Guinée : Les élections de la négociation en Guinée : bref examen des résultats de l'élection du 27 juin 2010
- Par Administrateur ANG
- Le 13/07/2010 à 07:29
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La logique des chiffres, réalité et hypothèses
Les résultats provisoires publiés le 2 juillet 2010 donnent vainqueur des urnes le leadeur de l’Ufdg, Mr. Cellou Dalein Diallo. Le score est de 39,72% des suffrages exprimés, soit 1.062.549 votants. Ce coup de maitre vient d’un parti politique qui en est à sa première participation directe au suffrage guinéen. La résolution du litige opposant deux des principaux candidats aux scrutins pourrait donner une autre configuration aux résultats obtenus. Ou non.
Quoi qu’il en soit, quelles explications peut-on en donner ? Pour le faire il convient de faire ressortir d’où vient l’électorat des partis politiques et de leurs candidats en lice pour le second tour des élections présidentielles ?
Avec près de 40% des votes obtenu, tout semble indiquer que le candidat de l’Ufdg aura les coudés franches pour le second tour. Mais cela dépend aussi, largement, de la nature et du contenu des votes. Le candidat du Rpg sera en face des mêmes contraintes d’ailleurs. Les chiffres peuvent stagner ici et évoluer là-bas. Tout dépend des capacités de négociations des leadeurs et de leur « patriotisme national ». Au delà des chiffres, plus que jamais ces élections en appellent à la négociation.
Cellou Dalein Diallo et l’Ufdg : « forger » un discours et des actes « rassembleurs » - Sous l’appellation de l’Ufd (Union des forces démocratiques), le parti politique dont Cellou Dalein Diallo est le candidat, fait partie des premières formations politiques des années 1990 en Guinée. Durant les années qui ont suivi, son premier leadeur à l’époque Oury bah, rejetait toute participation directe aux échéances nationales. Il estimait et déclarait, en substance, que dans les circonstances d’alors et les conditions d’organisation des élections, la transparence était impossible.
Au travers de turbulences internes, le parti devient l’Ufdg et attire, progressivement, un conglomérat de partis politiques à la suite de diverses alliances. Suivant en cela l’unique logique de stratégie politique en Guinée, la majorité des leadeurs qui y adhèrent sont originaires de la Moyenne Guinée. Poursuivait-il le rêve du grand parti du Fouta que les regrettés Bah Mamadou, Siradiou Diallo, Porthos Diallo et bien d’autres n’ont pu édifier ?
C’est en octobre 2002 que l’Ufdg démontre ses ambitions électoralistes en désignant à sa présidence feu Bah Mamadou, un habitué des échéances électorales guinéennes. Ce transfert est survenu suite aux dissensions à propos du boycott des élections au sein de l’Upr (Union pour la République) qui combinait sa formation politique l’Unr (Union pour la nouvelle république) et le Prp (Parti du rassemblement pour le progrès) de feu Siradiou Diallo.
L’implantation sur le terrain de l’Ufdg en terme quantitatif est inconnue à travers l’expression des suffrages. Toutefois, elle est l’héritière de l’un des pionniers de la lutte pour l’instauration de la Démocratie en Guinée que fut Bah Mamadou. Il mena ce combat, dans l’opposition, avec des leadeurs comme feu Siradiou Diallo, Jean Marie Doré, Mansour Kaba et le professeur Alpha Condé du Rpg.
RÉALITÉ - En chiffre, Bah Mamadou aurait apporté à l’Ufdg une surface électorale qui transparait à travers les suffrages qu’il a obtenu lors des échéances électorales : Présidentielle de 1993 : 11,86 % ; législatives de 1995, 9 députés ; présidentielles de 1998 avec l’Upr (Unr+Prp) : 24,6 %. L’Ufdg, avec Bah Mamadou à la tête, se construit là-dessus jusqu’en 2007.
Le point nodal de la rupture démocratique qui frappe la Guinée entre 2002 et 2007 semble avoir mis tous les partis politiques dans un état latent. En tout cas jusqu’à sa mort en décembre 2007, le Général Lansana Conté et le Pup mènent la danse. Entretemps le leadeur actuel, Cellou Dalein Diallo, fut Premier ministre (2002-2006). Limogé pour faute administrative, il rejoint l’Ufdg où il est désigné président en novembre 2007. À cette époque les luttes de clans autour du pouvoir, dont il avait été victime, contribuent à exacerber les positions ethnocentriques. Comme le professeur Alpha Condé considéré comme le leadeur de la Haute Guinée, Cellou Dalein ne tarde pas à prendre la même épithète pour la Moyenne Guinée. De la période qui couvre la prise du pouvoir par la junte militaire aux élections du 27 juin 2010, il semble avoir éclipsé Ousmane Bah et l’Upr. Des dissensions internes avaient ébranlé le fondement et l’unité de ce parti politique, de 2008 à 2009. Par ailleurs la collaboration affichée de son leadeur avec le Cndd de la junte militaire a érodé son crédit politique.
