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Guinée - Petite convalescence

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La Guinée a vécu en 2015 une annus horribilis. L'épidémie d'Ebola et la chute des cours des matières premières - notamment ceux de l'or et de l'alumine, qu'elle exporte - ont étouffé sa croissance. Celle-ci a décliné de 2,3 % en 2013 à 1 % en 2014 pour tomber à 0 % l'an dernier.

La croissance démographique s’élevant à 2,5 % par an, cela signifie que, depuis trois ans, la pauvreté gagne du terrain dans un pays où l’inflation est toujours vive (+ 9 % environ) et où le PIB par habitant (545 dollars) est inférieur à celui d’Haïti. Il est frappant de constater que, malgré son fort potentiel agricole, hydraulique et minier, la Guinée se redresse moins vite que son voisin, le Liberia, qui n’était pas moins en lambeaux.

Malgré tout, le pays est entré en convalescence. L’attentisme qui a précédé l’élection présidentielle du mois d’octobre a certes donné lieu à une nouvelle dégradation de son déficit budgétaire, mais sans que ce soit gravissime. Le gouvernement vient de promettre au Fonds monétaire international (FMI), mécontent que la Guinée n’ait pas atteint ses objectifs de réformes pour 2015, qu’il mettrait de l’ordre dans ses dépenses. Quand on sait les dégâts qu’une élection peut provoquer dans l’économie d’un pays africain, ce dérapage mineur et l’absence de troubles durant le scrutin et après la réélection d’Alpha Condé sont des signes encourageants !

À Conakry, on se risque dans certaines sphères à parler d’émergence. Le rapport « Doing Business » 2016 de la Banque mondiale, qui classe 189 pays selon leur climat des affaires, a en effet fait passer la Guinée de la 171e à la 165e place. Il est vrai qu’il est désormais possible d’y créer une entreprise en huit jours, ce qui lui a valu un bond de 49 places sur ce segment.

Cependant, se laisser aller à l’optimisme est bien prématuré, car la réputation du pays auprès des investisseurs demeure mauvaise, comme le prouve le dernier classement annuel du magazine américain Forbes, publié en décembre 2015, qui place la Guinée au deuxième rang des pires pays pour les affaires (143e sur 144 pays classés), après le Tchad. Elle a encore des progrès à faire dans le domaine de l’octroi des permis de construire, du transfert de propriété, de l’obtention de prêts et de la protection des actionnaires minoritaires. Si elle réalise la croissance de plus de 4 % que lui prédit le FMI pour 2016, cela sera un mieux, pas un résultat mirobolant.

Dans les orientations du gouvernement, il y a du bon et du moins bon. Le bon, c’est l’effort en faveur de l’électricité, qui est le préalable indispensable à l’éducation comme à l’industrialisation. Comme l’a rappelé Kassory Fofana, conseiller à la présidence, devant les investisseurs réunis à Londres le 24 février, chaque dollar investi dans la production de courant crée 18 dollars d’activités nouvelles. Inauguré en septembre 2015, le nouveau barrage de Kaléta (240 MW) et sa ligne électrique de 186 km amélioreront l’approvisionnement de la capitale en électricité. Le barrage de Souapiti devrait suivre.

Le moins bon, c’est le tropisme de la Guinée pour son sous-sol. Bien sûr, l’entrée en production à la fin de 2015 d’une mine de bauxite exploitée par le groupe chinois Hongqiao apporte une bouffée d’oxygène au budget et à l’économie. Malheureusement, il semble que le président et son gouvernement demeurent obnubilés par la « montagne de fer » du Simandou, dont ils espèrent que l’exploitation par Rio Tinto créera des milliers d’emplois et apportera des centaines de millions de dollars dans les caisses de l’État.

Outre le contentieux avec l’homme d’affaires israélien Beny Steinmetz, qui s’estime évincé de ce projet de 15 ou 20 milliards de dollars – on ne sait trop -, les obstacles qui se dressent apparaissent insurmontables à brève échéance. L’effondrement du prix de la tonne de minerai de fer à 40 dollars au début de 2016 (quatre fois moins qu’en 2011 !) et la mauvaise santé de Rio Tinto qui s’est ensuivie ne permettent pas d’ouvrir une mine dont la production nécessite, en plus, la construction d’une voie ferrée de 650 km et d’un port en eau profonde. Il ne faut pas rêver.

Depuis huit ans que la Banque mondiale a fait son mea culpa et reconnu qu’elle avait eu tort d’oublier l’agriculture comme outil de développement, on sait que l’agriculture vivrière, tout comme les cultures d’exportation, sont de puissants instruments pour lutter contre la pauvreté dans une Afrique subsaharienne où la population rurale représente entre 65 % et 80 % de la population totale. Qu’attend le « château d’eau de l’Afrique de l’Ouest » pour redevenir « le grenier » de la région ?

Alain Faujas

Source: jeune afrique

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