La Guinée ne veut plus dépendre de ses exportations minières

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Après Ebola et la chute des cours des matières premières, le pays renoue avec la croissance. Agriculture, nouvelles infrastructures et accroissement de la transformation locale, Conakry veut voir loin. À Conakry, le gouvernement guinéen a tenu pour la deuxième fois, du 9 au 11 novembre, son Forum international sur l’efficacité des politiques publiques et la transparence budgétaire.

Est-ce le signe d’un changement positif en matière de gestion des comptes publics du pays ? Une certitude, en tout cas : aujourd’hui, les autorités travaillent en étroite collaboration avec le FMI et la Banque mondiale, qui, même s’ils exigent davantage de transparence et de rigueur, reconnaissent tout de même les progrès accomplis.

Ainsi, passés les chocs occasionnés par la crise sanitaire d’Ebola en 2014 et la chute des cours des matières premières, l’économie guinéenne s’est montrée résiliente, affichant un taux de croissance de 6,6 % du PIB en 2016, projeté à 6,7 % en 2017 par la Banque mondiale.

Le déficit budgétaire, qui s’était creusé à 8,1 % du PIB en 2015, a été contenu à 1,4 % en 2016. Reste le niveau du taux d’inflation, de 8,2 % en 2015, qui pourrait encore s’établir à 8,5 % en 2017, la faute à la dépréciation du franc guinéen et à la hausse des prix intérieurs. « Nous sommes en train de faire des efforts, de mettre de l’ordre dans nos affaires », assure Sylvain Degbe, conseiller stratégique au ministère du Plan et de la Coopération internationale guinéen.

Les activités agricoles ne représentent que 9 % du PIB du pays

Pour retrouver une marge de manœuvre budgétaire, la Banque mondiale suggère au gouvernement d’élargir l’assiette fiscale. Quant aux dépenses publiques, Rachidi Radji, représentant de l’institution multilatérale en Guinée, note une volonté de les rationaliser.

« Elles sont par exemple réorientées dans la construction de pistes rurales, la distribution d’intrants agricoles, tels que les engrais, les semences, etc., afin d’accroître la productivité », analyse-t-il.

D’ailleurs, les activités agricoles ne représentent que 9 % du PIB du pays, d’après un document du Plan national de développement économique et social (PNDES).

Ces nouveaux investissements dans l’agriculture sont d’autant plus salutaires que celle-ci, longtemps délaissée au profit du secteur minier, occupe plus de 50 % de la population active.

Preuve de l’engagement du gouvernement guinéen dans ce domaine, des investissements massifs sont en train d’être réalisés dans les cultures vivrières mais également dans celles de rente comme le café, le cacao, l’huile de palme et l’ananas.

L’objectif ? Maximiser les retombées pour l’économie locale

Les activités extractives (or et bauxite essentiellement) ­­– l’un des principaux piliers de l’économie guinéenne, 13,3 % du PIB, plus de 80 % des exportations et environ 15 % des recettes de l’État en 2016 – n’échappent pas, elles non plus, à la volonté de changement des autorités.

Outre la remise à plat des principaux contrats conclus avant l’arrivée au pouvoir d’­Alpha Condé en 2010, aujourd’hui l’enjeu principal est de maximiser les retombées pour l’économie locale.

« Très clairement, en investissant dans l’agriculture et les minerais, et toutes les activités connexes, notamment celles liées à la construction de nouveaux ports, la logistique, le transbordement, etc., la Guinée vise la transformation structurelle de son économie », observe Carlos Lopes, l’ancien secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies et conseiller économique du chef de l’État guinéen.

Cela se traduit sur le terrain par l’exécution d’importants projets, comme la première phase des travaux d’extension de la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG), la construction du port de Boké-Dapilon (inauguré il y a un an) visant à accroître la capacité d’exportation de bauxite de la Société minière de Boké-Winning Africa Port (SMB-WAP).

Transformer les ressources minières

Toutefois, cette volonté de transformer localement les ressources minières du pays dépendra en grande partie de la disponibilité en électricité, l’une des principales vulnérabilités du pays.

La transformation de la bauxite en aluminium est, par exemple, extrêmement énergivore. Pour résorber le déficit énergétique, le gouvernement peut compter sur le barrage hydroélectrique de Kaléta (240 MW), mis en service en septembre 2015.

