Les éclairs du Caire pourraient-ils illuminer Conakry ?
- Par Administrateur ANG
- Le 10/07/2013 à 06:57
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Qu’est-ce qu’on nous a bassinés avec la formule débilitante « Président Démocratiquement Elu »! A force d’insister sur l’adverbe « démocratiquement » la RTG avait elle-même semé, sans le vouloir, un doute sur la transparence de l’élection présidentielle de 2010.
Heureusement l’accalmie s’est installée, l’ardeur des partisans d’AC s’étant bien émoussée. Tout le monde a compris qu’il peut tondre n’importe qui en Guinée mais qu’il ne rase jamais gratis. Sacré Condé !
Dans un système démocratique, il n’y pas de « CENI ». A l’issue d’élections, le ou les vainqueurs sont déclarés élus et on passe à autre chose. Cameron n’est pas le « PM démocratiquement élu » mais tout simplement le PM du Royaume-Uni. Obama n’est pas le « président démocratiquement élu et réélu » mais tout simplement le Président des Etats-Unis. Sarkozy n’est pas l’ancien « président démocratiquement élu mais non réélu » de la France… La démocratie se constate et se vit au quotidien ; elle a l’oreille sensible et n’a pas besoin qu’on crie fort son nom.
Cependant, dans certaines situations, il n’est pas inutile de rappeler la manière dont certains ont accédé à la magistrature suprême. C’est le cas du Président égyptien Morsi qui vient de mordre la poussière.
Pour sortir d’une formule toute faite, devenue la marque déposée du RPG, je dirais que le Président Morsi avait été le vainqueur lors d’un scrutin pluraliste et transparent. Personne n’avait contesté sa légitimité. Mais Mohamed Morsi a commis une lourde erreur en décrétant le 22 novembre 2012 que ses décisions seront à l’abri de tout recours en justice, provoquant ainsi la colère des Egyptiens. Le 8 décembre, après de nombreuses manifestations, il recule. Le 24 janvier 2013, les violences reprennent dans tout le pays, faisant des dizaines de morts. Le 1er juillet 2013, l’armée lance un ultimatum de 48 h à Morsi pour lui demander de démissionner ; le 3 juillet, elle prend les commandes et installe un gouvernement provisoire. La situation n’est pas encore stabilisée et l’Egypte risque de basculer dans une forme de « syrialisation ».
S’est-il agi réellement d’un coup d’Etat ? Rien ne permet de l’affirmer. En effet, ce n’est pas une junte militaire qui gouverne l’Egypte, le Général Abdel Fattah Al-Sissi, patron de l’armée, ne voulant pas jouer le premier rôle. Si Morsi a été écarté, ce n’est pas parce qu’il a échoué sur les plans économique et politique mais parce qu’il a voulu accaparer tous les pouvoirs constitutionnels au profit de sa confrérie des « Frères Musulmans ».
Ce n’est pas parce qu’on a été élu démocratiquement qu’on a le droit de tout faire pendant son mandat. En démocratie, la constitution précise le rôle de chaque institution. Élaborée par une Assemblée dominée par les islamistes, la nouvelle constitution égyptienne est loin de faire l’unanimité dans le pays. Elle est le reflet d’une vision islamiste du pouvoir qui cherche à islamiser la société.
En effet, conformément à l’article 2 de cette constitution, approuvée par une large majorité de la population, l'Islam reste "religion d'État" tandis que les principes « chariatiques » demeurent la principale source de la législation. Ce qui inquiète particulièrement les coptes, qui craignent son imposition, même si le texte indique que les Chrétiens et les Juifs pourront suivre les préceptes de leurs propres religions.
Mais ce n’est pas parce qu’une loi a été approuvée par la majorité de la population qu’elle est nécessairement bonne pour l’ensemble de la population. Une démocratie moderne doit nécessairement défendre aussi les droits des minorités. Le fait de gagner une élection ne donne pas le droit de tout faire.
Mohamed Morsi, élu démocratiquement, a voulu contrôler intégralement la société ! Il avait oublié que l’Egypte était dotée d’une armée républicaine, véritable rempart contre les dérives islamistes. L’islamisme, qu’il ne faut jamais confondre avec l’Islam, est un véritable cancer pour toute démocratie.
Qu’en est-il de la Guinée ?
