Recomposition de la CENI : Alpha Condé veut passer en force
- Par Administrateur ANG
- Le 01/09/2012 à 12:55
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Des Institutions soi-disant représentatives
On se souvient qu'Alpha Condé avait refusé la proposition du CNT voulant faire respecter la loi 13 du 27 Octobre 2007, mais cela impliquait une refonte totale de la CENI. Il a donc inventé un système inédit, consistant à réunir des militants ou sympathisants du RPG (Makalé Traoré, Alain Traoré, Kalifa Condé, Dansa Kourouma, Alhassane Camara, Moussa Sidibé...) en les qualifiant d'institutions représentatives, et en créant une Commission quasiment assimilée au CNT. Quelles sont-elles ? :
- quelques membres du CNT, dont on vient de découvrir que l'opposition n'y est représentée que par moins d'une dizaine de membres sur 150 !!!
- le CES dont la fonction est essentiellement (sinon exclusivement) économique et sociale, et dont je cherche vainement les travaux. Par ailleurs qui pourrait rappeler depuis combien de temps, les instances du CES n'ont pas été renouvelées. Il me semble que Michel Kamano est président de la structure depuis Juin 1997 !!!
- le CNC de Martine Condé qui usurpe la HAC (dont on se rappelle du hic de Janvier 2011), et dont l'indépendance est un terme inconnu ?
- le Conseil religieux dans un pays laïc ?
- la société civile où 4 individus dont on connaît l'opportunisme malsain, et qui ne représentent qu'eux-mêmes, sont censés parler au nom de tous ? D'ailleurs un organisme de femmes que l'on découvre soudainement, et qui dit se battre pour la paix, mais est resté étrangement silencieux à l'occasion des assassinats de Zowota. L'indignation serait-elle fonction de l'origine ethnique des victimes ?
- bizarrement pas les syndicats, sauf les organisations patronales, dont l'une récente, n'est qu'une excroissance du RPG ? Les syndicats de travailleurs pourtant plus nombreux n'ont-ils plus la côte, soupçonnés qu'ils seraient, d'être réellement indépendants ?
Les 2 propositions de la Commission non retenues
Les partis d'opposition qui représentent pourtant les 2/3 des électeurs au premier tour des présidentielles ont été exclus des discussions, ainsi que la plénière du CNT, alors que c'est pourtant leur vocation. Au final, la proposition de Makalé Traoré variait entre :
- la solution 1 qui respecte la loi d'Octobre 2007, et qui correspond au souhait de l'opposition (rénovation complète de la CENI) ;
- et une proposition 3, complètement saugrenue, puisqu'elle imposerait une femme à la tête de la CENI, comme si la féminité était gage d'indépendance. Les voix de l'opposition seraient diluées, même si la représentativité des partis (sans qu'on en connaisse le contenu) serait prise en compte, en fonction des résultats des présidentielles de 2010. 3 vice-présidents seraient imposés avec un Centre consacré, alors qu'il ne correspond à rien sur le plan idéologique.
La proposition d'Alpha Condé
Bien entendu, on avait pris soin d'inclure la proposition d'Alpha Condé, qui apparaît comme faisant le compromis entre les deux précédentes propositions, mais qui souffre de 5 défauts majeurs :
- en premier lieu, la proposition ne résulte pas d'un consensus entre les partis politiques, mais de la seule volonté d'Alpha Condé, même si un « emballage », par ailleurs grossier existe. Or ou on applique la loi 13 d'Octobre 2007 (Alpha Condé défend pourtant – quand ça l'arrange - le principe d'application de la loi), qui ne permet aucun remplacement des commissaires avant terme (Octobre 2012, soit dans deux mois), ou on procède à un consensus... entre les partis politiques, et non au sein d'un même camp !!! On rappelle par ailleurs que cette loi, a quand même déjà été violée par Alpha Condé, puisque deux commissaires choisis par l'administration ont été remplacés.
- en deuxième lieu, l'article 83 de la constitution stipule que : « les lois qualifiées d'organiques par la présente Constitution sont votées et modifiées à la majorité des deux tiers des membres composant l'Assemblée Nationale. Elles ne peuvent être promulguées si la Cour Constitutionnelle, obligatoirement saisie par le Président de la République ne les a déclarées conformes à la Constitution. L'Assemblée Nationale ne peut habiliter le Président de la République à prendre par voie d'Ordonnance des mesures qui relèvent de la loi organique ». Or en l'absence de consensus (destiné seulement à dénouer des situations de crise, car la loi doit toujours primer sur le consensus), la seule possibilité de modifier la composition de la CENI, est le vote d'une loi organique. Je me réserve de détailler davantage ce paragraphe, de façon à ne pas donner « du grain à moudre » (de la matière) au gouvernement, mais je suis sûr que j'aurai à y revenir très rapidement.
