Remaniement gouvernemental: Points forts et faibles d’un acte
- Par Administrateur ANG
- Le 03/11/2012 à 09:54
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Longtemps annoncé, le président Alpha Condé a finalement procédé, le 05 octobre 2012, au premier remaniement du gouvernement qu’il a formé en plusieurs étapes après son investiture, le 21 décembre 2010. Diplomatiquement, l’arrivée de François Lonseny Fall à la tête de la diplomatie guinéenne pourrait améliorer l’image de la Guinée sur la scène internationale. Tout comme Kerfalla Yansané aux finances ou Christian Sow à la justice. La civilisation du gouvernement est aussi remarquable. Mais, globalement, ce gouvernement traduit une préoccupation politique. A la veille des législatives, pourra-t-il gagner ce défi ?
Le président Alpha Condé a surtout décidé de renouveler sa confiance au premier ministre Mohamed Saïd Fofana en le maintenant dans ses fonctions théoriques du chef du gouvernement. Au regard de l’image pour le moins effacée et résignée du premier ministre qu’il a imprimée sur l’opinion avec la précédente équipe, il n’est pas certain que le« nouveau » chef du gouvernement soit diffèrent de l’ « ancien ». Les observateurs politiques ne parient pas sur un Saïd Fofana II avec plus d’autorité et de pouvoir que le Saïd Fofana I. D’ailleurs, nommé le même jour et sur le même décret que ses ou, pour être plus exact, les ministres, contrairement à Saïd Fofana I, promu bien avant la constitution séquencée du gouvernement, le premier ministre semble bénéficier d’une confiance sursitaire. A défaut de trouver mieux ou de ne pas vouloir trouver un autre premier ministre, le même est reconduit, mais installé sur une chaise éjectable réglée à l’horloge de la fin du scrutin législatif dont le chronogramme ultime est estimé à la fin du premier trimestre 2013. En attendant, et comme par le passé, Mohamed Saïd Fofana devra encore se consacrer à des missions délicates d’ordre social, comme la crise jusqu’à ce jour non résolue de l’usine de FRIGUIA, et à des activités politiques de campagne en parcourant continuellement les quartiers de Conakry et les préfectures du pays afin de tenter de mobiliser ou remobiliser les électeurs à la cause de du RPG Arc-en-ciel dans la perspective des futures élections législatives. Mais, en dépit de cette perception qui le confine dans un rôle moins que second pour certains, le maintien du premier ministre soulève des questions et appréhensions chez certains guinéens pour qui Mohamed Saïd Fofana n’a pas été réduit à simplement inaugurer les chrysanthèmes.
Ainsi, soupçonné et cité d’être au cœur de certaines pratiques obscures, Mohamed Saïd Fofana, avec cette reconduite, saisira-t-il cette nouvelle occasion qui s’offre à lui pour se défaire de l’image d’affairiste que lui collent ses compatriotes, ceux qui l’accusent parfois ouvertement de manipuler des ministres dans la gestion des marchés de l’état, ignorant superbement les procédures et règles administratives en la matière ?
S’aura-t-il s’imposer des règles de gestion hors de tout doute et instituer la transparence comme méthode de gouvernement à même de stimuler le changement prôné par le président Alpha Condé ?
Sur tous ces fronts et d’autres, Mohamed Saïd Fofana II, avec des préjugés assez défavorables, est observé à la loupe.
De toute façon, le cadre d’évolution du premier ministre et son champ de fonctionnement sont si définis et tracés que le maintien de Saïd Fofana est d’abord le choix renouvelé du président Alpha Condé de rester le seul et vrai commandant à bord, celui habilité à s’occuper de tous les dossiers stratégiques, notamment politiques et économiques du pays en demeurant le principal sinon l’unique interlocuteur des partenaires. En s’accommodant d’un premier ministre de faible envergure, le président Alpha Condé ne se contente pas de présider, il gouverne et absorbe la totalité des pouvoirs. Cependant, cette forte emprise du président de la République sur l’appareil d’état n’est pas sans risques. De ce fait, Alpha Condé s’expose seul et directement à tous les coups et âpres critiques de ses adversaires. Avec cette posture, il sera difficile au président de la République de désigner un fusible au cas où des crises se produiraient demain.
