Guinée: les violences fratricides de Koulé-Nzérékoré

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Quand des nouvelles proviennent de notre pays; elles sont rarement réjouissances. Si ce ne sont pas de jeunes Guinéens qui tombent sous des balles des forces de l'ordre «  républicaines » à Conakry , ce sont des adultes qui s'affrontent avec des armes de toutes sortes. C'est ce qui vient de se produire de Koulé à Nzérékoré, pour quelles raisons? Il faut attendre d'en savoir plus...

 

Toujours est-il que l'amoncellement de cadavres de nos frères et soeurs guinéens a de quoi effrayer pour l'avenir de la communauté de destin de la Guinée. Il faut seulement dire qu' on a toujours tout minimisé dans ce pays, excepté le champ de la politique politicienne. Plus que les étables d'artisans ou les tréteaux de boutiquiers ou encore la daba du cultivateur, des tas de gens pensent que c'est en politique où l'on peut faire fortune . Et vite. A leur décharge, il faut dire qu'ils ont des exemples sous les yeux.

 

A propos des affrontements sanglants intervenus de Koulé à Nzérékoré, certains Guinéens ont recours à des formules toutes faites. Sous le prétexte « d'éviter des propos irresponsables », ils usent et abusent de l'incontournable langue de bois, devenu lieu commun dans notre pays. Parmi ceux-là, ceux qui interviennent dans le débat public, emploient mille et une précautions pour ménager le pouvoir en place.

 

Il faut encore répéter ce que j'ai écrit à plusieurs reprises. J'ai écrit que personne de censé ne pouvait imaginer que l'Etat néant qu'Alpha Condé a trouvé et dont il n'était pas responsable, pouvait trouver une thérapeutique efficace à ses maux aussitôt qu'il serait là. En vérité non. Encore que je me souvienne avoir entendu l'intéressé clamer, sous Lansana Conté que l'unique mal de la Guinée était celui-ci. Et que lui, au pouvoir; six mois suffisaient pour tout remettre sur rails . Peut-être des mots d'opposant sans grande signification. Mais quand on a été opposant sérieux pendant quarante ans, on n'arrive pas en terre inconnue pour dire: “ce n'est pas un Etat que j'ai trouvé mais un pays”. Tout cela pour dire que la Guinée n'est pas dans de bonnes mains solides. Cela ne saute pas aux yeux que des aveugles. L'avenir nous le dira et il n'est pas si lointain que cela peut paraître. Mais encore une fois, les  Guinéens ont la mémoire courte. .

 

Sur les violences évoquées ici , qui a donc vraiment mis directement le gouvernement d'Alpha Condé en cause ? Sinon de dire ce que devrait être le comportement d'un Président de la République en une telle circonstance : se rendre sur les lieux pour apporter un soutien moral aux familles endeuillées. Au lieu de se rendre en Guinée-Forestière, le Président guinéen, n'a voulu, à aucun prix, manqué la réunion de la CEDEAO, au Nigeria. Serrer les mains des Excellences africaines peut-il être comparable aux ennuyeuses palabres à faire mourir de Guinéens de surcroît forestiers ? Une mission ministérielle composée de Forestiers peut suffire,voyons! Mais je présume qu'à Abuja (Nigeria) , certaines Excellences qui n'ignorent pas la situation guinéenne, regarderont Alpha Condé avec condescendance. Souhaitons seulement qu'il s'en rende compte . En tout cas, j'espère, pour l'honneur de l'Afrique, qu'un grand nombre de Chefs d' Etat auraient renoncé au rendez-vous de la CEDEAO si une région de leur pays était dans le cas de figure de la Guinée-Forestière.

 

Dire tout cela, dans un pays qui prétend se préparer à la démocratie, n'a absolument aucun caractère d'irresponsabilité. L'irresponsabilité se situe au niveau d'un Président de la République qui se délecte dans les vadrouilles à l'étranger,sans aucun impact positif sur son pays, alors que ses concitoyens s'entre-déchirent . On ne se bat pas pendant quarante ans pour seulement les honneurs du pouvoir mais aussi pour les devoirs attachés au pouvoir.

