Début janvier, 4 006 militaires, dont des officiers supérieurs en service depuis soixante ans, ont été priés de faire valoir leurs droits à la retraite, et ils ont obtempéré. Une prouesse qu'aucun dirigeant n'avait réussie jusque-là en Guinée, pas même le très autoritaire général Lansana Conté, encore moins le fantasque capitaine Moussa Dadis Camara.
Le départ à la retraite de ces vieux militaires est une avancée considérable dans la réforme de l'armée enclenchée par Alpha Condé, par ailleurs ministre de la Défense. Les actes posés en un an relèvent presque du miracle : démilitarisation de l'administration publique, démantèlement de nombreux barrages militaires, délocalisation à l'intérieur du pays des armes lourdes, création d'une police militaire (chargée de traquer les faux militaires ou les indisciplinés) et du premier tribunal militaire, etc. Cette année, la réforme de l'armée va connaître un coup d'accélérateur.
Soutenues par les bailleurs de fonds et les diplomates en poste à Conakry, encouragées par la population, qui est excédée par la brutalité de la troupe sous les régimes passés, les autorités se sont attaquées à un autre chantier sensible, à savoir le recensement des militaires, par la méthode biométrique. Ce projet a toujours été un casse-tête pour les régimes passés. Et pour cause : des cadres de l'armée, à qui étaient directement versées la solde et la ration alimentaire des soldats placés sous leur responsabilité, s'y opposaient. Le recensement va coûter 4 milliards de francs guinéens (GNF), soit 422 000 euros. Le système des Nations unies accompagne financièrement et techniquement le gouvernement dans cette réforme, qui va coûter au total 30 millions d'euros.
À la fin du recensement biométrique seront croisés plusieurs fichiers, dont ceux des ressources humaines du ministère de la Défense et de l'état-major des armées. Me Camara estime que l'opération permettra d'éliminer des rangs des militaires fantômes dont la pension est pourtant payée, donc détournée. « Depuis que nous avons commencé le recensement, révèle-t-il, nous réalisons une économie de 3 milliards de GNF, représentant la masse salariale de militaires qui ont été radiés, qui sont décédés ou qui ont déserté les rangs. »
Rôle républicain
La révision et/ou la rédaction des textes est aussi au rendez-vous. Il s'agit entre autres de revoir la politique nationale de défense, le statut général et particulier des militaires, les décrets d'application dudit statut, la loi de programmation militaire. L'objectif de la réforme est de professionnaliser une armée qualifiée jadis de « désordre organisé » et de « tous les dangers». « La réforme a rencontré l'adhésion de tous les militaires, se réjouit le ministre délégué à la Défense. Tous ont compris qu'il serait difficile d'arriver à la démocratie tant souhaitée si l'armée ne jouait pas son rôle républicain. Le message est bien passé dans les casernes. »
La justice en révision
Si, pour ce qui est de l'armée, la réforme avance, elle tarde en revanche à se mettre en route en ce qui concerne la justice. Pourtant, les chantiers sont nombreux : réhabilitation des infrastructures judiciaires, formation et révision du statut des magistrats, modernisation des textes juridiques, mise en place d'un Conseil supérieur de la magistrature, etc. Début novembre, l'État a signé avec l'Union européenne un contrat d'assistance technique d'une valeur de 1,2 million d'euros pour transformer le secteur de la justice. L'argent, le nerf de la guerre dans un pays aux ressources limitées, ne devrait plus constituer un obstacle. Reste que, comme pour l'armée, Alpha Condé devra affirmer son leadership pour constituer une justice forte et crédible.
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