En Guinée, vacciner les familles atteintes par la fièvre de l’or
- Par Administrateur ANG
- Le 11/08/2016 à 07:31
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Sur la route de Siguiri, une file de voitures roule au pas sous le cagnard de l’après-midi. Les fronts dégouttent et la fatigue tire à l’excès. Les chauffeurs guinéens, qui ont d’habitude le klaxon facile, ne bronchent pas quand le bouchon s’allonge. Ils savent que dans cette zone minière au nord du pays, il faut s’accommoder du balai régulier des tombereaux. Cinq monstres mécaniques de 250 tonnes pour six mètres de haut avancent à 15 km/h en convoi spécial. Rien ne sert de s’énerver. Ici, les entreprises minières ont la priorité, sur la route comme sur les gens.
Car à Siguiri, l’or fait la loi. De toutes les provinces de Guinée et même du Mali voisin, des familles entières se ruent pour creuser la terre avec l’espoir d’en sortir une pépite luisante, promesse de meilleurs lendemains. Mais quand la population joue des coudes pour une place au soleil, les grandes sociétés minières leur font de l’ombre.
En novembre 2015, à Kintinian, 36 km de Siguiri, le gouvernement, aidé de l’armée, a chassé la population d’un village séculaire situé sur une zone aurifère dont la concession avait été délivrée à la société sud-africaine Anglogold Ashanti. La présidence guinéenne a justifié l’intervention en accusant les habitants d’« exploitation illégale de grande envergure » et de causer « la dégradation de l’environnement et la dilapidation des ressources minières du pays ». Le communiqué se terminait par la nécessité de « respecter les engagements de l’Etat vis-à-vis des investisseurs étrangers ».
Notre 4x4 s’arrête aux abords de l’une de ces mines de Kintinian, publiques et illégales. Nous sommes en avril et l’Unicef a lancé une campagne de vaccination contre la poliomyélite. « En 2016, six cas ont été détectés à Siguiri et un à Kintinian », dénombre Konate Alama, médecin chef du centre de santé local qui coordonne les équipes. La Guinée est l’un des derniers pays avec le Nigeria, le Pakistan et l’Afghanistan où subsistent des souches virales. C’est le quatrième et dernier jour de la campagne, qui se déroule surtout dans les carrières. « C’est là que l’on trouve les familles la journée, explique Konate. A Kintinian, tout le monde travaille à la mine ».
Devant celle de Gbekeno, des centaines de motos s’entassent sous les arbres. Des « mopettes » asiatiques dont les orpailleurs protègent les chromes de la poussière corrosive par du papier bulle. Dans cette forêt qui mêle le métal au végétal, les Tomboloma trônent sur des nattes en plastique. Ces sages dont le nom signifie « celui qui se tient en accord avec la loi », sont les gardiens des mines publiques à ciel ouvert.
L’Unicef et la Croix-Rouge ont obtenu leur soutien pour que tous les enfants soient vaccinés. Car les Tomboloma sont respectés de la communauté. Ils peuvent interdire l’entrée à une mère qui refuserait le traitement à son enfant. Une aubaine pour les trois équipes qui se baladent avec leurs glacières de vaccins. Seuls, jamais les neuf vaccinateurs ne pourraient couvrir une telle zone ni les centaines d’allées et venues des familles, à trois ou quatre sur leur mopette.
A Gbekeno, la tradition minière dure depuis un siècle au moins, lorsqu’un pionnier a planté sa pioche dans la glaise ocre. Aujourd’hui, ils sont des centaines à creuser des puits sous les arbres avec ce même outil, la daba, que l’on fabrique et vend sur place aux nouveaux arrivants atteints de la fièvre aurifère. Une fièvre qui a poussé jusqu’aux flancs d’un collège voisin dont la direction a dû faire construire des murs d’enceinte de 2m50 pour éviter que les chercheurs ne retournent la terre dans la cour où jouent les élèves.
La cloche retentit, il est 15h, la journée est terminée. Les élèves en uniformes beiges sortent. Komi et Diakaria observent, impressionnés, les mineurs aux muscles saillants, la pioche ou la pelle sur l’épaule. L’école, ils ont hâte d’y mettre un terme. Les deux garçons rêvent de faire comme les adultes : trouver de l’or. Leurs yeux brillent comme des pépites. Certitude d’acier, mais rire enfantin. A quelques mètres, un groupe de lycéennes pouffe et se chamaillent. Missiriba, sourire charmeur, a dépassé l’illusion. La mine ne la fait pas fantasmer. Elle veut étudier à l’université. « De toute façon l’or s’épuise ici, alors que le savoir dure toute la vie. »
Par Matteo Maillard
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