Guinée: haro sur les charlatans qui prétendent vaincre Ebola
- Par Administrateur ANG
- Le 30/10/2014 à 13:38
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La fièvre hémorragique virale à Ebola continue ses ravages en Guinée, n’épargnant personne, encore moins, ces charlatans, marabouts et guérisseurs qui prétendent pourtant pouvoir éradiquer la maladie grâce à leurs sciences. En effet, beaucoup d'entre-eux sont décédés en tentant de soigner des malades ayant fui les structures sanitaires pour aller leur confier leur sort.
Des témoignages assurent qu’en dépit de toutes les campagnes de sensibilisation, des patients, souffrant de la fièvre Ebola, se soustraient des centres de traitement pour aller consulter 'ces criminels' qui précipitent la mort des incrédules qui croient encore à leurs sciences, sous-tendues par des pouvoirs magiques ou divins, comme ils aiment à le dire à ceux qui les consultent
Récemment, Dr. Sakoba Kéïta, chef de la cellule de coordination de la riposte contre Ebola n’a pas caché son amertume, voire son indignation, après avoir regardé droit dans les yeux des guérisseurs qui ont osé lui suggérer comme 'mode de traitement efficace de la fièvre Ebola la consommation par les malades, matin et soir, de leurs propres urines'.
Ulcéré, voire dépité, le Monsieur Ebola, l’homme le plus médiatisé actuellement en Guinée, assure que: 'seule une collaboration franche et sérieuse est envisageable entre les guérisseurs et la cellule de coordination'.
'Nous ne doutons pas de la médecine traditionnelle, mais il faut qu’on se rappelle que des guérisseurs ont été infectés par des patients qu’ils tentaient de soigner et ils sont morts d’Ebola', dit le patron de la cellule de coordination contre Ebola, dont les locaux sont également assaillis par des dirigeants d’Organisations non-gouvernementales (ONG) qui sollicitent des aides allant de 1,7 à 22 milliards de francs guinéens pour aller faire de la sensibilisation.
Visiblement énervé, le Secrétaire général de la Ligue islamique, El Hadj Abdoulaye Diassi, a averti que: 'tout imam qui dira aux fidèles que Ebola n’est pas vraie sera purement et simplement radié'.
Cette mise en garde se fait dans un contexte où certains continuent à affirmer que le pouvoir, ne voulant pas organiser les élections, a inventé la présence de l’épidémie, alors que d’autres assurent que c’est un moyen de chercher de l’argent au Nord.
Des charlatans et des guérisseurs profitent de cette cacophonie et ont pignon sur rue à Conakry et dans des villes de l’intérieur où la psychose de la maladie continue de faire des vagues au sein d’une frange importante de la population qui ne sait plus à quel saint se vouer, exceptés ces hommes qui font croire qu’ils ont des remèdes à toutes les maladies.
Récemment, un joueur de cauris, qui faisait croire à sa clientèle qu’il pouvait soigner Ebola, a été interpellé et présenté à la télévision nationale.
Selon Dr. Augustin Koundiano, en service dans l’un des plus grands hôpitaux du pays, l’incrédulité et l’obscurantisme ont fini de convaincre certains qui croient davantage que seules les potions magiques des marabouts, des charlatans et des guérisseurs traditionnels peuvent être une panacée contre l’épidémie qui ne cesse d’endeuiller des familles, dont certaines ont perdu plusieurs membres.
Ces médecins d’une autre ère ont élu domicile sur des places publiques, habituellement occupées dès les premières heures de la matinée par des jeunes footballeurs qui n’aspirent qu’à devenir un jour des professionnels du ballon rond.
Privé de son terrain de football depuis plus d’un mois, Ansoumane Sankon, 15 ans, qui s’adonnait ici tous les jours à son sport favori avant l’ouverture des classes, retardée à cause de l’épidémie, assure que 'ces menteurs et escrocs' empêchent ses camarades et lui de poursuivre leur tournoi de football qui avait bien débuté sur le terrain de 'San Siro', du nom du célèbre stade de Milan, en Italie.
