L’usine de Fria redémarre discrètement sa production d’alumine

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Six ans après la grève qui avait entraîné sa fermeture, la raffinerie Friguia reprend du service : vingt-trois wagons remplis d’alumine calcinée ont été convoyés mercredi 6 juin de Fria au port de Conakry. « Le four est en marche depuis deux semaines. Le redémarrage de la production d’alumine s’effectue petit à petit. » C’est la confidence d’un travailleur de Friguia au bout du fil, joint au téléphone par Jeune Afrique, jeudi 7 juin.

Comme ses autres collègues, il avait fui une ville sinistrée depuis les grèves de 2012 et était parti chercher ailleurs de quoi nourrir sa famille. Depuis, la ville de Fria s’était vidée petit à petit, certains travailleurs rejoignant Boké, ville minière voisine, où opère notamment la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG), d’autres ralliant Conakry. Certains se seraient même reconvertis dans l’agriculture, confiait en décembre 2016 un travailleur de l’usine.

Notre interlocuteur, qui a requis l’anonymat, fait partie des 95% des 1 200 salariés qui travaillaient sur le site avant la fermeture rentrés à Fria début avril 2018. Ils ont alors procédé à un test de redémarrage de la raffinerie par l’allumage d’une chaudière sur les quatre que compte le site, la cinquième étant complètement défectueuse.

Désormais, deux chaudières font tourner l’usine 24 h sur 24, avec quatre équipes de travailleurs qui se relaient jour et nuit. Résultat : pour la première fois depuis six ans, « vingt-trois wagons remplis d’alumine calcinée ont été convoyés mercredi 6 juin de Fria au port de Conakry », a confié notre source. Chaque wagon contient quarante-cinq tonnes d’alumine et mille autres étaient en stock.

700 000 tonnes par an

Le régime de production ne s’est pas complètement stabilisé, d’où les difficultés d’évaluer le rythme de production journalière. Quoi qu’il en soit, celle-ci devrait être inférieure aux 1 800 tonnes produites par jour avant la crise (soit 700 000 t/an), mais assez réjouissante pour les 1 200 employés du groupe, dont la majorité a repris du service. Les autres continue de percevoir la prime mensuelle de chômage, selon une source syndicale.

Construite en 1960 par l’industriel français Péchiney, l’usine de Friguia est à l’arrêt depuis 2012, suite à une grève générale qui a bloqué sa production. Ces blocages avait été jugés illégaux en avril 2012 par le tribunal du travail de Mafanco, dans la banlieue de Conakry.

Alors que le groupe russe Rusal a racheté l’usine en 2006 pour 21 millions de dollars, Alpha Condé, une fois élu à la tête de la Guinée avait tenté de refaire passer le site sous contrôle public. Mais l’État a perdu toutes les batailles judiciaires, tant devant le tribunal du travail de Conakry que devant la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale de Paris.

Sanctions américaines

Les deux parties se sont finalement mises d’accord en avril 2016, suite à une visite du président guinéen à Moscou, et Rusal a obtenu la ratification en 2016 par le Parlement de l’annexe 12 de la convention de concession de Dian-Dian, un très riche gisement de bauxite situé dans la région nord-ouest de Boké qui prévoit une exploitation allant jusqu’à 12 millions de tonnes à l’horizon 2021.

Malgré cet accord, une autre péripétie est venue compliquer l’histoire : l’actionnaire majoritaire de Rusal, Oleg Deripaska est une des cibles des sanctions américaines annoncées le 6 avril dernier par l’administration américaine. Pour protéger l’entreprise, Oleg Deripaska a démissionné du conseil d’administration de Rusal le 25 mai. En outre, le 4 juin dernier, le Trésor américain lui accordé un délai supplémentaire – jusqu’au 23 octobre – pour vendre sa part de 66 % dans la société En+ qui contrôle 48 % du géant de l’aluminium.

Interrogés par Jeune Afrique mi-avril, les officiels guinéens se sont montrés rassurants sur les conséquences des sanctions américaines sur les activités de Rusal dans le pays et ont mis en avant leurs « engagements contractuels » envers l’entreprise russe. Pourtant, la reprise de la raffinerie n’a pas été aussi aisée que prévue. D’ailleurs, la cérémonie officielle d’inauguration, initialement prévue le 25 avril par Abdoulaye Magassouba, le ministre des Mines et de la Géologie, en présence d’Alpha Condé, a finalement été annulée. Et l’activité n’a effectivement repris qu’après la décision d’Oleg Deripaska.

Par Diawo Barry

Source: jeune afrique

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