Si la confirmation de Mohamed Said Fofana à la primature n’enthousiasme que peu de monde et suscite de vives critiques, beaucoup d’observateurs considèrent en revanche que le président de la République a visé droit et vu juste en portant le choix sur François Lonseny Fall, pour conduire la diplomatie guinéenne qui avait du plomb dans l’aile depuis quelques années et particulièrement sous son prédécesseur direct Dr Edouard Nyankoye Lamah , un médecin sans un minimum d’expérience parachuté, à la surprise générale, ministre des affaires étrangères lors de la formation du premier gouvernement. En revenant aux affaires étrangères, François Lonseny Fall retourne dans ce qu’on peut considérer comme sa maison, qu’il a difficilement quittée en mars 2004 pour la primature. Jeune cadre, haut fonctionnaire, ambassadeur dans plusieurs pays et auprès des organismes internationaux, ministre ou représentant du secrétaire général des Nations Unies en Somalie ou en Centrafrique, Fall retrouve sa vraie passion avec la diplomatie.
Mais, huit ans après, il devra faire face à de nombreux désordres et défaillances créés par ses prédécesseurs et qui affectent négativement l’image de la diplomatie guinéenne. Bref, François Fall aux affaires étrangères, Kerfalla Yansané aux finances ou Christian Sow à la justice, tous ministres d’état, c’est la compétence, l’expérience, le sérieux et la rigueur dans le travail qui sont mis en exergue et célébrés. Même si la gestion de Kerfalla Yansané, dans les mêmes fonctions sous le régime de la transition militaire, essuie de vives critiques fondées, le commis de l’état a le caractère pour appliquer à la lettre une politique de rigueur économique et financière et l’envergure pour discuter efficacement avec les bailleurs de fonds.
Bah Ousmane, également ministre d’état, aux travaux publics, n’a pas forcement l’expérience de ses collègues cités plus haut. Pourtant, l’ancien numéro 2 de l’UNR et actuel leader de l’UPR a aussi du caractère et de la personnalité bâtis sur un long parcours politique, il est vrai non sans failles mais constituée de plus de hauts que de bas. On ne peut malheureusement pas dire autant de tous les ministres d’état. Le maintien de Papa Koly Kourouma, à la tête du stratégique département de l’énergie paraît découler d’un calcul plus politicien et électoraliste que la valorisation de l’expertise, de la compétence ou la recherche de l’efficacité dans un domaine si sensible et où la patience des guinéens a dépassé les limites du compréhensible. A la veille des législatives, le président de la République estime risquer de se débarrasser d’un ancien candidat à la présidentielle qui a réalisé 5% des suffrages et sur lequel s’était capitalisé les votes de Yomou, Lola et N’Nzérékoré, capitale de la région forestière, désignée ville de la célébration du 55eanniversaire de l’indépendance de la Guinée. Le président Alpha Condé voudrait que les candidats du PG-Arc-en-ciel, son parti, raflent ces circonscriptions électorales lors des législatives. Mais, la résurgence de l’UPG de Jean Marie Doré, ancien premier ministre, devenu très véhément dans la critique contre le nouveau régime et candidat déclaré au perchoir, est sentie comme une sérieuse menace pour la mouvance présidentielle que le président Alpha Condé se garde d’accroitre par le limogeage de Papa Koly. A partir de là, tout porte à croire que l’aventure ministérielle du candidat exclu du RDR ne survivra pas aux législatives. D’ailleurs, dans les faits, le président Alpha Condé pilote lui-même les investissements au niveau de l’énergie, que ce soit dans l’achat des groupes énergétiques ou la construction du barrage Kaleta ou encore l’électrification des villes de l’intérieur du pays.
