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Les vérités d'Alpha Condé: «Il y a aujourd'hui deux camps en Guinée...»

A moins d’un mois d’un deuxième tour qui devrait l’opposer à Cellou Dalein Diallo, l'opposant historique guinéen, Alpha Condé, livre ses vérités aux Afriques. C’était ce samedi 20 août, à son retour d’une tournée qui l’a mené dans certains pays de la région. Alpha Condé ne mâche pas ses mots. Exclusif.

Propos recueillis par Ismaël Aidara, envoyé spécial à Conakry

Les Afriques: Professeur, pourquoi cette absence de l'échiquier politique guinéen ces jours-ci. Seriez-vous à la quête de fonds de campagne pour remobiliser vos troupes ?

Alpha Condé : (rires) J'avoue que non. Un leader politique qui porte l'espoir de tout un peuple doit de temps à autre se déplacer en dehors de la Guinée. A chaque fois, que je m'absente du pays, je ne suis jamais coupé de ma base. Je suis en contact permanent avec elle. Je suis de très près l'actualité de mon pays. Je rentre comme vous le constatez de Ouagadougou où j'ai séjourné. J'ai transité par Bamako avant de rejoindre Conakry aujourd'hui (Ndlr : samedi 20 août 2010) où mes militants m'attendent.

LA : Vous avez donc rencontré à Ouagadougou, le président Blaise Campaoré et l'ex chef de la junte militaire, le Capitaine Moussa Dadis Camara, actuellement en surveillance médicale ?

AC: Naturellement. Le président burkinabé, Blaise Campaoré est un ami et frère. A chaque fois, que je suis de passage à Ouaga, je lui rends visite. J'ai profité aussi de mon séjour à Ouaga, pour aller rendre visite à l'ancien chef de l'Etat guinéen, Moussa Dadis Camara. Je lui ai présenté mes condoléances. Comme vous le savez, il vient de perdre tragiquement son fils âgé de 24 ans au Canada ces jours passés. C'est pénible pour un père de perdre un adolescent. Ce dernier a été retrouvé mort dans une piscine au Canada. Je me mets à sa place.

LA : Certains parlent de crime politique crapuleux et voient derrière la mort du fils de Dadis la main des narcotrafiquants qui veulent solder leurs comptes à l'ex chef de la junte militaire ?

AC : Rien n'est clair pour le moment. On susurre cette hypothèse. Beaucoup de gens le pensent en Guinée comme à l'extérieur. Je reste prudent. Je partage cette peine avec le Capitaine Dadis Camara.

LA : Votre parti, le RPG ( Rassemblement pour le Peuple de Guinée) a signé avec quelque 90 partis politiques et mouvements de soutien dont le PDEN de l'ancien ministre Lansana Kouyaté, arrivé en 4e place, le parti de Kassory Fofana, Loncény Fall, Pape Koly Kourouma entre autres. Êtes-vous sûr de remporter la victoire au soir du 19 mars prochain ? 

AC : Sans aucun doute. Il y a deux camps aujourd'hui: celui de la rupture et du changement que je conduis avec mes alliés et celui de la continuité d'un système qui a fini de mettre à genoux le pays. La ligne de démarcation est claire dans la conscience populaire des Guinéens. J'ai réuni autour de moi plusieurs personnalités qui ont des profils différents et riches, chacun dans son domaine. Nous avons baptisé notre alliance "Alliance Arc -en-Ciel". Je veux rassembler le potentiel de ressources que le pays possède. Je m'inscris dans cette voie d'unification pour un développement homogène. 

LA : Votre adversaire Cellou Dalein est en alliance avec Sidya Touré arrivé en troisième position au premier tour et Abé Sylla. Avez-vous des craintes ? 

AC : Je vous dis, et c'est la vérité, que Sidya Touré est parti chez Cellou sans sa base. Ses militants le lui ont dit. Sa base l'a lâché. Il le sait bien. De même que Abé Sylla. Ils ont fait de mauvais calculs. Ils vont le payer cher.

LA : Lors de la campagne du premier tour, l'argent et le vote ethnique ont ils été déterminants selon vous sur le terrain?

