéenne vous prie par ma voix, d’agréer l’expression de sa très haute considération.
Je vous remercie de votre aimable attention
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