L’ancien ministre de la communication et ancien porte-parole du gouvernement, payerait le prix de ses hésitations à‘’mouiller le maillot’’ lors des crises qui ont secoué le régime notamment l’affaire de Zowota et les marches de l’opposition. Il est surtout reproché à Dirus Diale Doré, nommé en tant que leader du parti RDR, qui a présenté Papa Koly à la présidentielle de 2010, de ne pas avoir su ou voulu (en tant que porte-parole du gouvernement) répondre et défendre le régime du président Alpha Condé face à des accusations graves de tueries à Zowota ou de tentatives d’assassinat des leaders politiques d’opposition dans le véhicule blindé de Lansana Kouyaté formulées contre le gouvernement et diffusées sur les chaines nationales et internationales. Et le voyage médical qu’il a effectué à la même période à Dakar a été interprété comme un prétexte pour masquer une fuite et un manque d’engagement qui ont scellé le sort de Dirus Diale Doré. Dirus Doré sur le départ, l’accord avec la forêt à préserver, il faut donc trouver un autre cadre de la contrée pour donner un sang frais à la motivation. D’où la nomination de Togba Césaire Kpoghomou à la communication. Le redéploiement de l’ancien chef de la diplomatie, Dr Edouard Nyankoye Lamah, à la santé publique, le maintien d’Oyé Guilavogui aux télécoms et nouvelles technologies de l’information et la nomination d’Emile Yombouno à l’Agriculture obéissent au même objectif électoraliste. Le président Alpha Condé, on ne le dira jamais assez, tient à cette région qui dit-il a enfanté le RPG, son parti.
A l’agriculture, Jean Marc Telliano, dont la réputation personnelle souffre d’interprétations sulfureuses et la gestion obscurcie à tort ou à raison par de graves accusations, n’a pas été placé à la même enseigne que Papa Koly, malgré ses 3% de suffrages recueillis à la présidentielle de 2010. Contrairement au pays Kpèlè où Jean Marie Doré semble redoutable, le président de la République ne croit pas que Jean Marc Telliano soit politiquement si influent encore sur l’électorat Kissi à Guéckedou et Kissidougou où il a fait les 90% de son score. Toujours sur ce chapitre politique, Jean Marc Telliano s’est gardé de fondre son parti dans le RPG-Arc-en-ciel. Au contraire, avec une trentaine de partis politiques, il a lancé sa propre alliance forcement concurrente du RPG – Arc-en-ciel même si, pour éviter les critiques et soupçons, il revendique subtilement son ancrage dans la mouvance présidentielle. Et quand Jean Marc Telliano, comprenant l’impossibilité qu’il avait de faire signer ses projets de décrets par le président de la République tant Alpha Condé est résolu à choisir et à nommer lui-même les cadres à toutes les fonctions administratives, a pris des arrêtés plaçant ses amis et cadres de son parti dans les fonctions de directeurs préfectoraux d’agriculture, beaucoup dans la mouvance ont interprété ces actes illégaux de banditisme et de malhonnêteté du président du RDIG profitant de sa position ministérielle pour élargir son champ politique. Une tendance autonomiste politique inadmissible de la part d’un allié qui a été l’un des rares à être propulsé à la tête d’un important département ministériel comme l’agriculture.
D’autre part, par rapport aux malversations signalées dans les marchés d’achats des tracteurs et intrants agricoles commandés à coup de centaines de milliards de francs guinéens, le président Alpha Condé avait pointé un doigt accusateur à peine voilé sur son ministre de l’agriculture. Jean Marc Telliano, dans une sortie médiatique déterminée et insolite, était monté au créneau pour réfuter les allégations de mauvaise gestion. Toujours est-il que le président Alpha Condé a pris en main les dossiers en question et créé des difficultés de fonctionnement au ministre en lui imposant un secrétaire général, Sékou Sangaré que Telliano n’a jamais supporté. Avec ces désaveux, beaucoup de cadres de l’agriculture ont commencé à compter les jours de leur ministre dans le gouvernement.
A la présidence de la République, le départ de François Lonseny Fall pour les affaires étrangères fait au moins un heureux, Dr Mohamed Diané, déchargé du poids d’un écrasant complexe de faiblesse. Le ministre directeur de cabinet se sentirais mieux à l’aise de ne plus avoir à souffrir de la cohabitation sinon de la confrontation avec la forte personnalité qu’incarnait Fall à la présidence de la République. Il pourrait exercer enfin la plénitude des pouvoirs que lui conféraient théoriquement les attributions qu’il a taillées sur mesure, sans soucis de se faire crucifier par le prestige ou le charisme de Fall ou encore d’être contrarié par plus expérimenté. Mais, la suppression du secrétariat général de la présidence n’est pas sans inconvénients, et le président de la République devrait rapidement s’en apercevoir.
