Guinée : des prisonniers politiques appellent au dialogue
- Par Administrateur ANG
- Le 09/06/2021 à 12:11
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Le 2 juin, trois prisonniers politiques publiaient une tribune prônant le dialogue, en vue d’une sortie de crise (politique et sociale) en Guinée, où le président Alpha Condé exerce depuis octobre dernier son troisième mandat consécutif.
On connaît la chanson : réélection, protestations, exactions. Mais cette fois-ci, elle provient des cellules. Celles de la Guinée où, en octobre 2020, le président Alpha Condé a été reconduit pour un troisième mandat. Cette réélection fait suite au vote d’une nouvelle Constitution, qui avait déjà vu des centaines de personnes descendre dans les rues.
Ces mêmes personnes qui protestent aujourd’hui contre l’arrestation – « arbitraire » selon les défenseurs des droits humains – de centaines de manifestants, parmi eux des représentants de l’opposition et des dizaines de mineurs, qui subissent la répression politique d’un régime à bout de souffle.
Une tribune qui fait du bruit
Dans cet environnement de tensions, mardi 2 juin, trois prisonniers politiques ont fait publier une tribune afin de prôner le dialogue en vue d’une sortie de crise. Le président de la Ligue pour les droits et la démocratie en Afrique (LIDDA), Mamady Kaba, a estimé à cette occasion que le texte devait envoyer un message clair à la direction nationale de l’UFDG (l’Union des forces démocratiques de Guinée), quant à la nécessité d’un échange construit.
Les trois prisonniers politiques, « disent à la Guinée que malgré les souffrances, ils souhaitent que le dialogue puisse être la solution finale à tout ce qui se passe. Ils n’ont aucune haine, ni rancœur contre qui que ce soit, ils veulent que la Guinée gagne. Et que la Guinée sorte de cette situation de ‘‘ni paix, ni guerre’’. C’est vraiment un pas important dans la bonne direction », conclut le président de la LIDDA.
Mobilisation de la communauté internationale
La communauté internationale, de son côté, tente de se mobiliser pour faire entendre raison au gouvernement d’Alpha Condé. Le 29 avril dernier marquait les sept mois de « détention arbitraire » d’Oumar Sylla, coordinateur national adjoint de Tournons la page Guinée et responsable au sein du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), arrêté, comme beaucoup d’autres, alors qu’il protestait contre le projet de troisième mandat du chef de l’État.
« Que le militant Oumar Sylla, comme de nombreux autres détenus arbitrairement, soit toujours en prison simplement pour avoir exercé ses droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, prouve la volonté manifeste du pouvoir guinéen de continuer à museler toute voix dissidente même après l’élection présidentielle. Ils devraient tous être libérés immédiatement et sans condition », s’étaient exprimées à cette occasion plusieurs organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International.
Côté gouvernemental, la parole est plus timide, mais elle existe. Le 27 janvier dernier, la France est par exemple montée au créneau par la voix de son ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. Ce dernier a appelé la Guinée à « faire toute la lumière » sur le cas des opposants emprisonnés dans le pays. Surtout, Paris évoque – sans les détailler – des « mesures » qu’elle pourrait prendre de concert avec l’Union européenne en cas de poursuite de la répression politique.
Plusieurs mois après, pourtant, et malgré les relances des organisations humanitaires, le tandem reste frileux et ne hausse toujours pas le ton face à Conakry. Ce qui ne doit pas empêcher de constater une certaine libération de la parole autour de la Guinée, note par exemple le député français La France Insoumise Jean-Luc Mélenchon : « La défense de la Constitution contre l’arbitraire du président a fédéré toutes les colères, estime-t-il. Du coup, la Guinée a rejoint la liste des pays du monde où le peuple est entré en révolution citoyenne ».
Pourtant, rien n’est moins sûr que la France puisse faire pression sur la Guinée. Si le pays souffle le chaud et le froid et tarde à agir, c’est en partie en raison des intérêts qu’il possède en Guinée. Les deux Etats ont par exemple signé des accords militaires bilatéraux que l’Hexagone cherche à faire perdurer pour contrer l’influence d’autres pays (Russie, Arabie Saoudite…) dans la région. Une chasse gardée qui fait tache, et représente bien peu d’intérêt quand on sait que, depuis 2019, environ 250 personnes ont perdu la vie en Guinée pour avoir manifesté contre le pouvoir.
Source: La Revue Internationale
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