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GUINEE - Sous la perpétuelle attraction du triangle des Bermudes ?


On connaît la tragique réputation de ce triangle qui constitue une zone d'environ 4 millions de km2 de l'océan Atlantique , circonscrite de la côte Est de la Floride à l'île de Porto Rico et à l'archipel des Bermudes. Ce triangle (Le Triangle du Diable) serait le théâtre d'un très grand nombre de disparitions inexpliquées de navires et d'aéronefs.
Sa triste renommée, repose sur la mystérieuse disparition avec armes et bagages,des navires et des avions qui ont, au cours d'une traversée, disparu pour de bon. Du XIXe siècle à nos jours, on y a dénombré un très grand nombre de navires et d'avions volatilisés, sans qu'aucune explication rationnelle ait été trouvée.
Selon un journaliste de Los Angeles Times, Howard Rosenberg, dans un article publié en 1974, ( Exorcizing the Devil's Triangle), ces disparitions s'élèveraient à 190 navires et 80 avions.
Dire donc d'un pays qu'il est dans le triangle de Bermudes, ne peut être qu'une image funeste que je ne souhaite pas pour la Guinée. Mais force est de constater que bien que sur la terre ferme, la gouvernance pratiquée dans ce pays depuis 55 ans, en cette année 2013, évoque l'idée de navires et d'aéronefs cinglant vers les Bermudes.
Cinquante cinq ans d'existence! D'aucuns disent que cette durée n'est pas suffisante pour mesurer l'efficience d'action d'une nation. Je réponds que si cette appréciation pouvait historiquement se révéler juste avant le XXe siècle, elle ne le paraît plus après le premier quart de ce siècle et encore moins pour le siècle en cours. L'accélération de l'histoire de l'humanité se fait de plus en plus sentir dans le court terme. La compétition des nations se joue dans le court terme. L'activité économique, une référence du temps que nous vivons se mesure, sinon par mois du moins par trimestre.Par conséquent, la durée de cinquante cinq ans d'existence de la République de Guinée aurait pu produire plus d'effets positifs que ce que nous voyons . Sur la situation désastreuse de ces cinquante cinq ans, certains Guinéens ne se posent aucune question, soutenant toujours des gouvernements inefficaces et espérant que le développement économique et social va tomber du ciel. Même les infrastructures routières et autres, laissées par la colonisation, n'ont pas pu être maintenues en l'état. C'est pourquoi j'ai senti notre pays courir à sa perte.
Souvenez- vous pour ceux qui sont d'anciens lecteurs de mes articles que j'avais mis en garde les responsables politiques guinéens contre le risque de courir à l'évolution séculaire (1804-2004 ) de la République d'Haïti. De la chronologie sur cent ans des Présidents et plus largement du personnel politique d'Haïti, l'un des plus sous-développés des 21 pays de la Caraïbe et même du continent américain; j'indiquais quelques raisons explicatives de ce « modèle » de malgouvernance haïtienne. Comment, depuis la victoire de la révolte héroïque des anciens esclaves africains conduits par Toussaint Louverture (1791-1794), comment depuis l'indépendance proclamée en 1804, la nation haïtienne demeure-t-elle encore aujourd'hui en queue de peloton du développement humain dans la Caraïbe? Les obstacles rencontrés ont été certes nombreux du XIXe au premier tiers du XXe siècle, mais ce pays aurait pu mieux faire que ce qui ce se constate comme une non-réalisation d'une nation ou une perdition sur le chemin de son accomplissement comme nation au service de ses habitants. La cause essentielle en a été la lutte pour le pouvoir politique qui a occulté, comme on dit, l'intérêt supérieur de la nation. Même la République Dominicaine qui occupe la partie orientale de la même île ( ancienne Hispaniola) est beaucoup plus développée qu'Haïti.
Il m'a semblé déceler dans l'évolution guinéenne quelques similitudes dans ce qui se dessine très fortement dans sa gouvernance de la cinquantaine d'années de son indépendance.
