Interview du futur Premier Ministre Jean Marie Doré sur les ondes de RFI
- Par Administrateur ANG
- Le 21/01/2010 à 07:50
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Dans une interview à RFI, mercredi 20 janvier 2010, le futur Premier ministre guinéen, Jean-Marie Doré, s’exprime au sujet de l’avenir politique immédiat de son pays et de l’accord de Ouagadougou. L'intégralité de l'interview:
RFI : Jean-Marie Doré, quelle est votre priorité comme Premier ministre aujourd’hui ?
Jean-Marie Doré: Pour un Premier ministre, la priorité c’est de former le gouvernement.
RFI : Alors justement, y aura-t-il comme prévu dix postes pour les Forces vives et dix postes pour la junte du CNDD ?
JMD : Je ne suis pas au courant qu’il est prévu de donner dix, dix, dix. Je ne suis pas au courant de ça. Je ne suis pas au courant de cette répartition. Il n’y a aucun document émanant du CNDD et des Forces vives acceptant cette répartition. Donc je ne peux pas me prononcer là-dessus.
RFI : Et donc, vous ne pensez pas que les ministères de souveraineté comme les Affaires étrangères ou l’Economie et les Finances seront réservés au CNDD ?
JMD : Je ne peux pas faire de spéculations sur une chose que je ne sais pas. Ce qui est certain, on m’a dit que les Forces vives m’ont proposé à la nomination dans la fonction de Premier ministre. C’est la seule chose qui est certaine. J’attends la copie du décret me nommant dans cette charge. Je ne suis pas au courant du reste.
RFI : Serez-vous entouré comme vice-Premier ministre de la syndicaliste Rabiatou Serah Diallo et du général Toto Camara ?
JMD : Je vous dis que je ne sais strictement rien de tout ce que l’on dit dans la presse. Il y a une réalité : le général Sékouba était avec une délégation du CNDD de gouvernement à Ouagadougou, il est rentré hier. Je me propose s’il le veut bien de le rencontrer ce jeudi matin. Mais tout ce que vous dites relève de choses que je ne sais pas.
RFI : Donc pour l’instant, vous ne pouvez pas confirmer que madame Rabiatou Serah Diallo sera vice-Premier ministre ?
JMD : (…) Je ne suis au courant de rien. Il n’y a jamais eu de débat à l’intérieur des Forces vives, ni avec le général Konaté concernant la répartition des principaux ministères.
RFI : Souhaitez-vous qu’aucun ministre de votre gouvernement n’ait été ministre au moment du 28 septembre ?
JMD : D’habitude, les Forces vives ont une position claire. Tous ceux qui sont soupçonnés d’après les Forces vives d’avoir joué un rôle négatif dans ces événements, vous comprendrez que la cohabitation sera un peu difficile. Mais là-dessus, on ne s’est pas encore rencontrés avec le président du CNDD pour prendre une décision de principe. Donc, tout cela relève de la spéculation.
RFI : Jean-Marie Doré, vous qui êtes un profond démocrate, qui avez toujours combattu le régime militaire, comment allez-vous faire pour cohabiter avec le général Sékouba Konaté ?
JMD : Le régime militaire est une chose, la valeur intrinsèque de chaque officier est autre chose. Sékouba Konaté est un officier de valeur. Dès son retour du Liban, il a posé des actes dans les camps militaires qui ont été suivis et cet intérêt s’est trouvé consolidé et renforcé par son discours du 6 janvier. Donc ici, je ne pense pas que le problème du rejet des militaires soit un principe général qui puisse s’appliquer à Sékouba Konaté.
RFI : Donc c’est un homme avec qui vous pourrez travailler ?
JMD : Je pense que d’après les premiers actes posés, il montre clairement qu’ils vont parfois au-delà de ce que nous lui demandons, dans le sens de relever la Guinée de ses ruines et de sa descente aux enfers.
