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Le panoptique inversé

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Le panoptique est un type d'architecture carcérale imaginée par le philosophe, jurisconsulte britannique, Jeremy Bentham (1748-1832) qui permettait à un gardien, logé dans une tour centrale, d'observer tous les prisonniers sans qu'ils puissent savoir qu'ils sont épiés.

Le philosophe et historien français Michel Foucault (1926-1984) auteur de « Surveiller et punir » (éd. Gallimard, 1975), fit une longue série d'études sur le dispositif panoptique ; il était viscéralement attaché à l'amélioration des conditions de vie dans le milieu carcéral pour la dignité humaine.

Ce dispositif du panoptique a toujours été mis en application, sous tous les cieux, par le pouvoir du « Prince » qui mit ainsi son peuple sous sa coupe.

Aujourd'hui, c'est le peuple qui voit le « Prince » grâce notamment, au pouvoir des médias, au développement des réseaux sociaux, des SMS, des chaines de télé d'information en continu, d’Internet, etc. La donne a changé.

Le « Prince » ne peut plus se cacher, ni bâillonner son peuple, ni le torturer en silence : c'est le panoptique inversé.

En Corée du Nord, le régime de Kim Jong-Un, voyant le panoptique s'inverser, se fissurer, a révoqué, depuis le mois d'août dernier, le droit des ambassades d'utiliser le WiFi, sous peine d'amende, justifiant sa décision par des considérations environnementales. En réalité, il s'agit d'empêcher l'accès à un web non censuré et au monde extérieur par les Coréens qui résident près des ambassades.

Pour renforcer la censure, le régime a procédé à la désactivation, par l'opérateur national Koryolink, des cartes SIM des visiteurs étrangers lorsqu'ils quittent le pays afin qu'ils ne laissent pas leur téléphone en partant à un citoyen coréen.

Le président Moussa « Dadis » Camara avait voulu interdire, mais en vain, en Guinée, l'utilisation des SMS et d’Internet pour contrecarrer des manifestants hostiles.

Aujourd'hui, le ministre guinéen de la Communication M. Alhousseine Makanéra, a engagé un bras de fer avec certains medias. Le rôle de l'Etat n'est-il pas d’assurer la promotion des outils d'information au profit du grand public, de protéger les journalistes, d'inverser le panoptique sur les médias en Guinée ?

J'ai suivi avec beaucoup d'intérêt le débat tripartite entre mon ami et éminent juriste M. Ibrahima Sory Makanéra (aux arguments pertinents), le ministre des Droits de l’homme et des Libertés publiques, M. Gassama Diaby, et celui de la Communication sur la fermeture ou non d’Espace TV.

Nonobstant l'argumentaire juridique des uns et des autres, je fais mienne la célèbre parole de l'écrivain et philosophe français Voltaire (1694-1778) qui m'a marqué et qui occupe une place particulière dans la mémoire collective : « Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'au bout pour que vous puissiez le dire ».

Libérer la parole, notamment à travers et grâce aux médias, c'est aussi sortir le peuple du dispositif du panoptique en Guinée ou ailleurs. Et surtout pour se prémunir du « fait du Prince » !

Que Dieu préserve la Guinée !


Paris, le 19 septembre 2014

Nabbie Ibrahim "Baby" Soumah
Juriste et anthropologue guinéen

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