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Indépendance de la Guinée

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60 ans après, qu’a-t-on fait de l’héritage de Sékou Touré ?

Ce 2 octobre 2018, la Guinée fête 60 ans d’indépendance. Une indépendance acquise, on se rappelle, suite au tonitruant « Non » du père de l’indépendance, Ahmed Sékou Touré, au Général De Gaulle alors en tournée de promotion de son projet de Constitution visant la création d’une Communauté franco-africaine.

Et c’est peu dire que les oreilles du grand maître blanc ont sifflé à l’époque, face à autant de témérité. C’était le 28 septembre 1958. Mais quelques jours auparavant, soit le 25 août 1958, le futur président de la Guinée indépendante annonçait déjà les couleurs en lançant cette phrase qui est restée dans l’histoire, comme l’une des plus célèbres : « Il n’y a pas de dignité sans liberté : nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage». Une annonce qui avait été vécue comme une gifle par le président français qui, à travers une ire mal contenue, avait lancé en guise de réponse : « L’indépendance est à la disposition de la Guinée [mais] la France en tirera les conséquences ».

Le bilan est loin d’être flatteur

Quelques jours plus tard, le 2 octobre 1958, la Guinée prenait son indépendance. Mais les conséquences furent terribles pour le président Sékou Touré à qui l’ex-colonisateur fera voir des vertes et des pas mûres pour sa témérité, par un désengagement total et immédiat de la gestion des affaires de la Guinée, sans oublier les actions de nature à nuire à la stabilité du régime. Mais en digne descendant de Samory Touré, le chef mandingue saura résister, dans sa volonté de restaurer toute sa dignité à son peuple. Son règne fut marqué par le tristement célèbre camp Boiro réputé pour les traitements déshumanisants qui y étaient infligés aux adversaires politiques. Mais Sékou Touré avait-il le choix d’une gouvernance normale ou apaisée dans le contexte qui était le sien ? Rien n’est moins sûr.  Quoi qu’il en soit, la postérité retient de lui l’image d’un homme qui aura essayé de marcher sur le chemin de la dignité et de l’honneur. Aussi, restera-t-il à jamais l’une des figures emblématiques de la période des indépendances, en permettant à son pays d’être la première colonie francophone de toute l’Afrique de l’Ouest, à accéder à la souveraineté nationale. En cela, l’on peut dire que Sékou Touré a tracé la voie. Et vu l’audace qu’il a montrée face au puissant colon dans le contexte de l’époque, il n’est pas exagéré de dire que c’était un héros. 60 ans après, que reste-t-il de l’héritage de ce nationaliste accompli dans l’âme, dont on peut difficilement mettre en doute l’amour pour son peuple et qui a cru éduquer ce même peuple dans le sens de cette dignité en le menant d’une main de fer qui frisait parfois le totalitarisme ?

Soixante après, le bilan est loin d’être flatteur. Et force est de constater que la Guinée n’a pas fait ce pas de géant auquel l’on était en droit de s’attendre, par rapport aux autres colonies françaises qui n’ont accédé, pour la plupart, que quelque deux ans plus tard, à l’indépendance. Si Sékou Touré peut avoir l’excuse d’avoir eu à travailler à la création de l’Etat et de la nation guinéens dans un contexte plutôt difficile,  le colonisateur n’ayant rien fait pour lui faciliter la tâche, il n’en va pas de même pour ses successeurs qui se sont révélés de bien piètres dirigeants, voire des galeux politiques qui se sont parfois comportés en véritables brutes incapables de répondre aux aspirations du peuple guinéen.

La Guinée est toujours à la recherche de ses marques

En tout cas, ils n’ont pas su porter le flambeau du combat du père de l’indépendance pour amener le pays vers des lendemains qui chantent. Ainsi, Lansana Conté n’a jamais eu la carrure de Sékou Touré et aura plutôt marqué l’histoire par un autoritarisme de mauvais aloi qui eut pour conséquence de plonger le pays dans le désordre. Malgré une volonté affichée et sans cesse répétée, Moussa Dadis Camara ne fera pas mieux et se cassera les dents à l’épreuve de la gestion du pouvoir. Sékouba Konaté, quant à lui, n’aura eu à cœur que de mener à terme une Transition qui tanguait et qui risquait à tout moment de déraper. Alpha Condé sur qui reposaient tous les espoirs et qui était censé corriger les erreurs de ses prédécesseurs, n’est visiblement pas logé à meilleure enseigne. En effet, non content de n’avoir pas su relever le défi de la bonne gouvernance, encore moins celui du développement de son pays, cet intellectuel bon teint qui se voulait un démocrate bon genre et qui a passé son temps à ferrailler contre ses prédécesseurs, est en passe de décevoir au delà des frontières de son pays. En effet, les velléités de troisième mandat qu’on lui prête et qui sont en porte-à-faux avec la Constitution, ne font pas honneur au démocrate qu’il prétend être. C’est pourquoi l’on est fondé à dire que les successeurs de Sékou Touré ont mis le pays dans l’ornière. Et chaque régime a ses cadavres dans les placards.

En tout état de cause, 60 ans après son indépendance, la Guinée est toujours à la recherche de ses marques et le développement tant espéré peine véritablement à se matérialiser. Dans certains secteurs comme ceux de l’énergie et des infrastructures routières, l’on se demande même si le pays ne porte pas aujourd’hui le bonnet d’âne dans la sous région. Au-delà de ces insuffisances, il y a les sempiternelles rivalités entres dirigeants politiques avec  leur corollaire de violences qui ne cessent d’endeuiller les Guinées. C’est à se demander si le pays n’est pas aujourd’hui otage de sa classe politique. En tout cas, eu égard aux richesses naturelles et minières du pays, les Guinées sont en droit de s’attendre à mieux en termes de développement.  Il appartient donc à la classe dirigeante de savoir se ressaisir pour construire une Guinée digne de Sékou Touré.

Source: Le Pays

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