Dr Mohamed Diané et son adjoint, le ministre chef de cabinet, Naby Youssouf Kiridi Bangoura, sont, en attendant, les seuls premiers collaborateurs directs du président de la République sur les questions relevant du domaine du Palais. Le repêchage de Nantou Chérif Konaté, n’y change presque rien à cette nouvelle physionomie de la présidence de la République. Dans la nouvelle fonction, la mission de l’ancienne représentante du parti en Europe sera exclusivement politique avec une responsabilité de coordination du RPG-Arc-en-ciel, dans la perspective de la bataille des législatives. Et, Kiridi Bangoura, le numéro 2 du cabinet présidentiel, devrait assister la nouvelle conseillère dans cette délicate tâche politique.
Dès lors, le rang de ministre d’état accordé à l’ancienne ministre des affaires sociales parait honorifique et protocolaire. C’est un acte de rattrapage pour consoler l’humiliation infligée à une compagne politique des premières heures, par le fait d’avoir été préalablement écartée du gouvernement au bénéfice de sa ministre déléguée, Djaka Diakité (une militante hors du commun pour la cause d’Alpha Condé), avec laquelle Natenin Konaté Chérif entretenait des rapports plus que difficiles et dignes des rivalités entre coépouses. Dans cette guéguerre de femmes, le président Alpha Condé a tranché en faveur de Djaka Diakité, nommée à part entière ministre des affaires sociales et de la promotion féminine.
C’est aussi le cas de Sanoussy Bantama Sow, qui sort largement victorieux de la longue et impitoyable guerre fratricide qui l’a opposé à l’ancien footballeur Aboubacar Titi Camara. L’arbitrage présidentiel longtemps attendu s’est prononcé en faveur de Sanoussy Bantama Sow qui rajoute les sports à son département de l’emploi jeunes, en laissant Aboubacar Titi Camara K O sur le tapis. Mais, à vrai dire, ce n’est pas seulement avec le ministre Sanoussy Bantama Sow que l’ancien ministre des sports, Aboubacar Titi Camara était en conflit ouvert. L’ancien capitaine du Syli national, comme Hitler lors de la deuxième guerre mondiale, a été mal inspiré d’ouvrir et de s’attaquer à plusieurs fronts en même temps. De la fédération guinéenne de football, dont il s’était arrogé les prérogatives ; aux cadres du ministère des sports, ignorés, bafoués et remplacés dans leurs attributions par des amis sans statut à la fonction publique ; en passant par les joueurs de l’équipe nationale, maltraités et toujours dans des conditions difficiles de préparation avant les matchs; l’entraineur, sans salaires depuis des mois ; les autres disciplines sportives, abandonnées à elles-mêmes ; des personnalités respectables, attaquées et insultées à tort publiquement ou sur des antennes de radio ; les grands chantiers sportifs comme le stade de Nongo, restés en l’état, Aboubacar Titi Camara a accumulé lui-même les raisons objectives de son limogeage. En confondant sa fonction avec la gestion du syli national, et même pas au développement du football en Guinée, il a fait preuve de manque de vision. Il était tout à la fois (fédération guinéenne de football, entraineur, capitaine, joueur, vendeur de tickets d’accès au stade…) oubliant la mission première et fondamentale qui est celle d’un ministre des sports. Dès lors, sa présence ne se justifiait plus à la tête des sports guinéens où pourtant il pouvait s’appuyer sur plusieurs atouts pour réussir ou tout au moins tenter de changer la situation dans le bon sens. Même avec ses collègues ministres, Aboubacar Titi Camara avait un caractère difficile. Lors des préparatifs de la CAN 2012 au Gabon et en Guinée Equatoriale, il avait eu des mots déplacés et injurieux à l’égard de la commission interministérielle (composée de membres du gouvernement) chargé de collecter les contributions pour l’équipe nationale de Guinée en la qualifiant de ‘’non évènement’’. Si on ajoute à tout ça, la gestion de la CAN 2012 au Gabon ou des jeux olympiques de Londres qui ont vu pleuvoir des plaintes et accusations de soustraction de frais de missions formulées par des sportifs, supporters, cadres, il faut dire qu’Aboubacar Titi Camara a déçu les espoirs que l’opinion sportive portait sur lui. Il n’a même pas pris la mesure réelle des hués du public dont il a été accablé au stade du 28 septembre lors d’un entrainement du Syli national à la veille du match Guinée – Egypte, un match qu’il n’a pas assisté au regard de l’hostilité fort élevée à son encontre. Et depuis, le président Alpha Condé, sous le prisme politique, a compris que son ministre – grand footballeur fut-il –était devenu encombrant et que l’image écornée de Titi Camara était de nature à lui attirer, lui le président, des inimitiés et à lui priver le soutien de la jeunesse à la veille des élections législatives. En définitive, Aboubacar Titi Camara est victime d’une certaine arrogance qu’il a cultivée et a, à ce titre, raté son rendez-vous pour couronner une carrière sportive qui lui avait valu pourtant, et en son temps, la considération et l’admiration de beaucoup de guinéens.
