Guinée : un environnementaliste nommé Sékou Amadou Diakité

21350651lpw 21350683 article jpg 7718782 660x281REPORTAGE. Coordinateur du Réseau national de la société civile pour l’environnement et le développement durable, il a fait de la reforestation son cheval de bataille.

«  Reboiser ». Sékou Amadou Diakité n'a que ce mot à la bouche. Une obsession qui a longtemps poursuivi cet ancien professeur de français en collège et en lycée de 39 ans, au tempérament posé. « Beaucoup de gens autour de moi s'intéressaient aux questions politiques, de conflit, de paix. C'est important, mais que fait-on de l'environnement, qui est une question essentielle, de survie ? » questionne-t-il. Lui décide de franchir le pas en 2012. Il fonce alors à Ouagadougou pour se former en gestion des aires protégées au Campus Senghor, dans le cadre d'un partenariat entre l'université de la capitale burkinabè et l'Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) et son programme pour l'Afrique UICN-PACO. En 2016, il devient coordinateur du Réseau national de la société civile pour l'environnement et le développement durable (Renascedd). Fini les salles de classe, le voilà qui arpente les sentiers menant à des coins de nature dévastés.

Au cœur des missions de cette ONG guinéenne qu'est le Renascedd, aujourd'hui composée de 12 membres : créer des pépinières, planter, reboiser, tout en associant des communautés villageoises de plus en plus soucieuses des répercussions de la déforestation et des dérèglements climatiques sur leurs conditions de vie. « En 2019, nous avons replanté 35 100 arbres rien qu'à Boffa [ville côtière à 130 km au nord-est de Conakry, NDLR]. En 2020, nous avons planté 365 000 arbres à travers le territoire. Des palétuviers dans les zones de mangrove, des essences à croissance rapide comme l'acacia mangium, le gmélina, très prisé pour le bois d'œuvre et par les troupeaux, qui apprécient ses graines, mais aussi des arbres fruitiers, comme les avocatiers, anacardiers, manguiers, orangers. Et en 2021, 150 000 arbres seront plantés dans plusieurs localités du pays », résume Sékou Amadou Diakité.

À l'écouter, on ne peut s'empêcher de penser aux 50 millions d'arbres plantés en quarante ans par le Mouvement de la ceinture verte au Kenya. Créé en 1977, période où les enjeux environnementaux n'étaient guère à l'agenda des États, il doit beaucoup à la pugnacité de sa fondatrice, la militante écologiste et féministe Wangari Maathai*, couronnée d'un prix Nobel de la paix en 2004. S'appuyer sur les communautés villageoises et le monde traditionnel « où l'on cultivait aussi bien la terre que l'imagination »* fut une de ses marques de fabrique. Wangari Maathai, qui avait été témoin dans sa vallée natale d'Ihithe de la déforestation massive au profit des plantations de thé et de café, a su embarquer avec elle les femmes rurales. Elle les encourageait à diversifier les plantations, entre essences indigènes et plants glanés dans la forêt. Et versait une prime à chaque fois qu'une pousse prenait.

Créer des forêts nourricières avec les communautés

En Guinée, Sékou Amadou Diakité constate aussi que les communautés villageoises sont des acteurs de premier plan du reboisement. « Nous devons les convaincre de travailler avec nous, mais il ne faut pas qu'elles aient l'impression qu'il s'agit d'instructions parachutées. On cherche donc à mener des projets coconstruits dans lesquels elles sont bénéficiaires et voient un intérêt », dit-il. « Permettre aux communautés locales d'avoir des arbres fruitiers au sein de leurs parcelles agricoles, par exemple, contribue à leur sécurité alimentaire, et leur assure aussi des revenus complémentaires grâce à la vente de fruits sur les marchés locaux. Et puis ces arbres protègent les cultures vivrières en les abritant d'un fort ensoleillement ou de pluies abondantes », complète Anne-Lise Avril, responsable de la communication de Reforest'Action. Financée par des sociétés et des citoyens, cette entreprise française identifie des projets forestiers auxquels elle apporte des soutiens techniques et financiers à travers le monde. Partenaire du Renascedd depuis 2018, Reforest'Action a financé 31 100 arbres en Guinée entre 2019 et 2020. Et, en particulier, « le travail en pépinière, les travaux forestiers, le suivi et l'entretien de l'arbre », précise Anne-Lise Avril.

