On a essayé de m’assassiner à Conakry

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Conakry, dernière semaine de janvier 2012. J'entamais à peine la deuxième semaine de mon séjour tant souhaité en Guinée après 7 ans d'études en France.

20h12 : un appel en absence d'un numéro de chez l'opérateur local orange sur mon Gsm. Sept (7) minutes plus tard, le même numéro me rappelle. Cette fois je décroche .Une mystérieuse voix pleine de rage fulmine dans un français plutôt correct entrecoupé d'une flopée de jurons et d'injures, de torrents de propos confus et débités à mes oreilles comme d'irréfutables preuves scandées à un meurtrier convaincu sur le point d'être exécuté :

« -...Allo ! Vous êtes Oury Baldé de Guineeactu. Vous êtes étudiant en France. On sait comment vous êtes rentré dans ce pays .Vous êtes passé par Freetown, par la route .Vous habitez tel quartier .Vous avez une Volvo rouge. C'est vous qui dites n'importe quoi sur le Président à l'étranger. Nous allons voir si vous êtes en France ici !!! Etc., etc. » Puis, interminable concert d'invectives, menaces, embrouillamini de paroles aussi éviscérantes les unes que les autres,

«-Vous êtes ? Svp, répliquai-je. A qui ai-je l'honneur ? Monsieur .De Oury Baldé je n'en connais pas. Je ne suis pas Oury Baldé que vous cherchez. (J'essayai de feindre, mon interlocuteur n'ayant pas daigné se présenter).Vous vous êtes surement trompé de numéro.»Menaces, flots de sentences rageuses de plus belle.

J'eus le reflexe un moment donné de mettre les haut-parleurs pour partager le scoop avec mon entourage et aussi pour de quoi les prendre à témoin.

La fameuse voix persistait à vitupérer à tue-tête sans perdre un instant de sa férocité qui semblait décupler crescendo au point de faire exploser aux éclats mon portable et me crever les tympans.

Au bout d'une bonne poignée de minutes, lassé, je raccrochai net. La conversation, plutôt le dialogue de sourds, se serait certainement prolongé encore quelques instants et la fameuse voix aurait certainement continué à me seriner ses menaces sans cesse répétées et son fouillis de paroles sirupeuses.

Emporté par sa haine, l'ennemi venait de me donner l'alerte...Sans forcément le savoir. Immédiatement, je pris mes dispositions pour sortir du pays, avant qu'il ne mette à exécution ses sérieuses menaces.

L'inimitié est ainsi faite que dans son aveuglement elle produit l'effet contraire du mauvais dessein, à la grande désolation du malfaisant. Une attaque surprise m'aurait été fatale.

J'apprendrai plus tard, quand je fus en lieu sûr, qu'au lendemain du fameux coup de fil que je reçus, un impressionnant contingent de militaires armés jusqu'aux dents débarqua, à l'aube, pour ratisser jusqu'à la tombée de la nuit le quartier où on m'aperçut. Des hommes armés, en nombre important à ma recherche, s'y déploieront à (2) deux reprises au cours de la même semaine. Sans compter probablement la part de civils lancés à mes trousses à travers la ville.

Il est à présent évident que je suis sur le collimateur du pouvoir guinéen à cause de mes opinions.

Mais ce n'est pas pour pire que la tentative d'assassinat manquée contre ma personne que je m'estimerais moins appartenir au drame guinéen.

C'est au moment où je rédige ces lignes, loin de la dictature qui sévit à nouveau en Guinée, je réalise bien tout le calvaire au quotidien de nos nombreux compatriotes au pays, persécutés pour des raisons ethniques ou politiques et qui n'ont pas la chance d'échapper à la brutale machine de répression d'AC et de ses sbires. A cet instant même, toutes mes pensées vont à tous ces hommes et femmes qu'on agresse, viole, vole, torture, tue, persécute, chaque jour en Guinée dans le silence absolu ou non, sans que personne ne lève le petit doigt.

Les fauves sont désormais lâchés. « Seigneur, Me voici ! Seigneur me voici ».Ma vie et ma mort t'appartiennent, Maitre du néant et de l'absolu.

Guide-les tout- puissant. « Pardonne-leur Seigneur. Ils ne savent pas ce qu'ils font.»

PS : Même tardifs, j'aimerais présenter mes meilleurs vœux 2012 à tous et à toutes : pourvoyeurs généreux de textes, commentateurs, commentatrices dévoué(e)s, simples lecteurs .N'est-ce pas « mieux vaut tard que jamais» ? Sauf, à coup sûr, attenter à une vie...

Oury Baldé

Oury Baldé

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