- le 27 Octobre 2012, soit dans deux mois, le mandat des commissaires de la CENI arrivera à terme. On se demande donc ce qui pousse Alpha Condé à accélérer subitement le processus électoral, lui qui a en retardé volontairement le déroulement, alors que tous les problèmes entre lui et l'opposition, vont pouvoir trouver une solution. Puisqu'on a attendu près de deux ans, avec des problèmes et des tensions, ayant même entraîné la mort de Guinéens, ainsi que de nombreuses blessures, des emprisonnements, et des rackets en tous genres, il paraît curieux qu'Alpha Condé ne discute pas avec l'opposition, pour anticiper et accélérer la suite, au remplacement complet des commissaires.
- si on jette néanmoins un œil sur la proposition retenue, et contrairement à ce qui se fait dans toutes les démocraties du monde, Alpha Condé n'a pas choisi de tenir compte des résultats des seules élections libres de Guinée de Juin 2010, qui définissent des rapports de force partisans (cela faisait seulement partie de la proposition 3), mais a inventé sa fourchette personnelle et subjective de représentativité électorale. Il a bien pris soin de ne pas indiquer à ses alliés si les 9 postes revenaient au seul RPG, dont il est toujours le président (quid du PEDN par exemple ?). Il n'a pas déterminé non plus, la part respective des partis de l'opposition pour les 9 autres sièges (quid d'un parti « cabine téléphonique » appartenant au Collectif par exemple). Il a consacré l'existence d'un Centre virtuel, inexistant sur le plan idéologique, dont il est impossible de déterminer la représentativité (sauf celle du PEDN, si on le range dans cette catégorie). En outre cela dénature l'esprit de la CENI entre une majorité et une opposition. Décréter qu'il existe un Centre (pourquoi pas une extrême gauche ou une extrême droite ?) constitue un nouveau « fait du prince ». Il continue à réclamer une « représentation » et de l'administration, et de la société civile, dont les événements ont montré, leur absence de neutralité. A ce sujet je rappelle (c'est pourquoi, j'ai mis le mot représentation entre guillemets), que les commissaires sont choisis par un Collège (pouvoir, opposition, société civile, administration), mais une fois élus, ils ne représentent que l'Institution où ils exercent, et non le Collège qui les a choisis. Autrement dit, on ne peut pas parler de représentants de tel ou tel Collège (ceci pour rappeler que les deux membres de la CENI choisis par l'administration n'en sont pas les représentants et ne pouvaient être remplacés que dans des conditions très strictes, qui n'ont d'ailleurs pas été respectées). Concrètement si l'on prend l'UFDG qui est le premier parti en Guinée (40% de l'électorat), il appartient au groupe des 9 et on pourrait supposer qu'il n'aurait qu'un seul représentant sur les 25 (contre 9 + 3 + 2 + 2 = 16 au seul RPG).
- enfin et surtout l'intitulé de cette proposition choisie par Alpha Condé : « la recomposition partielle de la CENI en tenant compte du paysage politique actuel, sauvegarder la mémoire de l'institution, et capitaliser les expériences des membres actuels de la CENI », laisse entendre que les 9 membres élus par le pouvoir, seraient reconduits pour 5 ans (donc y compris pour l'élection présidentielle de 2015). Lorsqu'on fait le bilan de leurs activités (et je ne parle même pas de l'audit financier de l'UE, étrangement passé sous silence), on ne peut qu'être dégoûté de voir l'incompétence et la malhonnêteté primées, par celui qui se proclamait pourtant « Mr Propre ». En outre, il n'est dit nulle part que le Président serait remplacé, ce qui ne constituerait, il est vrai qu'une formalité, au vu de la nouvelle composition (16 commissaires sur 25). Il y a donc lieu de lui rappeler l'incompétence notoire de tous les commissaires, et l'audit de l'UE devrait illustrer - si besoin était – que ce sont justement ce genre d'expérience et de comportements qu'il faut éradiquer au pays.
Bien entendu, il n'est pas question pour l'opposition de participer à cette mascarade. Car ce qu'il faut comprendre de ces gesticulations, c'est le fait qu'Alpha Condé veuille présenter cette nouvelle violation constitutionnelle, comme un compromis qu'il aurait fait à l'opposition, et enchaîner les élections avec un fichier électoral frauduleux, en laissant entendre qu'avec la recomposition, tous les problèmes seraient résolus. Or comme je l'ai dit ci-dessus, la recomposition n'est que le moyen de remettre à plat le fichier électoral et non une fin en soi. En outre avec les événements du lundi 27 Août, le combat a changé de nature désormais...
Gandhi, citoyen guinéen
« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace ». (Robespierre, Discours sur la liberté de la presse, Mai 1791).
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