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La France doit contrer les visées hégémoniques chinoises sur la Guinée

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Tribune. Pour les nouveaux dirigeants de l’Afrique occidentale en construction, la Chine-Afrique remplace en totalité la Françafrique. Et ce, sans que l’Etat français n’ait jamais émis la moindre protestation en ce domaine. Un exemple : la Guinée dont le président Alpha Condé met toute son influence dans le renforcement des liens avec Pékin.

Dans les années cinquante, le général de Gaulle était convaincu que les Afriques noires (occidentale et équatoriale) pouvaient parfaitement maintenir une existence d’étroite association avec la France par consentement mutuel. Il ne tarda pas à obtenir pour ce faire le soutien du leader ivoirien Félix Houphouët-Boigny.

Mais Houphouët-Boigny avait un rival personnel, le Guinéen Sékou Touré. Très lié à la CGT qui l’avait formé au syndicalisme, ce dernier relayait les idées plus radicales et d’ailleurs hostiles à l’Union soviétique du leader communiste stalinien Maurice Thorez. Engagé par ces influences négatives, Sékou Touré, seul alors dans toute l’Afrique noire, fit voter la Guinée « non » au référendum d’adoption de la Vème République en 1958, se plaçant délibérément hors de la Communauté franco-africaine qui venait de naître.

François Mitterrand amorça un lent processus de retour de la France à Conakry

De Gaulle, qui n’avait ni la patience de rediscuter ce vote ni les moyens politiques de contraindre les Guinéens à l’obéissance, décida alors l’expulsion du récalcitrant et sa mise au banc de toutes coopérations avec la France. Par la suite, Sékou Touré ne put jamais plus jamais faire machine arrière avant l’élection en 1981 de François Mitterrand qui, lui, par un mélange d’anti gaullisme et de vielles sympathies personnelles, tendit une main secourable à la Guinée en faillite et amorça un lent processus de retour de la France à Conakry.

Les drames accumulés par le lourd héritage de Sékou Touré se sont dénoués peu à peu : une série de juntes militaires, tout en faisant mine de continuer le rapprochement, s’opposaient néanmoins à l’établissement d’un authentique processus démocratique, au nom de la raison d’Etat et des intérêts accumulés de vieux privilégiés de la Dictature.

Dans l’immaturité profonde de la plupart de ces nouvelles démocraties africaines, ou assimilées, les démagogues empochent la prime de popularité. Les Guinéens qui parviennent à instaurer la démocratie pluraliste donnent la prime au chanteur et musicien Alpha Condé qui avait incarné la résistance aux militaires. Et d’emblée, pour la première fois, commence à se mettre en place une véritable union de l’Afrique occidentale, celle-là même qu’avaient conçue le général de Gaulle et Houphouët-Boigny. Son leader naturel est évidemment Macky Sall à Dakar, qui fait quasiment équipe avec le nouveau président démocratique guinéen Alpha Condé.

François Hollande se désintéresse des équilibres intérieurs du nouvel ensemble

François Hollande, viscéralement hostile par sa vieille idéologie communiste sectaire à toute idée de Françafrique, se désintéresse en réalité des équilibres intérieurs du nouvel ensemble. Ayant établi des liens véritablement amicaux avec Alpha Condé, il lui fait intégralement confiance, convaincu que tout interventionnisme n’aurait que des effets pervers. L’attitude de Jean-Yves Le Drian, des militaires de l’Elysée et de Matignon, des généraux Puga et de Villiers serait sensiblement différente n’était que les ressources financières de la France, tendues au maximum, rendent très inopérantes des pressions de Paris qui ne peuvent se concentrer pour l’instant que sur la lutte globale contre le terrorisme au Sahel, depuis la fragile Mauritanie jusqu’aux incommodes alliés tchadiens d’Idriss Déby.

Ce contexte explique l’actuelle paralysie de la France alors que, avec la totale approbation de François Hollande, le couple Macky Sall / Alpha Condé a choisi d’emblée de mettre tous ses savoirs dans l’aide de la seule Chine.

C’est la Chine-Afrique qui remplace en totalité la Françafrique

Pour ces nouveaux dirigeants de l’Afrique occidentale en construction, c’est la Chine-Afrique qui remplace en totalité la Françafrique, sans que François Hollande ait  jamais émis la moindre protestation. Mieux même, la nouvelle élection d’Alpha Condé à la tête de l’Union africaine donne à sa politique chinoise un effet multiplicateur inattendu et imparable. Cela existera tant que Paris, qui conserve néanmoins une influence réelle bien supérieure dans la région, ne met pas le holà.

Pour accentuer les difficultés, la France, qui avait jeté toute son influence sur la restauration de l’autorité du président ivoirien Alassane Ouattara, vient de subir un cruel camouflet : les militaires du nouveau président viennent de se mutiner contre lui en remettant en cause la politique de réconciliation nationale de l’Etat ivoirien.  La situation produit donc la paralysie durable de la Côte d’Ivoire et affaiblit considérablement l’image et les potentialités politiques de Ouattara à terme.

L’un des effets pervers de cette situation, est évidemment, comme dans un jeu de dominos, la montée en puissance du seul Sénégal, totalement acquis à la stratégie chinoise d’Alpha Condé et la poursuite de la dépendance de la France vis-à-vis des mercenaires Idriss Déby et ses partisans, dont l’hexagone a cruellement besoin face à Boko Haram, maintenant aligné sur Daech, au Nigéria. Cette situation est amenée à perdurer jusqu’à l’élection présidentielle, et peut-être au-delà, si les législatives n’aboutissent pas à la constitution d’un gouvernement solide.

Il n’est donc d’autre solution provisoire que de faire pression pendant les quelques semaines qui demeurent sur un François Hollande, toujours formellement chef de l’Etat, pour qu’il adresse à la Chine, avec laquelle les rapports de la France sont plutôt bons, un avertissement discret mais ferme pour relâcher sa politique hégémonique un peu aveugle et très à court terme envers son nouvel obligé Alpha Condé.

Alexandre Adler

Source: Valeurs Actuelles

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