Ce que j'appelle donc ici, l'attraction du Triangle des Bermudes, est comme la voie de perdition d'une nation. Une nation qui ne s'inscrit pas, autre qu'en discours et en théâtre, dans le schéma des fonctions fondamentales nécessaires à la vie des hommes et des femmes unis par une communauté de destin, n'est qu'une nation fantôme. On peut demeurer une nation fantôme des dizaines d'années voire des siècles si des vrais hommes d'Etat n'émergent pas. Le panier de crabes politiques guinéens n'a pas encore permis cette émergence. Malgré des voeux mille fois formulés par les Guinéens d'aller de l'avant, nous piétinons toujours dans la gadouille politicienne, les magouilles électorales, le verbalisme fleuri et sans réelle consistance, pour accéder ou pour se maintenir au pouvoir. Exactement comme cela s'est passé pour Haïti.
Les élections législatives du 28 septembre 2013 qui avaient été reportées à plusieurs reprises pendant plus de deux ans et dont les résultats définitifs ont été publiés par la Cour suprême le 15 novembre n'ont donné satisfaction ni au parti présidentiel au pouvoir, ni à l'Opposition républicaine. De nombreuses irrégularités avaient en effets été signalées par des observateurs étrangers dont il faut d'ailleurs rendre hommage à la présence qui a contribué à limiter l'ampleur des fraudes. Quand il a fallu porter plainte devant la Cour suprême sur ces fraudes, est apparu cette situation cocasse qui fait une des singularités de notre pays : non seulement l' Opposition républicaine a établi des mémorandums sur les fraudes comme on en voit presque partout en Afrique après des élections mais, et c'est cela le cocasse, le parti au pouvoir, le RPG- AEC, accusé d'avoir utilisé toute la logistique de l'Etat pour gagner ces élections, a également constitué des dossiers de fraudes que l' Opposition aurait commises. Etait-ce pour sauvegarder son avance annoncée par les résultats provisoires? Toujours est-il que plus d'un Guinéen l'ont pensé, comme plus d'un se doutaient que la Cour Suprême apporterait des rectifications à des résultats provisoires fournis par la Commission électorale nationale indépendante ( CENI ) et qui donnaient une légère avance du nombre de députés de la mouvance présidentielle.
Tel est le contour du jeu politicien, aujourd'hui en Guinée. Il ne semble pas mener encore à l'entente et à la détente du climat social dans le pays conformément aux souhaits de nombreux Guinéens. Où croyez-vous que cette situation risque de nous mener? Sinon sur les traces de la Républicaine caraïbe de nos lointains cousins qui ne sont pas encore sortis d'affaires ( 1804-2013), par la médiocrité de ses élites politiques. Quand on nous dit que nous ne sommes pas encore sortis de l'auberge, ce n'est pas une simple boutade. Nos chefs successifs, et plus encore aujourd'hui qu'hiver, n'ont donné que l'illusion que notre nation existe internationalement. L 'exemple est fourni par les déplacements dispendieux et inutiles du Président Alpha Condé aux quatre coins du monde. “ Le pays qu'il a trouvé au lieu d'un Etat”, selon sa déclaration, aurait eu besoin de profonds aménagements par sa présence continue en contremaître sur divers chantiers : infrastructures de base et infrastructures institutionnelles pour un Etat de droit; besoins essentiels des ménages guinéens portant sur l'eau courante, l'électricité domestique, la santé et les soins primaires , les fournitures scolaires et d'éducation populaire etc.. Les soucis de tous ces aspects de la vie quotidienne des Guinéens auraient valu mille fois plus que des promenades inutiles qui ne rapporteront rien aux Guinéens. Recherches d'investisseurs éventuels? Du vent! On a entendu ça depuis 2011 et rien n'a suivi.Quand le Ministre des Affaires étrangères Laucény Fall, affirme à une interview à Guinéenews: “Nous allons faire en sorte que l'image de la Guinée change”, c'est encore des déclarations sans lendemain. Le marqueur infaillible de l'image d'un pays est le climat social qui règne dans ce pays et l'étranger n'est pas sans connaissance de ce climat. Tout le reste est littérature.
