La France « participe à la reconstruction post-Ebola »

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Secrétaire d’Etat chargée du développement et de la francophonie, Annick Girardin a convié une conférence « Ebola, retour d’expérience », qui se tient à Paris jeudi 29 octobre, avec de nombreux protagonistes ayant participé à la réponse à cette épidémie sans précédent.

Elle a répondu aux questions du Monde Afrique en esquissant un premier bilan au moment où trois nouveaux cas survenus en Guinée ont encore été recensés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la semaine se terminant le 25 octobre. Mme Girardin annonce un engagement financier auprès de la Guinée de 174 millions d’euros sur trois ans pour la reconstruction.

Pourquoi cette conférence ?

Face à une épidémie d’une telle ampleur [28 575 cas au total, dont 11 313 mortels, selon le bilan publié le 28 octobre par l’OMS], il me paraissait indispensable d’effectuer un retour d’expérience et de voir ce qui avait marché et ce qui n’avait pas marché. C’est la meilleure manière pour avancer. A présent, l’épidémie semble jugulée, mais n’est pas encore éradiquée. Il ne faut donc pas baisser la garde. L’objectif demeure de parvenir à zéro cas. Or, il y a encore nombre d’éléments inconnus.

Nous voyons certains malades guéris connaître un retour de signes d’infection, le virus peut persister dans l’organisme. C’est pour améliorer les connaissances scientifiques qu’un suivi des survivants d’Ebola a été mis en place, tant sur le plan biologique que psychologique. Nous en suivons 350 en Guinée, avec la perspective d’aller jusqu’à un millier. Mme Camara, porte-parole de l’Association des patients guéris de Guinée, sera d’ailleurs présente lors de cette conférence.

Qu’est-ce qui vous a le plus frappée dans cette épidémie ?

Sans aucun doute le fait qu’il ait fallu le cri d’alarme de Médecins sans frontières (MSF), face à une épidémie que l’ONG décrivait comme « hors de contrôle », pour que tout le monde réagisse. Puis la riposte s’est mise en branle et je suis fière de ce que la France a fait. J’ai été très marquée par ma première visite en Guinée, au cours de laquelle j’ai pu visiter le centre de traitement de MSF, recueillir des témoignages de malades et de travailleurs humanitaires. Cela m’a déterminée à tout faire pour parvenir à ce qu’il n’y ait plus aucun cas.

Qu’est-ce qui,selon vous, a bien marché et, à l’inverse, n’a pas bien marché ?

Le travail interministériel a bien fonctionné, de même que notre approche intégrée et les actions d’encadrement et de formation. En revanche, nous avons senti certaines tensions entre acteurs de terrain ou réticences à travailler ensemble. Il y a eu certaines lenteurs, par exemple pour l’ouverture du centre de traitement de Macenta, même s’il ne faut pas négliger les difficultés à bâtir cette structure à l’épicentre de l’épidémie, en Guinée forestière. A cela s’ajoute aussi le contexte linguistique, qui a fait que la France a trouvé moins d’appuis que cela a pu être le cas pour nos partenaires au Liberia ou en Sierra Leone.

Une fois que l’OMS a proclamé, le 8 août 2014, que l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest constituait une « urgence de santé publique de portée mondiale », la riposte internationale a été critiquée comme trop lente. Est-ce justifié ?

La réussite de la France est d’avoir su être un véritable partenaire pour la Guinée, pays sur lequel nous avons concentré nos efforts. Cela a pris un peu de temps pour s’organiser, mais cela nous a rendus plus efficaces. Tous les choix ont été effectués avec les autorités guinéennes et l’engagement français a été majeur : six cents Français se sont rendus en Guinée dans le cadre de la riposte à Ebola. C’est de la même manière, en partenariat avec la Guinée, que nous participons à la reconstruction post-Ebola.

Quelle forme prend cette participation ?

Nous avons construit des structures – centres de traitement, laboratoires… – qui serviront au-delà d’Ebola. Nous avons organisé des formations pour les soignants. Ces derniers pourront les mettre à profit par la suite. Idem pour la sécurité civile. Ces structures ont été mises en place en accord avec les communautés locales et en prenant en compte la dimension humaine et pas seulement la maladie. Par exemple, nous avons prévu au sein du centre de Macenta des possibilités d’hébergement pour les enfants dont les parents étaient hospitalisés ou qui étaient isolés. Cela s’est fait à l’époque où un climat de peur, avec même des agressions, régnait.

De même nous pouvons nous féliciter de l’attitude des entreprises françaises qui sont restées présentes pendant l’épidémie et ont organisé des réunions à l’attention de leurs personnels. Dans un autre ordre d’idée, afin de favoriser l’information de la population et la diffusion de messages sanitaires, RFI a ouvert un créneau d’émission en langue mandingue, langue parlée par 40 millions de personnes dans la région. Et il ne faut pas oublier la recherche, puisque nous sommes toujours engagés dans l’évaluation de traitements et de candidats vaccins, mais aussi dans l’évolution des laboratoires mis en place vers un rôle de surveillance épidémiologique.

Quels vont être les engagements financiers de la France pour cette phase de reconstruction ?

Pendant l’épidémie, nous avons mobilisé 160 millions d’euros en un an. La France va épauler son partenaire guinéen pour la reconstruction du système de santé mais dans le domaine de l’éducation et de la formation, avec un engagement de 174 millions d’euros sur les trois prochaines années. De plus, nous agirons au sein de l’Union européenne pour que l’aide soit justement répartie entre les trois pays les plus touchés. La santé ne représente pas un coût mais un investissement indispensable pour le développement. C’est aussi la logique des objectifs du développement durable adoptés cette année par les Nations unies.

Source: Le Monde

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