HYPOTHÈSES : En considérant que l’Ufdg soit allée aux élections du 27 juin 2010 avec un vote de fidélité de 24 % (apporté par Bah Mamadou), il est possible que les 15 % qui portent son score à 39 % soient dûs à deux circonstances favorables : La lutte de clans autour du Général Lansana Conté qui offre aux désabusés de l’Upr un leadeur hors des contradictions qui opposaient Bah Mamadou à Siradiou Diallo. L’affaiblissement même de l’Upr dans le fief commun du Fouta. L’autre examen porte sur la nature et la provenance du vote.
Dans le cas où le parti politique vainqueur au premier tour a bénéficié d’un vote de caractère national qui implique les diverses couches sociales du pays à travers ses diverses populations, l’Ufdg possède une large marge de négociation pour remporter le second tour des élections présidentielles. Au cas où ce serait un vote ethnique, on pourrait dire que la gourde de l’Ufdg, contenant les 40% des populations du Fouta (Moyenne Guinée), est pleine. Dans ces conditions où et comment l’Ufdg et son candidat, Cellou Dalein Diallo, iront-ils cherché le pourcentage complémentaire (soit 10 à 12 %) ?
Pour rallier les autres à la cause, il faudrait la démultiplier et la diversifier à travers des actions et un discours rassembleur. Qui soit convaincant et rassurant.
Alpha Condé et le Rpg : innover pour rassembler – Le parti du professeur Alpha Condé a également survécu à travers diverses turbulences internes notamment. Mais la ressemblance s’arrête là sur le plan politique. Dans les faits le Rpg, à l’exception des boycotts plus ou moins consensuels de l’opposition, a toujours directement participé aux échéances nationales. Son leadeur, le Pr Alpha Condé, alors candidat aux élections présidentielles de 1998 fut arrêté sous l’accusation « d’atteinte à la sécurité nationale ». Malgré le jugement et la condamnation (2000), l’acte a été jugé arbitraire et non fondé aussi bien sur le plan national que sur le plan international. À cause des pressions exercées sur le Général Lansana Conté, il ne purge pas la peine de 5 ans de prison infligée et est libéré par la grâce présidentielle en mai 2001. L’intermède lui donne une dimension internationale. L’impact s’est-il ressenti sur son électorat ?
RÉALITÉ : En 1993, Alpha Condé obtient, aux élections présidentielles 19,55% de voix. Selon les faits, il devrait aller au second tour contre le Général Lansana Conté. Mais la victoire est attribuée au Général Lansana Conté suite à l’annulation de certains votes en faveur du candidat du Rpg. Aux législatives de 1995, son parti dispose de 19 sièges de députés sur les 112 alors que le parti au pouvoir (Pup), détenait 71.
En 1998, l’année à laquelle il fut arrêté, le leadeur du Rpg ne détient que 16,6% aux élections présidentielles. Le parti ne participe pas aux législatives de 2002 et aux présidentielles de 2003. Ces premières élections ont toujours été contestées par les leadeurs de l’opposition guinéenne qui dénonçaient les truquages électoraux. Cela pourrait expliquer pourquoi le Rpg n’a jamais engrangé les 30 % que représente la population de la Haute Guinée. Mais il a fallu compter aussi avec la déperdition occasionnée par le parti Dyama de Mansour Kaba et le parti du Pr. Lanciné Kaba en Haute Guinée. Le professeur Alpha Condé a, également, été confronté à divers courants dont les réactions au sein de son parti contre le boycott politique à partir de 2002. L’inertie politique des dernières années (2002-2006) semble avoir empesé la formation politique jusqu’aux évènements du 22 décembre 2007. Ces évènements ont entrainé au sein du Rpg des conflits dont l’impact a pu se ressentir sur les élections. Par exemple, le départ de Mme Fatou Bangoura, numéro 2 du parti a dû faire une ponction aussi faible soit-il.
On peut considérer que les nouveaux éléments intervenus suite à l’intermède militaire ont eu les mêmes effets sur le Rpg autant que les autres partis politiques traditionnels dont l’Ufdg.
HYPOTHÈSES - Dans l’hypothèse d’un vote ethnique, le suffrage obtenu (20, 67%) par le Rpg, le 27 juin 2010 ne reflète pas totalement les 30% de la population de la Haute Guinée. Cela s’explique - selon la logique du vote ethnique - par la venue sur la scène politique d’autres fils de la région tel que l’ancien Premier ministre, Lansana Kouyaté, qui s’est adjugé (7,75 %) des suffrages dans le fief mais aussi dans la région de la capitale nationale. Alors qu’il était Premier ministre du gouvernement d’union nationale sous le Général Lansana Conté, ce dernier en a profité pour se cultiver un terrain politique en finançant, jusqu’à son limogeage en 2008, des mouvements de soutien politique.