Les pépiniéristes du Renascedd ont également reçu l'appui technique en février 2020 d'Hervé Le Bouler, forestier et responsable politique des questions forestières à France Nature Environnement. Avec l'aide de l'ambassade de France à Conakry, il a passé une semaine en Guinée. « Hervé Le Bouler nous a par exemple aidés à mieux prendre en compte la nature des sols, car on ne peut pas reboiser partout, et nous a guidés pour favoriser les taux de reprise des plants », relève Sékou Amadou Diakité. Des conseils répercutés par les agents qui appuient les communautés locales à proximité des sites de reforestation. Les pépinières mises en place par le Renascedd en 2018 doivent à terme être gérées de façon autonome par les populations. « L'intérêt, c'est qu'elles produisent elles-mêmes les arbres qui seront plantés. C'est presque déjà le cas, puisqu'elles les entretiennent et les arrosent avec l'appui de nos agents, contre une rémunération, et qu'on choisit en commun accord avec elles les espèces locales et les espèces exotiques », poursuit Sékou Diakité.

Restauration de la mangrove

Outre le développement de l'agroforesterie, Reforest'Action appuie aussi le Renascedd dans ses activités de restauration de la mangrove. « On voit par satellite que les cultures en bordure du littoral ont reculé ces dernières années en Guinée, et c'est une conséquence de la disparition de la mangrove qui fait fonction de barrière entre l'océan et la terre. À certains endroits, elle se régénère naturellement. Mais, là où la mangrove a complètement disparu, il faut replanter des essences de palétuviers », explique Anne-Lise Avril.

S'il a grandi à Kindia, ville à 130 km à l'est de Conakry alternativement baptisée « jardin de la Guinée » ou « cité des agrumes », Sékou Amadou Diakité est issu d'une mère baga, une communauté du littoral. Il a donc pu observer, dans la région de Boffa, la destruction progressive de cet écosystème. « Les palétuviers sont abattus pour plusieurs raisons : pour faire du bois de chauffe, pour les besoins de certaines cérémonies à Conakry, pour alimenter les foyers dans le cadre de la production de sel traditionnelle ou pour les besoins de la riziculture extensive. Mais nous perdons beaucoup, car la mangrove est un lieu de reproduction des poissons, et c'est aussi un rempart contre le changement climatique qui provoque la montée du niveau de la mer », se désole-t-il. La coupe de bois, selon lui, s'est par ailleurs développée « à grande échelle » ces dernières années en Guinée, « faute d'emploi », et « sans respect des normes ou des aires protégées ».

À ces activités favorisant la déforestation se greffent les répercussions du réchauffement climatique. Dans son rapport multi-agences sur l'état du climat en Afrique, l'ONU note que « l'année 2019 a été l'une des trois années les plus chaudes jamais enregistrées sur le continent ». Un phénomène qui, selon de nombreux producteurs ouest-africains, se traduit par la perturbation du calendrier agricole et une baisse des rendements. « La saison sèche ici, avant, durait six mois. Mais, maintenant, elle va jusqu'à sept, voire huit mois. Tous les cours d'eau tarissent, même le fleuve Bafing », observe, dans une vidéo réalisée par le Renascedd, Sadou Barry, chef de cantonnement forestier de Timbo, dans les collines du Fouta-Djalon. En cherchant à accroître le niveau de vie des populations impliquées dans la reforestation, le Renascedd entend in fine promouvoir de meilleures pratiques culturales pour compenser ces effets dévastateurs du dérèglement du climat.

L'ONG planche actuellement sur la création de parcs naturels régionaux, notamment à Moussaiah, dans la région de Forécariah frontalière avec la Sierra Leone. Et tente enfin de se positionner dans les zones d'extraction de la bauxite, autre spot de la déforestation en Guinée.

Par Agnès Faivre, envoyée spéciale à Conakry (Guinée)

Source: Le Point Afrique

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