RFI : La fonction de Premier ministre n’existe pas dans les textes de loi guinéens, d’où l’extrême fragilité de la position de tous les Premiers ministres qui vous ont précédé. Comment allez-vous faire pour exister politiquement ?
JMD : La fonction du président du CNDD n’existait pas non plus dans aucune Constitution, dans aucun texte de la Guinée. Nous sommes en période de transition, c’est-à-dire qu’il faut tout inventer au fur et à mesure. Et à la sortie de la transition, il y aura un texte de référence qui sera dans la nouvelle Constitution. À ce moment-là, toutes ces préventions n’auront plus cours.
RFI : Aurez-vous un pouvoir de signature ?
JMD : Ecoutez, je ne peux pas inventer non plus. Ça relève de la spéculation. Nous attendons de rencontrer le président. Ce qu’on décidera avec lui sera la charte du nouveau gouvernement.
RFI : L’accord de Ouagadougou stipule qu’aucun membre de la junte en activité ne peut se présenter à la prochaine présidentielle. Mais qui pourra empêcher l’un des membres de la junte de démissionner de l’armée quelques mois avant le scrutin pour se présenter ?
JMD : Aucun accord n’a été conclu à Ouagadougou. Donc il me paraît un peu extraordinaire qu’on parle des accords de Ouagadougou. Toutefois, il y a des points dans ces projets du président du Burkina Faso qui peuvent inspirer des propositions de rapprochement entre les Forces vives et le CNDD.
RFI : Mais vous ne souhaitez pas qu’un membre du CNDD puisse se présenter aux élections ?
JMD : La question n’est pas encore débattue avec le nouveau chef. N’oubliez pas qu’il y a eu une évolution dans la vie même du CNDD. Avant, nous traitions avec un président du CNDD alors qu’il y avait des problèmes, des avantages et des inconvénients. Aujourd’hui, nous sommes avec un autre président du CNDD qui a un langage, une philosophie et une approche pragmatique qui suscitent l’espoir chez tous les Guinéens. Donc, tenir le même langage qu’on tient depuis janvier 2009 me paraît être décalé par rapport à la réalité sur le terrain.
RFI : Mais franchement, Jean-Marie Doré, vous qui avez toujours combattu les régimes militaires, vous pourriez accepter qu’un militaire puisse se présenter ?
JMD : S’il vous plaît, la question ne se pose pas au niveau de Jean-Marie Doré, puisque vous posez la question à quelqu’un qui est prévu pour être Premier ministre. Donc je ne vois rien qui puisse engager le gouvernement et les Forces vives tant que nous n’avons pas rencontré le président Sékouba Konaté.
RFI : Et vous-même, vous avez accepté le poste de Premier ministre. Renoncez-vous en échange à être candidat à la prochaine élection présidentielle ?
JMD : Je ne suis pas encore nommé Premier ministre. On m’a proposé pour être Premier ministre. Quand je le serai, alors j’aurai une position sur tous les problèmes que vous soulevez.
RFI : Donc pour l’instant, vous n’avez pas pris de décision par rapport à votre éventuelle candidature ou non à la présidentielle ?
JMD : Je ne suis pas encore nommé Premier ministre.
RFI : Oui, mais quand vous le serez ?
JMD : Est-ce qu’on peut gouverner la Guinée par hypothèse ? Vous envisagez des hypothèses. Moi je veux gouverner sur le concret.
RFI : Donc, pour l’instant, vous vous réservez la possibilité d’être candidat à la présidentielle ?
JMD : Je me réserve d’attendre le décret qui nomme le Premier ministre, d’avoir vu les Forces vives, et le président Sékouba Konaté, et que de nos contacts, il en résulte une ligne de conduite. À ce moment-là, vous aurez une nouvelle lecture de tous les événements.
RFI : Jean-Marie Doré, merci.
Propos recueillis pas Christophe Boisbouvier
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