 

On a pu tout dire et tout écrire sur Sékou Touré dont je serais loin d'appuyer les thuriféraires,mais il y a un « au moins ». C 'est que des evenements du genre de Koulé-Nzérékoré étaient inconnus. Sans parler des violences de l'Etat contre les citoyens qui se sont poursuivies de 1958 à 2013, les violences interethniques , n'ont commencé qu'à partir de 1990, sous Lansana Conté et précisément dans cette même Région de Guinée-Forestière. Mais ce sont ,sans aucun doute, les effets pervers de la mal gouvernance qui permettent des comportements qu'un Etat policé ne peut pas admettre;

 

Dans mon adolescence et ma prime jeunesse, j'ai bien connu les relations Guerzé- Konianké. Je suis né à Boola ,sous-préfecture, de peuplement Guerzé-Konianké, à l' extrême limite sud de la zone de savane; Ouinzou en direction de Gwéké-Nzérékoré, déjà en zone de végétation forestière, est situé à 10 km. Mes parents, Doussou-Mory Doré et Bintou Soumaoro étaient installés à Boola à ma naissance . J 'ai été à l'école primaire de Boola, jusqu'au cours élémentaire avant d'aller à l'école de Beyla alors que mes parents étaient retournés à Moussadou, leur village d'origine situé à 10 km de Beyla. A l'école de Boola, petits Konianké et petits Guerzé étaient comme des frères. D'ailleurs, je me suis retrouvé avec des copains Guerzé à l'école de Beyla ; celle de Boola n'ayant pas de cours moyen à cette époque.

 

C'est donc avec joie que nous avions reconstitué nos bandes de Boola. Je parlais autant Guerzé que mes copains parlaient Konianké. Les douloureux evènements actuels me rappellent aux souvenirs de ces copains d'enfance dont des noms me reviennent: Yagbaoro Korémou, Vasséi Prissamou, Paquilé Doramou, Zaoro Onikoya, Foromo Pépé, Niankoï Konomou, Zézé Noramou. Nous passions certaines années des parties de vacances ensemble, à Moussadou, Beyla (chez mon oncle), Boola, Yapangaye, Bricoïta , etc . J'ai été au collège à Conakry avec trois d'entre eux. D'autres étaient devenus fonctionnaires ou commis de boutiques après le certificat d'études primaires. J'ai entretenu des relations épistolaires avec l'un d'eux jusqu'au milieu des années 60. Quelques uns avaient intégré, après 1958, les structures du PDG et avaient gravi les échelons. Deux sont tombés dans les trappes de la Révolution comme beaucoup d'autres Guinéens. Personne ne les a plus revus . Ils en ont laissé des veuves et des orphelins.

 

Rapprochés des evenements sanglants qui déchirent, aujourd'hui, Konianké et Guerzé, heureusement pas dans toute la Région, les souvenirs des frères que je viens de citer, paix à l'âme de tous ceux d'entre eux rappelés par le Créateurs, font mal.

 

Il faudrait que les détenteurs du pouvoir en place dans notre pays, en viennent à une conception de ce pouvoir qui les implique sur le terrain, dans un cadre de morale publique non seulement en Guinée-Forestière mais partout en République de Guinée. Dans le cas des circonstances actuelles, il ne faut plus se contenter d'arracher à des protagonistes, par quelques noix de cola ou quelques billets de banque, des oui de réconciliation de façade . Il faut aller au fond des problèmes. Ne pas aller au fond des problèmes, c'est de les voir resurgir sous peu. Les mêmes protagonistes étaient face à face en 1990 . L'implication du Président de la République s'impose dans ce genre de conflits. Les perroquets de soutien aveugle à l'action gouvernementale et qui ne cherchent qu'à se faire bien voir par les pouvoirs en place, ne rendent pas service à la cause guinéenne. Servir cette cause, c'est d'applaudir le Président quand il est sur la voie de servir, aux yeux de tous, la nation, toute la nation. Au lieu de rechercher les causes des impérities du pouvoir chez ceux qui ne détiennent aucun pouvoir d'Etat, les thuriféraires, voilés ou non d'Alpha Condé doivent changer de logiciels dans la composition de leur discours. Autrement les mêmes comportements produisant les mêmes effets, la fin de la gouvernance en cours pourrait ressembler, en fin de parcours , à celle des périodes 1958-1984 et 1984-2009.

 

Pour terminer cette note, je m'incline comme beaucoup de mes compatriotes devant la douleur des familles endeuillées par le malheur qui ne cesse de frapper la Guinée à Conakry, à Koulé , à Nzérékoré et ailleurs.

 

 

Ansoumane Doré (Dijon, France)  

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