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Guinée: comment sortir de l’impasse ?

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La Guinée sortira-t-elle un jour de l’ornière sociopolitique dans laquelle elle se trouve depuis belle lurette ? En tout cas le processus électoral qui était censé contribuer à apaiser la tension sociale et renouer le fil du dialogue entre l’opposition et le pouvoir guinéens est en train de se muer en une crise post-électorale, qui laisse présager des lendemains plutôt orageux pour la paix en Guinée.

Après avoir contesté les premiers résultats rendus publics par la CENI (Commission électorale nationale indépendante), les principaux leaders de l’opposition sont passés à la vitesse supérieure, en demandant désormais l’annulation pure et simple de l’ensemble des élections pour raison de « fraudes et irrégularités massives ». Des irrégularités qu’ils auraient constatées "avant, pendant, et après les élections." Il faut reconnaître que la nonchalance et la lenteur qui caractérisent le dépouillement des résultats ont contribué à installer et à accentuer le climat de méfiance et de suspicion entre les différents camps.

De fait, aujourd’hui la question qui se pose est de savoir si la CENI est incompétente ou si derrière cette apathie, il y a une réelle volonté de fraude et de traficotage des résultats. Même le Mali qui venait de sortir d’une guerre n’avait pas mis autant de temps à organiser avec succès le scrutin présidentiel qui était autrement plus compliqué. L’absence de culture démocratique en Guinée, ne peut à elle seule, expliquer ce marasme électoral.

Les oppositions africaines, on le sait, excellent dans cette tradition de contestation des résultats électoraux. Trouver en Afrique un pays où les résultats des élections, qu’elles soient législatives ou présidentielles, ne font pas l’objet de contestation, relève plutôt de l’exploit. En général, c’est toujours sous la pression de la communauté internationale et au prix de marchandages parfois scandaleux, que le perdant finit par accepter sa défaite. Ce sont donc les bailleurs de fonds qui sauvent ainsi la paix.

Il y a comme un air de vengeance et de revanche que les uns et les autres dissimulent dans une réthorique d’engagement politique en faveur de la Guinée Cette fois-ci, la plainte de l’opposition est d’autant fondée qu’elle est partagée par les représentants de la communauté internationale, chargés du suivi des législatives en Guinée.

Ces représentants, composés de la France, des Etats-unis, de l’Union européenne, des Nations unies et de la CEDEAO, dénoncent en effet de graves manquements ainsi que des irrégularités, « qui empêchent la prise en compte d’un nombre significatif de suffrages exprimés, pouvant ainsi remettre en cause la sincérité de certains résultats. »

A ce jour, on peut dire que l’optimisme suscité au sein de la population et de la communauté internationale au moment des votes s’est désormais évanoui. Que reste t-il de l’espoir d’une vie paisible que les Guinéens ont exprimé à travers leur déplacement massif aux urnes ?

Le président Alpha Condé répète à qui veut encore l’entendre que seule la Cour suprême est habilitée à trancher les conflits électoraux. Mais l’opposition, forte du " soutien " des représentants de la communauté internationale, ne veut plus entendre parler de cette cour à laquelle elle n’accorde aucun crédit. Comment dans ces conditions, sortir la Guinée de l’impasse ? Question certes cruelle, mais combien déterminante ; déterminante, d’abord parce que tout porte à croire qu’au-delà de la question politique, il y a un problème de personne qui oppose les trois leaders de l’opposition et le chef de l’Etat actuel. Il convient donc de crever d’abord ces rancœurs avant d’imaginer tout dialogue constructif. Il y a comme un air de vengeance et de revanche que les uns et les autres dissimulent dans une réthorique d’engagement politique en faveur de la Guinée. Ce bras de fer impitoyable exprime en réalité le malaise d’une opposition rattrapée par son passé. Tous les trois leaders de l’opposition sont des anciens Premiers ministres de Lansana Conté. Tous trois sont donc comptables de la situation économique désastreuse de la Guinée d’aujourd’hui. Ont-ils honte de laisser Alpha réussir là où eux ont échoué ? On peut bien le penser, puisque tous ont affirmé être prêts à lui « pourrir la vie tout au long de son mandat ».

Pauvre Guinée ! Qui te sauvera de tes fils qui te martyrisent à force d’amour pour toi ?

Si tel est le cas, il ne serait pas exagéré de dire que ce n’est pas demain que la Guinée sortira de l’impasse. Mais à supposer qu’on accorde le bénéfice du doute aux trois opposants, il reste que tous trois, en tant qu’anciens compagnons politiques de Lansana Conté, ont fermé les yeux sur les crimes politiques de la dictature féroce de ce dernier. Alors, Alpha Condé, qui a subi la rigueur impitoyable de leurs geôles, refuse-t-il de leur pardonner ? On peut bien le penser. Pauvre Guinée ! Qui te sauvera de tes fils qui te martyrisent à force d’amour pour toi ?

Il faut que sereinement, les acteurs de la scène politique guinéenne acceptent de faire table rase du passé et s’asseyent autour de la table de négociation, plutôt de réconciliation. Après cela, si les membres de l’opposition sont effectivement des démocrates, comme ils se réclament, ils devront arrêter de recourir à la rue et accepter les décisions de la Cour suprême, quelles qu’elles soient. C’est à ce prix, et sans doute seulement à ce prix, que la Guinée commencera à voir le bout du tunnel.   

Dieudonné MAKIENI

Source: Le Pays

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