«Ils tirent sur nos enfants» : la Guinée sous haute tension postélectorale
- Par Administrateur ANG
- Le 21/10/2020 à 08:12
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Alors que le candidat de l'opposition a annoncé sa victoire sans attendre la proclamation des résultats officiels, trois jeunes ont été tués par balles dans les quartiers contestataires de Conakry. Pick-up de la police et de la gendarmerie en travers de la route, bacs à ordures renversés, pierres, branchages..
Le jour éclaire la première scène de tension postélectorale entre les ronds-points de Heamdallaye et de Bambeto, quartiers populaires du nord de Conakry. Lundi entre 17 heures et 18 heures, à proximité, trois jeunes de 13, 14 et 18 ans ont été tués par balles par les Forces de défense et de sécurité, selon leurs proches.
Au départ, pourtant, «il y avait de la liesse, les gens chantaient et dansaient sur la route Le Prince», raconte M. Barry, un fidèle rencontré devant la mosquée Bambeto. Dans cette enfilade de quartiers réputés proches de l’opposition, des milliers de personnes ont investi les rues après que le candidat de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), Cellou Dalein Diallo, a clamé sa «victoire dès le premier tour de la présidentielle» du 18 octobre en conférence de presse. Défiant ouvertement le chef de l’Etat sortant, Alpha Condé, candidat à sa réélection pour la seconde fois.
«Ils entrent cagoulés»
Selon plusieurs témoins, la situation a dégénéré lorsqu’un véhicule de la Compagnie mobile d’intervention et de sécurité (Cmis), une unité de police, a percuté une femme. «Brusquement, on a été pulvérisés de gaz lacrymogènes. La foule s’est dispersée dans la panique. Après, on a entendu les coups de feu», relate M. Barry. «Comme à chaque fois, ce sont les Cmis et la BAC [brigade anticriminalité] qui sèment la terreur. Ils entrent cagoulés dans nos quartiers, ils tirent sur nos enfants, ils nous pillent. Mais les jeunes étaient déchaînés hier», poursuit un habitant du quartier Bambeto.
Le local d’un militant de l’opposition ayant basculé du côté du pouvoir a été incendié, ainsi que le poste avancé – occupé par une force mixte composée de militaires et de policiers – du carrefour de Gnariwada, à Hamdallaye. «Nous avons vu des jeunes sortir de nulle part avec des pierres et nous étions à court de gaz, avouait ce matin un gendarme à proximité de la zone. Des mesures sont en train d’être prises pour renforcer la sécurité.»
Institutions à la botte du pouvoir
Cellou Dalein Diallo revendique la première place à l’issue du scrutin alors que le processus de comptage se poursuit dans les commissions de centralisation des résultats électoraux. Fort de son propre calcul effectué sur la base des procès-verbaux publiés par les bureaux de vote, le chef de file de l’UFDG court-circuite des institutions à la botte, selon lui, du camp au pouvoir. #Cestlheure, dit l’un de ses slogans sur les réseaux sociaux. Plus question, pour l’opposant, de se «laisser voler la victoire», comme ce fut le cas, selon lui, en 2010 et 2015. Sa sortie a aussitôt été qualifiée d'«irresponsable et dangereuse» et d'«antidémocratique» par le Rassemblement pour le peuple de Guinée, le parti au pouvoir.
La situation évoque à certains égards la présidentielle de 2010. Alpha Condé avait estimé qu’il sortait vainqueur de son duel avec Cellou Dalein Diallo, alors que les résultats officiels n’avaient pas été publiés par la Commission électorale nationale indépendante. Des heurts avaient éclaté dans la foulée. Et, déjà, les premières victimes se comptaient dans les quartiers nord de la capitale.
Agnès Faivre à Conakry
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