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En Guinée, la vaccination doit aussi être l'affaire des hommes

Saidou h1Le 21 juin, le Premier ministre guinéen Bernard Goumou a lancé les activités de vaccination intensifiée (AVI) à Maférenya, une sous-préfecture près de Conakry. L'objectif est d'augmenter la couverture vaccinale de 47% à 67% d'ici fin 2023. Malgré les efforts du gouvernement et de partenaires comme Gavi pour vacciner les enfants non vaccinés, le manque d'implication des hommes reste un véritable problème à surmonter.

En Guinée, la vaccination des enfants reste principalement une responsabilité des femmes. Dans les centres de vaccination, il est rare de voir des hommes accompagner leurs enfants ou leurs épouses. Pourtant, les maris ont un rôle important à jouer pour assurer une couverture vaccinale complète des bébés. Au Centre de santé d'Ansoumania, situé dans la préfecture de Dubréka, dans le Grand Conakry, les enfants de zéro à neuf mois sont reçus chaque lundi et jeudi pour leur vaccination. Cependant, lors d’une visite matinale le 21 août 2023, parmi les personnes présentes pour faire vacciner leurs nourrissons, à peine quatre hommes étaient visibles parmi les accompagnateurs dans la salle d'attente.

Le Dr. Keita Aboubacar, médecin-chef du Centre de santé d’Ansoumania, explique : « Rarement les hommes viennent accompagner leurs femmes pour la vaccination. Aujourd’hui par exemple nous sommes lundi, un jour d’affluence. Les quelques rares hommes qui accompagnent leurs femmes à la vaccination, sont généralement des nouveaux mariés. Il se trouve que leurs femmes sont des novices dans le suivi vaccinal de l’enfant ».

Le Dr. Keita souligne que cette situation est enracinée dans la culture. « La plupart du temps, quand on leur demande d’accompagner les enfants à l’hôpital, ils disent que c’est l'affaire des femmes. Eux, ce qui les intéresse, c’est de donner la dépense quotidienne et payer le loyer. Pour la maladie de l’enfant, c’est aux femmes de s’en occuper dans les centres hospitaliers ».

Le Dr. Albert Camara, coordinateur national adjoint du Programme Elargi de Vaccination (PEV), déplore également le manque d'implication des hommes et explique que « très souvent les hommes ne connaissent même pas le contenu du calendrier vaccinal de leurs enfants. C’est la femme qui accompagne l’enfant même si l’enfant est malade. Le taux des hommes qui suivent la santé de leurs enfants est vraiment minime ».

« On peut sensibiliser les hommes dans les quartiers, mais aussi dans les mosquées après la prière puisque c'est là-bas que la plupart des hommes réticents se rencontrent. On les informe de l'importance de la vaccination et ses bienfaits pour la santé. »

Pourtant, les hommes doivent aussi assumer leur responsabilité en envoyant leurs enfants se faire vacciner, soutient Saidou Diallo, couturier. Présent avec son épouse lors de la séance de vaccination au Centre de santé, il déclare : « Je dois prendre mes responsabilités et emmener mes enfants à l’hôpital pour les vacciner. C’est pourquoi je suis là. Mon enfant a six mois, mais elle n’a toujours pas reçu son premier vaccin ».

Une jeune maman, Oumou Diallo, venue vacciner son enfant de neuf mois contre la fièvre jaune, affirme : « on ne voit pas assez d'hommes, mais moi quand même j’ai l’habitude de venir avec mon mari. Normalement, si l’enfant est malade, les parents doivent s’entraider pour s’occuper de lui, parce que les enfants ont besoin de leur papa ainsi que de leur maman. Mais en général, ici les maris n’accompagnent pas leurs femmes à l’hôpital. Regardez par vous-même ici vous n’allez pas trouver plus de trois hommes. Chez nous ici en Guinée, c’est comme ça ! », déplore-t-elle.

« Tenir le bébé, ce n’est pas facile. Il faut venir en aide à sa femme. Il faut l’accompagner puisque la charge revient aux deux conjoints de soutenir les enfants. J’invite les hommes à faire comme moi en accompagnant leurs femmes à la vaccination », conseille Diallo Ibrahim venu, lui aussi, vacciner son bébé âgé d’une semaine au Centre de santé d’Ansoumania.

L’implication des hommes améliore le taux de vaccination

Selon le Dr. Keita Aboubacar, l’implication des maris et des grands-parents peut aider à améliorer la vaccination en Guinée. « Dans le cadre de la campagne de vaccination de masse, quand on dépêche nos équipes sur le terrain, la plupart des femmes refusent de les faire vacciner. Elles prétendent qu’en l’absence de leur mari, elles ne peuvent pas décider. On ne sait pas de quel vaccin il s’agit, disent-elles, même s’il se trouve que l’information est passée à la mosquée, au niveau des quartiers à travers les chefs de quartiers, les chefs de secteurs et les responsables religieux », déplore le Dr. Keita. C’est pourquoi l’implication des hommes s’avère décisive pour l’amélioration de la couverture vaccinale des enfants, argumente-t-il.

De son côté, le Dr. Konaté Lamine, gynécologue-obstétricien, appelle également à la sensibilisation des maris sur l’importance de la vaccination. « On peut le faire dans les quartiers, mais aussi dans les mosquées après la prière puisque c'est là-bas que la plupart des hommes réticents se rencontrent. On les informe de l'importance de la vaccination et ses bienfaits pour la santé ».

« Mais si vous ne vaccinez pas votre enfant, il est tout le temps malade. Il faut aussi qu'on sensibilise les femmes chaque fois qu'elles viennent pour leur consultation prénatale pour leur dire de vacciner leur enfant après la naissance. Elles doivent dire à leurs maris que les enfants ont droit à la vaccination », suggère-t-il.

Briser les fausses idées reçues

En Guinée, malgré les efforts des autorités, certaines personnes refusent systématiquement d'envoyer leurs enfants se faire vacciner, soutenant que les vaccins ne sont pas bons et qu’ils rendraient les femmes infertiles. Mais d’où viennent ces fausses idées reçues ?

Le Dr. Mohamed Campbell Camara, sociologue, ancien chef du Département de sociologie à l'université Général Lansana Conté de Sonfonia, explique que cette réticence face à la vaccination découle en partie des représentations sociales ancrées dans la société. De plus, l'histoire de la vaccination en Guinée est liée à la médecine occidentale introduite à l'époque coloniale. La méfiance envers la vaccination a été renforcée par des expériences passées, comme des campagnes forcées de vaccination menées par les colons.

Pour remédier à cette situation, le Dr. Mohamed Campbell Camara recommande de rétablir la confiance entre la médecine moderne et la société guinéenne par le biais de campagnes de sensibilisation à long terme. Il suggère également que la médecine guinéenne s'ouvre davantage aux sciences sociales et que les spécialités médicales collaborent pour construire une relation de confiance avec la population. Une communication de proximité et la participation accrue des hommes sont également essentielles pour surmonter les obstacles à la vaccination.

Par Alpha Abdoullaye Diallo

Source: www.gavi.org

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