Konaté aux commandes : un faux tigre ou un mauvais cheval ?

En cette période de « Dadis sans Dadis », je vous propose une réflexion sur la gouvernance empruntée du général Sékouba Konaté et une remarque sur la démagogie céréalière de M. Kouyaté.

1°) Sans rire, commençons par le riz «Kouyaté ».

Dans un pays où se procurer quotidiennement d’un bol de riz relève d’un exploit, l’ancien PM devenu un de nos plus gros « opérateurs politiques » continue sa campagne par le lancement d’un avertissement aux traditionnels opérateurs économiques en mettant sur le marché local du riz très concurrentiel : le Kg à 2000 francs guinéens, ce qui est très nettement en dessous des prix habituellement constatés. Il ne s’agit pas d’une version locale du Programme Alimentaire Mondial mais l’opération est savamment calculée : le riz est estampillé PEDN (du nom du parti politique de M. Kouyaté) et l’offre mensuelle serait de 4 000 tonnes (soit, pour procurer un plaisir grossissant à un opérateur qui roule sur l’or, 4 milliards de grammes !).

M. Kouyaté a-t-il voulu marquer les esprits par cette opération largement médiatisée ? Tiendra-t-il tous les mois ce genre de compétition ? Qu’espère-t-il moissonner sur le plan politique ? En tout cas, s’agissant de riz décortiqué, il ne poussera pas. Il risque même de constiper bon nombre de nos compatriotes, d’autant plus que M. Kouyaté n’a prévu aucune sauce pour l’accompagner. N’avait-il envisagé comme mode de cuisson que du « sadigbè » (simple bouillie de riz) ? On attend de voir l’addition (salée ou peut-être très pimentée) de cette opération plus politique qu’humanitaire. Rira bien qui ne comptera manger que du riz « Kouyaté » !

C’est tout de même curieux que beaucoup de Guinéens ne fassent même plus attention à certains symboles. Dadis avait juré sur deux Livres Saints (le Coran et la Bible) en même temps et on a vu ce qui lui est arrivé. Des partisans de Kouyaté viennent de qualifier de cadeau de Noël un groupe électrogène offert (ou promis ?) à une mosquée de la commune de Ratoma, le vendredi 25 décembre 2009, par leur mentor en quête permanente de bénédictions personnelles. Avant de se féliciter de l’éclairage de cette « maison » de Dieu, le Coran étant déjà une lumière, ne feraient-ils pas mieux de commencer par se nettoyer le cœur ?

2°) Parlons maintenant du commandement de Sékouba.

Je crois que sur le plan intellectuel il ne faut pas commettre l’erreur, que je fais souvent moi-même, de trop en demander aux militaires. Sékouba ne peut pas dire : « Peuple de Guinée, j’ai la profonde douleur de vous annoncer la disparition de…. ». En revanche s’il dit (ou si l’on lui fait dire) qu’il faut faire sans Dadis ou qu’on ne peut rien en tirer, il n’y a plus photo : Dadis n’est plus membre du CNDD, le chef autoproclamé s’étant autodétruit. D’ailleurs que pourrait-on tirer de quelqu’un sur qui le Dr Toumba Diakité a tiré ? Par contre, une photo circule actuellement sur le web  montrant Dadis, plongé dans un semblant de sommeil peu réparateur, barbouillé de rouge (serait-ce de l’huile de palme ?). A l’image, Dadis n’a pas l’air content. Après son maquillage, il aurait pris son petit déjeuner avec l’escroc régional Idrissa Chérif puis se serait envolé vers le Maroc pour un contrôle de routine devenu subitement urgent !

Pourtant, il y a des signes qui ne trompent pas. Ainsi, comment comprendre que l’intérimaire Sékouba libère des officiers arrêtés par le titulaire Dadis ? Cela veut tout simplement dire que ce dernier est soit mort, soit en congé maladie de longue durée. Si c’est le cas, je lui souhaite une longue et très douloureuse agonie avec la possibilité de visionner les cassettes montrant les humiliations et exactions qu’il a fait subir à nos compatriotes. Cependant, Sékouba pourra-t-il officier normalement ? Je crois qu’il a un problème majeur : l’absence de base solide.

En effet, ce qu’on appelle l’Armée Guinéenne est un organisme ethno structuré qui n’a rien de national. Le général Conté qui voulait faire de son fils Ousmane un « Eyadema », c’est-à-dire son successeur, a tenté d’abord de recruter massivement des soldats parmi ses proches. Ceux-ci, devenus réticents (car plus intéressés par les bureaux de l’administration que les casernes austères), Conté qui redoutait les officiers de sa génération a largement ouvert les camps à d’autres jeunes qu’il estimait plus dociles. Nous récoltons aujourd’hui ce que le Président paysan Conté a semé hier !

Actuellement, la répartition des forces en présence et donc des foyers de violence est la suivante : Sékouba est entouré (je dirais même, cerné) d’officiers supérieurs, brillants mais vieillissants. Sa base est le camp Samory, devenu le nouveau centre administratif depuis l’échange de tirs du 3 décembre 2009. Pivi reste l’animateur de troupes à forte connotation ethnique, composées de jeunes suréquipés, peu brillants mais très violents parce que peureux, complexe oblige ! Sa base demeure le camp Alpha Yaya faisant toujours office de centre opérationnel. Les autres camps du pays ne sont que de minuscules points d’appui. Chaque gang aurait donc son territoire.

En somme, Sékouba règne probablement, Pivi gouverne certainement  (ce n’est pas le titre qui compte mais la puissance de feu des acteurs), Komara s’accroche étonnamment et Idrissa Chérif ment effrontément. On a la triste impression que Sékouba est un « komara » militaire, Komara un « Sékouba » civil et Pivi un « Dadis sans plomb ».

Ceux qui ont propulsé Sékouba aux commandes ont cru avoir mis, à leur profit exclusif, un tigre dans le moteur de la Guinée. Je persiste à croire qu’il s’agit plutôt d’un chat posé sur un capot très chaud. Ils ont enfourché un mauvais cheval.

La Guinée n’est plus un Etat comme les autres. C’est le seul pays en temps de paix où des hommes en tenue de combat occupent durablement les principaux postes de l’administration centrale. Comment, dans ces conditions, sortir de ce cercle infernal ? Nous voulons tous, y compris certains militaires, le départ des militaires du pouvoir politique. Reste la question fondamentale : comment ?

Ce sera l’objet d’un prochain article.

Je vous salue.

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