Le départ des généraux militaires et la civilisation intégrale du gouvernement est un acte majeur, une grande première et pourrait être un début de démilitarisation totale de l’administration civile guinéenne. Depuis la chute du régime du président Ahmed Sékou Touré et l’avènement, le 03 avril 1984, du CMRN du défunt général Lansana Conté sur la scène publique nationale, les militaires n’ont cessé de s’attribuer les rôles clés dans l’appareil d’état. Il reste maintenant à savoir jusqu’où ira le président Alpha Condé dans la logique civile qu’il semble avoir prise pour l’administration. La question persiste d’autant que le colonel Moussa Tiégboro Camara, secrétaire d’état à l’anti-drogue et contre la criminalité et le colonel Claude Pivi, ministre de la sécurité présidentielle, non mentionnés dans le décret, continus d’officier comme avant. Sur ce registre, le président de la République donne l’impression de ménager le capitaine Moussa Dadis Camara en continuant à collaborer avec les proches de l’ancien chef de la junte, malgré que ceux-ci soient dans le collimateur du tribunal pénal international par rapports aux événements meurtriers du stade du 28 septembre en 2009.
A contrario, le limogeage du général Mamadou Toto Camara de la sécurité, Mathurin Bangoura de l’habitat et du général Mamdou Korka Diallo de l’élevage est la fermeture de la parenthèse du général Sékouba Konaté, ancien président de la transition, qui avait recommandé ses trois frères d’armes au président élu, Alpha Condé avant l’investiture de ce dernier. Le général Mamadou Toto Camara, moyennement apprécié au ministère de la sécurité, est certainement en train de se mordre les doigts pour ne pas être allé au bout de sa menace de démission quand Mouramani Cissé, son successeur, avait été nommé ministre délégué à la sécurité. Dans un élan de garande colère, le général Mamadou Toto Camara avait rédigé et remis sa lettre de démission au premier ministre, Mohamed Saïd Fofana, critiquant à qui voulait l’écouter la ‘’pagaille, les doublons de la structure gouvernementale’’. Intraitable, il exigeait que le président de la République rapporte le décret de nomination de Mouramani Cissé. Inflexible face à toutes les médiations lui demandant de renoncer à sa décision, il était allé jusqu’à renvoyer ou rabouiller des personnalités comme l’ancien premier ministre, Kabinet Komara venues plaider auprès de lui au nom du président de la République. Nouvellement installé dans ses fonctions, le président Alpha Condé a été ébranlé à l’idée par les effets qu’auraient produits une démission d’un ministre, militaire de surcroit, en tout début de son quinquennat. Et finalement, c’est l’épouse du général Toto qui a su proposer un compromis en demandant d’abord à son mari d’accepter le ministre délégué et en exigeant que le président de la République élève le général Toto au rang de ministre d’état. Le soir le décret nommant le général Toto ministre d’état a été diffusé sur les antennes de la RTG et la crise de justesse a été évitée. Mais, l’effet est resté. Le général Toto venait de signer son arrêt de mort ministérielle. Dès lors, aucun analyste averti ne créditait le ministre d’état d’une longévité gouvernementale.
Il fallait une forte dose de naïveté pour imaginer même une seconde que le président Alpha Condé allait digérer une telle défiance blessante qui l’a contraint à céder face à un ministre.
Le général Mamadou Toto Camara, part avec un passif.
Dans la gestion de certains dossiers comme celui des passeports biométriques, l’ancien ministre d’état n’a pas fait preuve de responsabilité en signant des contrats avec trois sociétés différentes pour un même marché. De la part d’une personnalité de son rang, ces agissements répréhensibles ne sont pas de nature à rehausser l’image. Alors que la société française Oberthur Technologies a déjà fabriqué les passeports biométriques guinéens, suivant un contrat respecté à la lettre, nul n’a compris que le ministre de la sécurité, le général Mamadou Toto Camara, qui aurait pu être président après la mort du président Conté, ait accepté de tremper dans ce genre d’affaires salissantes.