Mais le plus préoccupant pour l'heure, c'est cette période de l'après-élections législatives. Période encore pleine d'incertitude qui aurait demandé la présence du Chef de l'Etat. Mais comme à chaque fois que des grandes questions se posent, le tourisme lointain a sa préférence. Cette fois c'est le trio, Brésil, France, Abou Dhabi qui a eu sa préférence. Or on se trouve dans un contexte tendu, ces jours de l'après-élections. La question pour l'opposition républicaine est de savoir si elle doit siéger ou boycotter la future Assemblée nationale. Par une déclaration en date du 20 novembre, son porte-parole Aboubacar Sylla fait le point en annonçant que la position commune n'est pas encore arrêtée. Mais l'organisation d'une journée de ville morte à Conakry est annoncée pour le 25 novembre.
Au fond le vrai problème du jour est cette participation ou non de l'Opposition républicaine à cette Assemblée nationale. Quand on considère tous les stratagèmes de fraudes qui ont été relevés et attestés par des observateurs neutres, sans être la Cour suprême de Guinée, on se dit que les principes sur lesquels repose la position de l'Opposition républicaine sont solides. Il s'agit du refus des tripatouillages électoraux, de la gratification du mensonge, de la magouille et surtout de l'inacceptation d'habitudes contraires à la construction d'une démocratie. Et tous ceux et toutes celles de bonne foi reconnaîtront facilement qu'une opposition dans un pays comme la Guinée n'a absolument pas les moyens de frauder à une élection, alors qu'il a été signalé que des ministres, des sous-préfets et autres agents de la fonction publique guinéenne s'étaient mis au service du parti présidentiel.
Malgré ce constat (accablant ), je considère que l'Opposition n'est pas sortie totalement perdante de ces élections. En partie grâce à la présence d'observateurs étrangers à qui, par la voix de certains ses dirigeants, elle a rendu hommage. Sa Cour suprême s'est manifestée de façon éclatante pour toutes ses composantes confondues, par la victoire sans nuance dans les cinq communes de Conakry, siège du pouvoir en place.
La construction de la Guinée est une tâche titanesque et il faut que tout le monde y participe pour éviter au pays l'attraction du Triangle des Bermudes. Je le répète des nations ont disparu dans ce Triangle du Diable et n'ont de nation que le nom. Elles se contentent de faire de la figuration pour l'égo de leurs présidents. Dans leurs pérégrinations planétaires, leurs hôtes leur donnent poliment l'illusion qu'ils comptent parmi les huiles de la planète terre, alors qu'ils ne leur accordent aucune considération.
Il y a beaucoup à faire dans notre pays, il faut que les députés de l'Opposition ravalent leurs colères de l'injustice qui leur est faite en leur volant des places de députés. Notre pays est plein encore de situations d'injustice, mais il ne faut pas l'abonner aux mains des aigrefins qui ne seraient peut-être pas mécontents qu'on comble leurs places pour atteindre le nombre de 114 dans l'Assemblée par “des députés” nommés par décrets.
On peut tout imaginer dans ce pays. Mais sachez, députés de l'Opposition républicaine que vous serez plus utiles dans cette Assemblée qu'en dehors. Il y a tout l'arsenal des lois à l'amélioration desquelles vous ne serez pas étrangers. Il y a la formation citoyenne qui interpelle et qui doit constituer un champ d'action privilégié de députés. Des citoyens ignorants sont plus facilement manipulables par les pouvoirs en place: c'est le cas de fonctionnaires publics qui se mettent au service du parti du pouvoir en place. Je n'ignore pas dans cet exemple que des situations d'intimidation, de mutations d'office ou même de révocations existent. Mais vous serez en place pour dénoncer ces cas à l'opinion internationale.
Il y a l'importante question de l'atomisation de l'espace politique guinéen, source d'inefficience de l'action politique. Il y a, en effet trop de partis politiques, ce qui conduit à des systèmes clientélistes, proches parfois des organisations mafieuses. Il y a tant d'autres domaines!
Alors avec toutes les tares qu'on peut constater, il faut que l'opposion républicaine siège à l'Assemblée qui va bientôt entrer en fonction .
Ansoumane Doré (Dijon , France )
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