L’intelligence de Jeu du Hafia

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J’adore les débats d’idée parce que justement, ils permettent un enrichissement mutuel et donc une avancée ; dans le cas précis de notre compatriote qui avait contesté la pratique du football total par le Hafia, il reconnaît sa sortie maladroite et aimerais en savoir plus.

Voici un copier coller de ses commentaires avant d’apporter d’autres éléments de réponses:

« Moi, j’aimerai que vous alliez encore au fonds avec les anciens du Hafia pour nous ressortir cette philosophie, cette tradition du football total incarnée par les différents systèmes et les ajustements en fonction du cours des matches.

Le gain ou la perte d'un match de football ne dépend pas seulement de l'habileté des joueurs à manier le ballon. Le football étant un sport d'équipe, les questions d'intelligence collective sont primordiales. L'issue d'un match est aussi et surtout liée à son aspect tactique. Le positionnement des joueurs sur le terrain, les phases de jeu répétées à l'entraînement, et, d'une manière générale, la capacité des onze joueurs à pratiquer un football homogène et cohérent entrent pour une très grande part dans les résultats d'une équipe. C'est peut-être parce que le football ne requiert pas seulement de l'habileté, de la force ou de la résistance, mais aussi une compréhension subtile des options stratégiques favorables à l'équipe, parfois appelée « intelligence de jeu » ou « lucidité », qu'il est devenu le sport le plus populaire de la planète

Car si le football total est pratiqué, c’est sur la base d’un système de jeu qui le caractérise. Vous ne faites ressortir à aucun moment la façon dont le Hafia jouait (le système que l’équipe utilisait et les différents ajustements en fonction du jeu).
En effet, le système de jeu ou dispositifs tactiques en football recouvrent le placement des joueurs de football les uns par rapport aux autres et leurs actions de déplacements, qui peuvent être « orchestrées » à partir du banc de touche par l'entraîneur ou le sélectionneur et ce que l'on peut appeler la mise en place initiale d'un plan de jeu. »

 

Avant mon analyse, j’aimerais apporter quelques éléments de réponse :

 

Dans les années 60, ce sont des hongrois (Chéfeldi, Boudei, Zakarias, vieubande) qui s’occupaient  du football guinéen ; Petit Sory dit « c’est Boudei qui nous avait repéré en minime et le soir, il venait nous entrainer, à l’époque le grand stade n’existait pas » ; c’est ce même boudei qui a entrainé l’université club qui fut la pépinière du Hafia et pour finir, ce même entraineur sera à la tête du Hafia lors de sa première victoire en 1972.  Il eu ensuite un roumain et Maitre Naby, un guinéen lors de la dernière victoire en 1977 ; à ma connaissance, je peux dire qu’il y a eu trois écoles de foot puisque, vous conviendrez avec moi qu’aucun entraineur ne fait du copier coller.

Pour ce qui concerne des tactiques, Souleymane Chérif parle du trio qui illumina l’Afrique : Petit Sory ailier droit, Souleymane Chérif, avant centre et Maxime Camara, ailier gauche : « nous l’avons travaillé à l’entrainement, si Maxime arrête avec le pied droit, cela veut dire je vais essayer de passer en solo, passez derrière moi pour récupérer le ballon si je le perd ; mais s’il arrête avec le pied gauche, cela veut dire vient on va faire une- deux  contre un adversaire donc on est deux contre un.  Quand Petit Sory prend le ballon avec tous ses dribles et va sur le point du corner, cela veut dire, j’attire la défense, je vais centrer au second poteau, vous vous préparez mais s’il fonce directement au premier poteau, cela veut dire, je vais faire un centre en retrait. Moi aussi quand j’ai le ballon, les autres savent ce que je vais faire ; quand je me met en diagonal pour faire face à Petit Sory, je ne vais jamais donner la balle à Petit Sory, c’est pour attirer la défense et d’une bonne technique, je donne la balle à maxime et la voie est ouverte ; quand je pars à 90k/h, ils savent mon point de chute et la balle doit arriver en ce moment. Notre problème maintenant est, comment marquer. On le travaillait si bien à l’entrainement, qu’on le savait même en dormant »

 

Mon Analyse :

 

Le Hafia avait bien des schémas de jeu mais comme je n’en ai pas parlé avec les joueurs, je préfère ne pas les mentionner; par contre je peux dire que le Hafia est passé au moins par trois écoles puisque l’on peut imaginer que ces trois entraineurs n’ont pas appliqué des copies conformes.