AC : Absolument ! Je l'ai toujours dénoncé. Mon adversaire a mis en avant ces deux paramètres. Il a mis en place une grosse machine. C'est une mafia bien organisée avec un trafic de liasses d'argent distribuées à tour de bras, en complicité avec des opérateurs issus de sa mouvance. J'ai répété avec insistance que Cellou Dalein Diallo est le candidat d'une mafia et non le candidat des Peulhs. Cette mafia ne doit pas prospérer. Cette élection présidentielle est loin d'être une question d'ethnie dont l'heure de prendre le pouvoir a sonné.  

LA : Vous avez récemment évoqué la circulation en Guinée en pleine campagne électorale d'une quantité importante de billets de banques non sécurisés, faciles à imiter. De quoi s'agit -il ?

AC : J'ai attiré l'attention des autorités de la Banque centrale de Guinée sur la circulation de ces billets qui sont à mon avis très faciles à imiter. Ces billets francs guinéens sont pas sécurisés. Mon message est  bien passé.

LA : Vous avez exigé de la CENI  d'apporter des correctifs quant aux dysfonctionnements constatés pendant le premier tour avant la tenue des élections le 19 septembre. Qu'est ce qui a changé depuis ?

AC : Beaucoup de dysfonctionnements ont été constatés. Le découpage électoral mal fait  était volontairement matérialisé à la faveur du camp adverse. J'ai demandé à assainir la CENI. Dans cette élection au premier tour, il y avait beaucoup de doublons. J'exige que ces manquements notoires faits sur la base d'une complicité à grande échelle soient corrigés. L'Union Européenne et l'Union africaine travaillent là dessus. Sur les 22 points, 16 sont en bonne voie. Il y a un nouveau découpage qui se dessine. Nos éléments sont sur le terrain pour rectifier le tir. La CENI est plus interpellée à remédier à ces dysfonctionnements. Elle lui appartient de les solutionner dans le respect des lois. Vous vous rendez compte! Des milliers et des milliers de voix en Haute Guinée n'ont pas été comptabilisées. Par la simple faute de la CENI qui n'a pas fait son travail de collecte. Ces voix ont été annulées.  

LA : Une citation directe  à comparaître a été adressée par votre parti à un des membres de la CENI, El Hadji Boubacar Diallo. Où en est-on avec le dossier ?

AC : El Hadji Boubacar Diallo a commis un délit. On a retrouvé dans ses tiroirs des bulletins de vote qu'il avait gardés. Ces voix confisquées aux citoyens guinéens ont été purement et simplement cachées, donc annulées. C'est une forfaiture. Il répondra de ses actes devant la justice. Croyez moi, nous ne laisserons pas cette affaire. 

LA : Conakry a reçu la semaine dernière successivement les présidents de la sous-région ouest-africaine, Blaise Campaoré, Abdoulaye Wade, Ellen Jonhson, Ernest Koroma. Pourquoi le pays intéresse les voisins si autant ?

AC : Géopolitiquement, je trouve cela très normal. Ces pays sont des pays frères et amis. Chaque président est venu s'imprégner de l'évolution du dossier politique guinéen pour en avoir le coeur net. Je salue cette bonne volonté des chefs d'Etat respectifs. La Sierra Léone, le Libéria et la Guinée Bissau ont connu des troubles politico-militaires. Le Sénégal, en ce qui concerne sa partie sudiste ( la Casamance) est une zone vulnérable. Le président du Burkina Faso est le médiateur de la crise guinéenne et a réussi la prouesse d'arracher les accords de Ouaga.  Nous sommes liés à plus d'un titre.

LA : Avant votre voyage à l'étranger, vous vous êtes recueilli sur la tombe des présidents, Feu Ahmed Sékou Touré et Feu le général Lansana Conté. Quelle symbolique ?

AC : C'est vrai. J'ai tenu à me recueillir sur leurs tombes. Ces deux hommes ont assumé d'importantes fonctions à la tête de la Guinée. Je dois respect à leurs mémoires. C'est un message fort de pardon et de réconciliation nationale que j'ai voulu lancer au peuple guinéen dans sa diversité. Personne n'a subi plus de brimades que moi. Il faut se surpasser et oublier le passé. Je pense à l'avenir de la Guinée. Le pays a des valeurs qu'on doit admettre. Exergue « J'ai répété avec insistance que Cellou Dalein Diallo est le candidat d'une mafia et non le candidat des Peulhs. C'est une mafia bien organisée avec un trafic de liasses d'argent distribuées à tour de bras, en complicité avec des opérateurs issus de sa mouvance. »

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