Guinée, nouvel eldorado des alumineurs chinois ?
- Par Administrateur ANG
- Le 15/04/2016 à 08:03
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Après le Vietnam, l’Indonésie et la Malaisie, la Guinée et ses réserves naturelles de bauxite sont dans la ligne de mire des investisseurs chinois. Des opportunités d’affaires importantes à première vue pour le pays africain, mais aussi des risques pour l’environnement et la santé des Guinéens.
L’appétit chinois pour la bauxite n’est pas près de faiblir, et pour cause. Ce minerai est à l’origine de la production d’aluminium, un produit industriel désormais incontournable dans l’aéronautique, les transports, les turbines génératrices d’électricité et la construction. L’aluminium est devenu le deuxième métal le plus consommé au monde après le fer, et son importance est telle qu’il constitue désormais un indicateur privilégié de la marche de l’économie mondiale.
Principal producteur et consommateur mondial d’aluminium, la Chine craint de manquer de bauxite, dont les importations n’ont cessé d’augmenter depuis une dizaine d’années. Les alumineurs chinois ont en effet décidé de raffiner eux-mêmes la bauxite plutôt que d’acheter de l’alumine, une décision justifiée par des coûts d’investissement largement inférieurs en Chine. Problème : elle ne détient pas plus de 3 % des réserves de bauxite identifiées dans le monde. Environ 75 % des réserves découvertes et pouvant être exploitées sont concentrées dans cinq pays, à savoir le Brésil, l’Australie, le Vietnam, la Jamaïque et la Guinée. Avec 25 milliards de tonnes estimées et 18 prouvées, cette dernière détient un tiers de réserves mondiales, ce qui en fait une cible prioritaire pour les investisseurs du monde, au premier rang desquels se trouve évidemment la Chine.
Selon l'ex-ministre guinéen des Mines et de la Géologie, Kerfalla Yansané, le pays africain devrait passer d’une production annuelle de 17 MT actuellement à 40 MT à l’horizon 2024, et la Chine compte bien en profiter. China Hongqiao Group, le plus grand producteur chinois d’aluminium, a récemment investi 200 millions de dollars en Guinée, dont il espère obtenir une livraison annuelle de 10 millions de tonnes de bauxite. Si le président de la République de Guinée, Alpha Condé, voit dans la coopération avec la Chine une opportunité de créer des emplois, l’engouement chinois pour la bauxite n’est pas sans risques, son extraction, très énergivore, comportant des risques importants pour l’environnement.
La Chine n’ignore pas ces dangers. Au contraire, consciente des dommages causés à l’environnement, elle a décidé de fermer ses mines et de se tourner vers le Vietnam. En 2007, Pékin et Hanoï ont conclu un partenariat pour l’exploitation de deux sites, Nhan Co et Tan Rai. Le bilan en est désastreux. La Chine a rejeté les surplus de la production de bauxite dans l’eau des lacs vietnamiens, notamment celui de Tan Rai qui s’est transformé en une sorte de réservoir de « boues rouges », le principal déchet produit lors de la fabrication d’alumine.
Après ce premier fiasco, la Chine a décidé de se tourner vers l’Indonésie, qui est devenue son principal fournisseur de bauxite au début des années 2010. Mais en 2012 le gouvernement indonésien a brutalement décidé d’interdire l’exportation de minerais bruts, y compris la bauxite. Contraints de rechercher des sources d’approvisionnement alternatives, les alumineurs chinois se sont alors tournés vers la Malaisie, qui n’a pas tardé à remplacer l’Indonésie. La production de bauxite y est passée de 200 000 tonnes en 2013 à 20 millions en 2015 ! Mais voilà qu’à son tour la Malaisie décide de mettre un terme à son partenariat exclusif avec la Chine. Après seulement deux années d’extraction du minerai le pays est dévasté. La pollution est excessive et la prévalence de maladies graves a explosé. Les entreprises chargées d’extraire la bauxite étaient majoritairement illégales et ne respectaient aucune mesure sanitaire et sécuritaire. Les eaux malaisiennes étaient polluées au mercure ou à l’arsenic, les camions transportant la bauxite laissaient un nuage de poussière toxique à leur passage.
Après une tentative infructueuse en Australie, la Chine se tourne aujourd’hui vers la Guinée. Que fera celle-ci face à un investisseur connu pour exploiter les ressources pour son propre bénéfice sans respecter les normes de travail et environnementales ? La Guinée pourra-t-elle espérer que les scénarios vietnamien, indonésien et malaisien ne se reproduiront pas sur son sol ? Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la Guinée a tout intérêt à étudier de près ces exemples avant d’accueillir à bras ouverts un investisseur aussi riche que dangereux.
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