Guinée : « Wankage » à Conakry
- Par Administrateur ANG
- Le 07/12/2009 à 06:39
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- Ibrahim Baré Maïnassara a été assassiné à l’aéroport de Niamey en avril 1999 par son propre chef de la sécurité, Daouda Malam Wanké. Cela nous a inspiré à son temps le néologisme “wankage”.
- En Guinée-Bissau en mars 2009, l’inimitié entre le président Nino Vieyra et son chef d’état-major Tagmé s’est terminée par la mort violente des deux personnalités.
- En janvier 2001 au Zaïre, un simple “kadogo” (soldat) de la garde rapprochée de Kabila père l’abattait au sein du palais de Marbre.
- Bien plus dans le temps et l’espace, la fille de Nehru, Indira Gandhi, a succombé à une bombe d’un de ses proches.
Comme le dit un proverbe de chez nous, “l’ennemi du petit pois est en son propre corps”, entendez par là qu’un ennemi éloigné n’en est pas souvent un, que celui qui peut vous faire du mal mange, boit avec vous, pour ne pas dire qu’il est votre ombre. Le célèbre cri d’horreur d’un César face à Brutus lui enfonçant une dague dans le cœur illustre, depuis l’antiquité, cette vérité éternelle : tu quoque, fili ! “toi aussi mon fils”.
Les tragédies politiques, dont les palais présidentiels africains sont souvent le théâtre, démontrent à souhait que les raccourcis militaires ont de beaux jours devant eux. Et les récents événements survenus en Guinée sont à inscrire dans les registres des dénouements sanglants des contradictions. Voilà un pays dont les deux derniers présidents, tous militaires, ont accédé au pouvoir suite au décès de leurs prédécesseurs sans verser une seule goutte de sang, un sang qui coulera pourtant plus tard.
Le 3e successeur de Sékou Touré, arrivé au pouvoir le 23 décembre 2008, a hérité d’un pays riche de son sous-sol, mais sous perfusion économique, et surtout chroniquement grabataire sur le plan politique. Un Dadis qui a failli ne pas fêter le premier anniversaire de son accession à la magistrature suprême. A 3 semaines de cet AN I, il a été victime d’une tentative d’assassinat, le 3 décembre 2009 au camp Koundera. Un lieu qui n’a pas la sinistre réputation du camp Boiro, mais qui n’en abrite pas moins une prison dont la rudesse des geôles fait frissonner plus d’un détenu. C’est dans ce casernement de Koundera, que l’aide de camp de Dadis, qui y a ses quartiers, a failli l’envoyer ad pâtres.
En vérité, on voyait les choses se dessiner :
- d’abord en août dernier, le premier ministre, Kabiné Komara, invitait la communauté internationale à aider la Guinée à réformer son armée ;
- le 28 septembre 2009, cette même armée massacrait officiellement 157 civils et violaient des femmes au stade du même nom ;
- Dadis, avec cette franchise candide qu’on lui connaît, avait alors déclaré qu’il ne « contrôle pas l’armée » ;
- des bruits d’affrontements entre des éléments de cette même armée ou ce qui en tient lieu défraient régulièrement la chronique.
Pas étonnant donc que ce 3 décembre 2009, Aboubakar Sidiki Diakité dit “Toumba” dégaine et fait le coup de feu contre celui qu’il était censé protéger. A l’heure où nous traçons ces lignes, l’information officielle est que Dadis « a été opéré de la tête mais est hors de danger ». Paroles d’Idrissa Chérif, son porte-parole et ministre de la Communication, qui est dans son rôle.
De source médicale, on disait plutôt « qu’il est dans un coma artificiel ». En pareil cas, plusieurs questions se bousculent dans les esprits : Dadis est-il entre la vie et la mort ? A-t-il vraiment marché pour embarquer dans l’avion que lui a envoyé le facilitateur, Blaise Compaoré ?
Pourquoi avoir refusé l’avion médicalisé d’Abdoulaye Wade, tout en acceptant le médecin sénégalais ? Un pathos ne venant jamais seul, le “wankage” de Conakry risque de corser davantage la donne pour la junte, pour le médiateur et toutes les parties prenantes à la conjoncture politique guinéenne : d’abord cette situation n’est pas sans rappeler le coup raté, en 1984, du colonel Diarra Traoré, second du président Conté. Il s’en était suivi une purge mémorable au sein de la Grande Muette.
25 ans après, l’histoire bégaie en Guinée, et que Dadis se rétablisse ou pas, « Toumba » et tous ceux qui sont trempés dans l’attentat contre lui risquent de connaître le même sort que le colonel Diarra. Encore faut-il qu’ils soient pris, ce qui était loin d’être le cas hier. A moins que “Toumba” ne soit le bout d’un iceberg, c’est-à-dire une bonne partie de l’armée, beaucoup plus difficile à mater.
Deuxième inconnue : le général Sékouba Konaté, alias “le Tigre”, appelé à assurer l’intérim de la présidence aura-t-il les coudées franches et suffisamment de poigne pour réformer cette armée ou ce qui en tient lieu ? Certes les rencontres de novembre dernier à Ouagadougou s’étaient soldées par une situation de blocage, mais cette éclipse forcée de Dadis va plomber pour un temps la facilitation elle-même.
Ou que voit en effet difficilement Blaise convoquant qui ou quoi qui ce soit à Ouagadougou, tant que l’hypothèque de la santé du chef de la junte n’est pas définitivement levée. Quid des Forces vives ?
On a entendu leur porte-parole, Jean-Marie Doré, réitérer leur portion de principe, à savoir le départ de la junte et la désignation d’un chef de l’Etat et d’un gouvernement consensuels.
On a entendu également certains s’exprimer, à titre personnel comme Cellom Dallem, pour dire que l’occasion est belle pour l’armée de prendre ses responsabilités. Bref tout reste encore à faire dans ce beau pays de la côte ouest -africaine. Il fut jadis l’un des plus choyés des colonies françaises.
La rédaction
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