Occupant une grande partie de 'San Siro', sous le regard courroucé du jeune Ansoumane et habillé comme un 'dozo' ou chasseur traditionnel, un bandeau rouge enturbanné, supplantant son bonnet de couleur ocre, orné d’amulettes et de morceaux de miroir, un homme d’une quarantaine d’années, assurant venir de la Haute-Guinée (Est), vante les mérites de ses décoctions, des racines diverses et autres plantes sauvages, 'efficaces dans le traitement de toutes les maladies'.
Son slogan: 'Ka fô, ka kè', ou 'Je dis, je le fais'. Dans sa tentative de convaincre l’assistance, il dit: 'c’est terre à terre' pour ses produits, dont les prix oscillent entre 15.000 et 200.000 francs guinéens, soit la moitié du Salaire minimum inter professionnel garanti (SMIG).
Il affirme disposer sur place des produits, dérivés de plantes, venant de lointains villages du Mandé (milieu mandingue), qui soignent les maladies virales. Mais, il ne desserre pas les dents pour affirmer qu’il détient dans sa collection, qui jonche le sol, un ou des produits qui soignent la fièvre Ebola.
Ces guérisseurs, marabouts et charlatans recrutent leurs clients chez ceux à qui il avait été demnandé de refuser l’usage de l’eau chlorée qui est faite pour les exterminer.
La désinformation et l’intoxication ont incité le gouvernement à déployer plusieurs ministres à l’intérieur du pays pour aller dire aux populations, notamment les plus sceptiques, de respecter les mesures de prévention et d’hygiène.
Originaire de la région méridionale, à environ 1.000 km de la capitale, le médecin-colonel Rémy Lama, ministre de la Santé, est allé se faire asperger publiquement à l’eau chorée devant ses compatriotes qui, en grand nombre, ont fait la même chose, avant de présenter leurs excuses aux émissaires du gouvernement, leur affirmant qu’ils ont été trompés.
Ceux qui n’accordent aucun crédit aux contes et légendes de ces criminels ont installé à l’entrée de leur domicile des seaux d’eau chlorée pour se laver les mains avant de franchir le seuil du portail. Et ils assurent que l’activisme des guérisseurs annonce la chronique d’une mort programmée pour tous les incrédules.
'Les traditions ont la vie dure en Afrique', souligne le Dr. Koundiano qui estime que le danger existe avec ces produits, dont aucune dose n’est précise dans le traitement d’une maladie.
La cellule de coordination de la riposte affiche l’espoir de venir à bout de la maladie, surtout si les populations acceptent d’adhérer aux consignes données. Plus de 596 personnes, soit un taux de 40,5 pc des malades, ont été déclarés guéris, selon les dernières statistiques, publiées le week-end dernier.
L’imam-Ratib de la grande Mosquée Fayçal de Conakry, El Hadj Mamadou Saliou Camara et le chef de l’Eglise catholique, Mgr Vincent Coulibaly, exhortent davantage les fidèles musulmans et chrétiens à se retourner vers Dieu qui, selon eux, a infligé une punition à cause des nombreux péchés.
Des bacs à eau chlorée sont installés actuellement à l’entrée de tous les lieux de culte de la capitale où les fidèles respectent scrupuleusement les mesures d’hygiène et de prévention avant de franchir le seuil des lieux de prières.
Les guérisseurs pour leur part consultent sans gants, ni blouse médicale. Ils ne se préoccupent pas que le non-respect de ces précautions les conduit à la morgue, comme ce fut le cas d’une trentaine d’agents de santé et de médecins soignants qui ont été négligents.
Le gouvernement, dans le souci de protéger la vie des agents du corps médical, dont les retraités appelés en renfort, a passé des commandes de près de 5.000.000 de paires de gants à usage unique et des blouses jetables.
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