En 2010 – Conséquence de la tentative du capitaine Moussa Dadis, alors président du Cndd, d’être candidat aux élections présidentielles - de nouveaux mouvements politiques se sont développés en Guinée forestière où la présence du Rpg était bien établie L’apparition sur la scène politique d’une multitude de partis politiques dont le nombre atteint 120, n’arrange pas le Rpg. L’ethnostratégie gagne du terrain. L’arrivée de nouveaux leadeurs issus du terroir tel que Papa Koly Kourouma (4,83 aux élections du 27 juin 2010) et Jean Marc Telliano (1,92 %) y perturbe les données. Plus de 5 à 6 % des votes sont perdus pour le Rpg sur les 15 % que représentent les populations de la région.
Mais les résultats obtenus par les deux candidats ne sont pas très loin des résultats traditionnels de l’Upg de Jean Marie Doré, qui Premier ministre du gouvernement de la transition, ne pouvait plus être éligible. Mais ils reflètent la diversité linguistique et ethnique interne de la région. Qui a donc bénéficié des 10 – 9 % restant ? En utilisant comme paramètres les réceptions et les résultats, on pourrait citer tous les leadeurs renommés tel que Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré, Fall François ou Lansana Kouyaté, etc. Ce qui apparait, c’est une érosion de l’électorat du Rpg en Guinée forestière où le Pup n’était plus un concurrent à craindre.
Les 20 % de la Basse Guinée se répartissent de manière similaire à celle de la Guinée forestière dans la mesure où il y existe une diversité linguistique et ethnique. Le Ngr d’Abbé 3,37% en a certainement acquis une part. Une performance à reconnaitre dans les conditions de sa participation. Dans la région, l’Ufr de Sidya Touré, avec l’affaissement du Pup, est honorée de 15 % des 20 % de populations que représente cette zone géolinguistique en Guinée. Il n’y a pas de doute que le candidat du Pup, Aboubacar Somparé y a puisé son 1,04%. S’y ajoutent des leadeurs du terroir sous la barre du 1%. Dans une telle perspective le conflit qui oppose l’Ufr au Rpg à propos des votes doit remonter un peu plus loin jusqu’au bourrage des urnes.
En attendant et en tenant Compte de l’éparpillement des 60% de vote, le Pr. Alpha Condé devra pour le second tour, négocier, faire des concessions, intégrer des projets de société et accepter un large partage du pouvoir. Il lui faudra d’abord rassembler les déperditions de vote et convaincre avec un discours d’intégration des autres comme dans le cas de Cellou Dalein Diallo avec l’Ufdg.
Dans l’alternative ethnopolitique et ethnostratégique, les colmatages pourraient être difficiles et ne se faire que par représentations des nouveaux leadeurs. Dans une situation pareille, la perte de l’électorat signifie une désaffiliation politique découlant de la lassitude face aux attentes insatisfaites des militants des années durant.
CAS DE FIGURE : Dans ce safari de jeu politique ethnostratégique qui traverse la Guinée, les coalitions pourront être au détriment d’une ethnie ou de l’autre, en termes d’expression ethnique des suffrages. Il en résulterait une amertume à partir d’une impression de rejet qui provient en réalité de l’attitude ethnique.
Il est aussi possible que l’on aboutisse à un jeu d’équilibre régionaliste (deux à deux au niveau des quatre régions géolinguistiques.) Ce phénomène se rapprocherait beaucoup plus de la réunification nationale. C’est le scénario le plus porteur dans la situation actuelle de la Guinée.
Dans une alternative où les résultats ne sont pas teintés d’ethnocentrisme, les deux candidats n’auront qu’à récupérer les votes perturbateurs donnant lieu à un pouvoir en place contrôlé par une opposition forte.
Pour revenir à la situation de transparence, il serait judicieux de tirer les leçons du premier tour pour juguler les irrégularités irréfutables par une solution légale incontestable par tous. Les mesures qui suivront devront faire en sorte d’éviter les fraudes et les truquages électoraux
Pour ce faire, sur cette dernière marche vers la légalité constitutionnelle, la neutralité du Général Sékouba Konaté doit dépasser ses affinités, ses intérêts personnels et ses penchants. Il faut savoir sacrifier jusqu’au bout pour son peuple « qui est la chaine et l’homme le maillon… » Que cela soit écrit et accompli.
Par O. Tity Faye
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