Quant à celui de Souapiti, en construction, doté d’une capacité installée de 550 MW, il permettra selon les autorités de couvrir la totalité des besoins en électricité du pays.

En 2012, 55,2 % des Guinéens vivaient au-dessous du seuil de pauvreté, selon Sylvain Degbe.

D’un coût total de 1,3 milliard de dollars (1,1 milliard d’euros), construit par China Water & Electric (CWE) et financé à 85 % par des fonds chinois, il devrait entrer en production dans trois ans. En attendant cette échéance, les entreprises autant que les Guinéens continuent à subir les délestages.

« Le taux d’accès moyen à l’électricité tourne autour de 27 %, et ce sont les ménages implantés à Conakry qui sont, pour l’essentiel, concernés. Le secteur privé se plaint évidemment d’une telle situation », déplore Rachidi Radji.

De même, les indicateurs ne sont guère plus reluisants concernant l’accès à l’eau, à la santé, à l’éducation ou à l’emploi. En 2012, 55,2 % des Guinéens vivaient au-dessous du seuil de pauvreté, selon Sylvain Degbe.

Les réformes sont lancées

Rassurer le secteur privé national comme étranger au travers de réformes qui déboucheront sur un environnement des affaires propice et attirer davantage d’investissements directs étrangers (IDE) sont les pistes explorées.

Nombre de réformes ont ainsi été lancées, se traduisant par l’adoption d’une batterie de nouveaux codes relatifs aux investissements, mines, impôts, PPP, etc., explique Gabriel Curtis, directeur général de l’Agence de promotion des investissements privés (Apip).

Sans compter les mesures relatives à la sécurisation juridique de l’investissement, devant aboutir à la création d’un tribunal de commerce.

Entre 2015 et 2016, le taux d’investissement dans l’économie a plus que triplé, passant de 7,3 % à 25,2 % du PIB grâce à un rebond des IDE, qui ont crû de 3 % à 18,8 % du PIB, toujours sur la même période.

Il n’empêche. Le chemin à parcourir est encore long, ces performances traduisant, dans une certaine mesure, un effet ressort, car la Guinée revient de loin.

Pour accélérer, Conakry, appuyé par la Banque mondiale et le Pnud, est venu à Paris chercher des fonds auprès des bailleurs internationaux (lire ci-dessous) pour pouvoir financer son Plan national d’investissement (PNI) 2016-2020.

Afin de porter cette politique, il faut aussi réformer en profondeur l’administration. En dépit de l’émergence de cadres bien formés, souligne Carlos Lopes, il y a toujours à côté « la vieille machine, inefficace, lourde, très fragmentée, et aimant faire les choses en solo ». En d’autres termes, il va falloir dégraisser le mammouth.

Des privés optimistes

« L’amélioration du dialogue public-privé depuis plusieurs années est un facteur qui nous incite à poursuivre nos investissements, même si la difficulté à acquérir des terrains, le manque d’infrastructures de communication et l’absence de financements compétitifs au niveau local nuisent encore au développement des entreprises », estime Éric Benjamin Colle, directeur général adjoint du groupe Topaz Multi Industries, acteur important de la plasturgie en Guinée

 

20 milliards de dollars de promesses

Lors du groupe consultatif organisé à Paris avec l’appui de la Banque mondiale, la Guinée a finalement reçu beaucoup plus de promesses de financement qu’elle l’espérait. Les engagements des partenaires s’élèvent à 20 milliards de dollars (environ 17 milliards d’euros), dépassant largement l’objectif initial de 4,5 milliards. Ce montant intègre l’accord de coopération signé à Xiamen en septembre avec la Chine portant sur une participation de 6 milliards de dollars.

Les investisseurs privés ont aussi confirmé leur intérêt en annonçant un apport de 7 milliards de dollars. Ces fonds serviront à la mise en œuvre des 52 projets du Plan national de développement économique et social (PNDES) 2016-2020, dont le budget s’élève à 14,6 milliards de dollars, soit entre 3 et 3,5 milliards de dollars annuels à partir de 2017. Le pays s’est fixé quatre objectifs lors de l’élaboration de ce plan : la bonne gouvernance, la croissance économique inclusive, le développement du capital humain et la protection de l’environnement.

 

Par Amadou Oury Diallo

Source: jeune afrique

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