 

Pour moi le football total est une philosophie et quand on adhère à une philosophie, l’on adopte ses principes et ses règlements.

Permettez-moi quelques détails, Souleymane Chérif m’a parlé de l’histoire de son ballon d’or « Boubacar Kanté, le célèbre journaliste, que tout le monde connait en Guinée, m’a proposé un plan de travail, six mois avant les compétitions, en me disant de ne plus fumer si je fumais, de ne plus boire et de ne plus aller danser, pour toujours être en forme sur un terrain de foot ; comme je n’ai jamais bu, ni fumer… » ; C’est à dire le premier point de travail n’était pas la technique mais avoir une hygiène de vie pour un sportif.

 

J’ai demandé à Abdoulaye Bernard Sylla de me parler des pénaltys ; il dit ceci « les gens pensent que c’est de la magie ou de la sorcellerie, non, c’est quelque chose que j’ai travaillé à l’entrainement ; j’ai enlevé dans mes calculs, l’anticipation du gardien ; je ne bouge pas tant que je ne vois pas le ballon ; parfois cela embrouille le shooter ; je me dis, les cages font 7m32, j’ai 3m de chaque coté et je travaillais pour savoir comment les couvrir »

 

Pour moi voilà un exemple d’intelligence de jeu ; quand je vois aujourd’hui des professionnels du foot, jouer l’après midi et faire la nuit une lutte gréco- romaine, au son du coupé décalé, avec la bouteille, en boite de nuit, nul besoin d’être un voyant pour savoir que la carrière footballistique ne sera pas longue.

Eh oui, malgré sa petite taille, la bouteille a toujours terrassée l’humain.

Ou quand un gardien de but s’envole avant même que le tireur ne lève le pied et que la balle passe exactement à son emplacement initial ; à chaque fois, une phrase me traverse l’esprit, et il est payé pour ça ?

Quand une équipe atteint le sommet, ce sont les autres qui adaptent leurs jeux pour la stopper, voire la battre et une des intelligences de jeu du Hafia fut de travailler plusieurs solutions afin de toujours trouver la faille ; c’est ce qui explique leur longévité au sommet.

 

Alors, pour moi, l’intelligence de jeu ne se limite pas seulement aux phases de jeu, ni aux mouvements harmonieux des joueurs sur le terrain ; c’est un tout et pour le cas du Hafia, c’est leur professionnalisme. Des joueurs d’un bon niveau intellectuel, qui ont compris individuellement et collectivement, la philosophie du foot et ses contraintes.

Leurs victoires n’étaient pas les fruits du hasard.

 

J’ai demandé à Ibrahima Fofana Calva, les raisons de leur défaite à la finale de 1978 contre le Canon de Yaoundé ; sa réponse «  nous avions pris un coup de vieux, nous étions fatigués ; c’est la seule explication » ; la tête était là mais plus les muscles pour quelqu’un comme lui et tant d’autres qui avaient commencé la haute compétition en 1966.

Il était tant de prendre la retraite méritée.

 

En 1979, certains de ces retraités ont rechaussé des crampons pour affronter le club de St Etienne à Abidjan en Cote d’Ivoire pour le Jubilé Akan Jean Baptiste, voici l’impression de Mohamed Check Keita Cocodi : « ce que Maxime Camara à fait là bas, je n’en revenais pas, dire que c’était un joueur à la retraite, je n’en revenais pas »

 

Plus je découvre cette équipe, plus j’ai du respect pour eux et plus je défini l’intelligence de jeu comme le résultat de toutes les décisions intelligentes qui permettent à une équipe de se hisser au sommet et de s’y maintenir. Ce qui demande beaucoup de travail et de sacrifice.

Alors chapeau bas au Hafia.

 Paul Théa

 

NB : Lazlo Boudei (c’est l’orthographe sur sa tombe), fut selon Mickmack, l’un des coéquipiers de Puskas de la grande équipe hongroise, il aima tellement la Guinée, qu’il demanda d’y retourner pour finir ses jours ; sa tombe est au cimetière du quartier cameroun ; pour les autres joueurs, je ne suis pas certain de l’orthographe de leurs noms.

 

Chose promise… Voici la vidé de l’anecdote de Chérif sur les leçons de foot de Sékou Touré.

 

http://www.youtube.com/watch?v=x1yV_xfjdQc

Paul THEA

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