Il revient au nouveau ministre, Mouramani Cissé, la tâche de restaurer l’image gouvernementale par le respect des engagements initiaux de l’état sur ce dossier. Il devra aussi instaurer la discipline au sein de la police notamment dans la circulation où les agents passent l’essentiel du temps à rançonner les usagers qu’à mettre de l’ordre. Le ministre Mouramani Cissé aura besoin de beaucoup de caractère pour imposer à ses collègues du gouvernement et aux militaires le respect du code de la route, car ce sont eux qui sont souvent à l’origine de la pagaille et du désordre dans la circulation routière. Le grand front du nouveau ministre de la sécurité devrait être la lutte tous azimuts contre le phénomène de criminalité et de grand banditisme qui a pris des proportions très inquiétantes aujourd’hui. Il ne se passe plus un jour sans que les gangs fortement armés ne défoncent des maisons ou braquent un automobiliste en pleine circulation et à des heures de grande pointe. Le plus souvent ils tuent avant de vider la maison ou d’emporter le véhicule. Le ministre de la sécurité devrait s’organiser et rendre efficace les actions des services de sécurité contre ces bandes qui sévissent partout en Guinée comme sur des terrains conquis.
Le général Mathurin Bangoura a été souvent félicité par le président Alpha Condé. Mais, beaucoup lui reprochent sa gestion du ministère des télécoms et des transports. Des méchantes langues l’accusent d’être à l’origine des difficultés et de la faillite que frise aujourd’hui la société de téléphonie ‘’SOTELGUI’’. D’autres encore indexent la responsabilité du général Mathurin dans l’encaissement par le port autonome de Conakry contre le trésor public des 3,5 millions d’euros payés par la société française getma internationale et représentant le reliquat du montant du ticket d’entrée dans la concession du terminal à conteneurs.
Mais, le communiqué de la présidence publié au lendemain du remaniement ministériel faisant état de la démission auparavant des généraux, ne semble rien reprocher aux militaires et n’accorde aucun intérêts à ces faits. Au contraire, il attenue le mérite présidentiel dans le départ des militaires du gouvernement. S’il en est ainsi, c’est un des points faibles de cet acte d’autant que le départ du général Mamadou Toto Camara est compensé par la promotion de sa seconde épouse Mimi Koumbassa au ministère délégué aux affaires sociales, et que le général Mathurin Bangoura a désigné lui-même son remplaçant, en l’occurrence, Ibrahima Bangoura, promu ministre de l’urbanisme et de l’habitat. Probablement que le général Korka Diallo a eu droit aux mêmes faveurs.
A priori, la création d’un ministère en charge des droits de l’homme et des libertés publiques, est une avancée. Son occupant, Kalifa Gassama Diaby, s’est illustré sur ce terrain ces derniers temps. Aujourd’hui à l’intérieur d’un gouvernement, pourra-t-il mener le même combat avec le même engagement et dans l’impartialité ? C’est toute la question. En tout état de cause Gassama Diaby sera particulièrement observé dans ses mouvements et jugé sur l’efficacité de ses actions. Si ce décret, avec Abdoul Kabèlè Camara à la défense, Mohamed Diaré au budget, récompense des résultats, ou, à l’image de Hadja Rougui Barry, aux guinéens de l’étranger, Albert Damantang Camara, à l’enseignement technique et formation professionnelle, récompense le volontarisme, il soulève aussi certaines confusions qui méritent d’être signalées. En effet, des ministères non cités comme la fonction publique, l’alphabétisation ou les affaires religieuses continuent d’exercer. Ont-ils été omis ou sont supprimés ?
Enfin, ceux qui pronostiquaient que le président Alpha Condé allait saisir l’occasion que lui offrait ce remaniement pour relancer l’alliance Arc-en-ciel originelle qui l’a portée au pouvoir se sont trompés. Reste enfin à savoir quelle sera la marge de manoeuvres des membres de ce gouvernement quand l'on sait qu'aucun ministre sous la précedente équipe n'a eu la possibilité de former lui même son cabinet.
Toujours est-il que le président de la République mise sur sa nouvelle équipe, à forte coloration politique, pour aller à la conquête des électeurs. Cruciale mission.
Abdoulaye Condé
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