En Guinée aussi il y a eu des élections mais quelles élections ! Le Pr. Alpha Condé a été proclamé Président. Il est le Président. Démocratiquement élu? Lui-même ne l’a jamais cru. D’où ses efforts pour contrôler intégralement le pays. Il avait utilisé la formule « PDE » comme un prénom.
Une formule qui pourrait s’appliquer à plusieurs individus : le « Président Dégoûtamment Elu » (on sait de qui il s’agit), le « Peulh Déclaré Eliminé » (personne n’a besoin de dessin pour comprendre !), le « Parti Durablement Ebranlé », etc. Je laisse le soin à chacun de trouver ce qu’il considère être « Définitivement Ecarté » ou « Décidément Endormi » comme celui que certains surnomment déjà « l’honorable O. Togba des Travaux Publics» !
Des similitudes avec l’Egypte ? Je n’en vois pas !
Au Caire, l’armée a tué des manifestants mais on n’y a pas noté, du moins pour l’instant, de viol, de vol et de torture. Elle ne vise aucune communauté en particulier. C’est une armée républicaine (je ne dis pas parfaite) qui veut éviter au pays une guerre civile.
A Conakry, c’est une milice ethnique, entretenue par le pouvoir en place, qui tue et torture. Elle cible une communauté particulière : les Peulhs. On ne peut parler de guerre civile en Guinée car ce ne sont pas des ethnies qui s’y entretuent. C’est le pouvoir qui y réprime une des composantes d’une nation en formation.
Au Caire, on ne récompense pas les militaires ; on les honore ou on les punit. A Conakry, on ne punit pas les militaires ; on les récompense comme s’il s’agissait de civils, quels que soient leurs crimes.
A l’allure où vont les choses, l’Egypte, le Pays des Pharaons (donc de bâtisseurs), a d’ailleurs plus de chances de s’en sortir que la Guinée, pays sous le joug d’un pharaon (donc d’un oppresseur). Dans le premier cas, on cherche à stabiliser la démocratie en empêchant les islamistes de tout contrôler; dans le second, on renforce la dictature déjà installée en truquant les élections.
Les législatives sont déjà « gagnées » par le RPG avant la tenue du scrutin. Quand on nous parle de comptage manuel, on se fout bien de nous. On ne comptera que ce qui existe, à savoir un fichier largement faussé.
L’ « accord politique global » du 3 juillet 2013 ne règlera rien en Guinée. Au contraire, il permettra certainement de renforcer la dictature d’AC.
D’après M. Cellou Dalein Diallo : « Waymark, nous n’avons pas obtenu son départ, mais nous avons obtenu sa neutralisation grâce à l’implication forte de la communauté internationale. On a enlevé ses dents et ses ongles. »
Est-ce vraiment une neutralisation ? Waymark n’a pas perdu sa capacité d’agir. Peut-être que le leader de l’UFDG pensait-il à une neutralité ? Quoi qu’il en soit, l’opérateur sud-africain n’est ni neutralisé ni neutre. Il ne faudrait pas se méfier seulement de « ses dents et ses ongles » car sa salive pourrait être électoralement mortelle.
Des coups de Dadis au gaz d’AC, CDD a tout subi. Nous n’avons pas besoin de martyrs. Nous ne cherchons même pas des héros mais simplement des dirigeants efficaces et déterminés. L’opposition a tellement fait de concessions à AC qu’il convient de se demander si elle fait vraiment preuve de naïveté ou si elle poursuit effectivement un programme occulte inavouable.
Si AC se rend compte qu’il peut vous faire avaler des couleuvres, c’est un python qu’il vous tendra ! En politique, le combat n’est pas un contrat à durée déterminable mais une lutte déterminante.
Rien n’est facile en Guinée, surtout en matière de gestion des ressources humaines. C’est à croire que le destin s’acharne sur ce pays. Figurez-vous que même les babouins de Guinée peuvent poser problème. En effet, d’après « Direct Matin », un quotidien gratuit disponible à Paris, le zoo de Besançon s’apprête à expulser de son parc animalier ces singes qui démontent les murailles de pierre qui les entourent.
Des Guinéens n’ont-ils pas démonté les rails du chemin de fer Conakry-Kankan ?
Je vous salue.
Ibrahima Kylé Diallo
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