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Elections législatives en Guinée : le RPG a l’air piégé !

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J’aurais bien voulu attendre la proclamation officielle des résultats du scrutin du 28 septembre 2013 avant de donner mon point de vue sur cette mascarade. Il est vrai qu’en vertu de l'article 164 du Code électoral, « le président de la CENI proclame les résultats provisoires dans un délai maximum de 72 heures ».

Mais comme on se conduit sans code en Guinée, tout le monde attend fébrilement le moment où AC va dévoiler le nombre de ses députés à l’Assemblée « Nationale ». Pour l’instant chaque camp crie victoire. Une habitude bien répandue, pas seulement en Guinée.

Je ne m’étends pas sur les conditions inacceptables dans lesquelles les législatives ont été organisées : maintien de l’opérateur sud-africain Waymark (incompétent techniquement et surtout partial moralement), CENI qui n’a jamais mérité le « I » qu’elle comporte, fichier faussé dès le départ (on y a supprimé considérablement de vrais électeurs dans les fiefs dits de l’opposition et on y a ajouté massivement des électeurs fictifs pour favoriser le pouvoir), etc.

Entre AC (Alpha Condé), ses BV (bureaux de vote) et les PV (procès-verbaux) il n’est pas facile de voir clair ! Pour l’instant, je me contente d’un constat s’articulant autour de 5 points :

1°) AC a été désavoué

Légalement, AC est le Président de la République puisqu’il avait été proclamé vainqueur en 2010 par la Cour Suprême. Le problème, c’est qu’on ne peut même pas dire qu’il a perdu toute légitimité car il n’en a jamais eue. On a vu des leaders portés au pouvoir dans des conditions discutables mais qui ont acquis, au cours de leur mandat, une reconnaissance et un respect de la part de leurs concitoyens. Ce n’est pas le cas d’AC, présent en Guinée mais distant des Guinéens.

Ce président du pays et du RPG, dispose de l’administration, des finances, des forces de défense et de sécurité et des médias d’Etat. S’il n’a pas, avec tous ses atouts, un score de type soviétique, c’est qu’il est tout à fait rejeté par la grande majorité des Guinéens.

2°) l’opérateur Waymark s’est montré techniquement incompétent

Que n’a-t-on pas dit sur les qualités supposées de cet opérateur ! Il vient de prouver son incapacité à sortir les résultats voulus par le pouvoir pour lequel il travaille. Aurait-il avalé des données trop indigestes ? Ses kits seraient-ils des kystes ? Il y a manifestement tromperie sur la marchandise et AC devrait dire : «  remboursez ! ».

3°) la CENI est désorientée

Cette institution, inféodée à AC, avait pour objectif, non pas d’organiser des élections libres et transparentes mais de faire gagner le RPG. C’est un échec qui coûtera cher à son président Bakary car le dictateur Condé n’a pas la réputation de faire de cadeau à ceux qui le trahissent, même involontairement. La CENI a beau tourner et retourner la situation dans tous les sens, elle n’a que le tournis car elle ne peut plus « tricher en rond ». Elle s’est discréditée  au point de se réduire à un simple Comité Electoraliste Nuisible et Indigne.

4°) l’opération « Manden Djallon » a échoué

Ce concept empoisonnant a été fabriqué de toutes pièces par le “Klan Condé” en vue de diviser le Fouta-Djallon en mini Bantoustans, d’y semer la panique pour régler ce qu’il appelle le « problème Peul ». La mayonnaise, ou plutôt le soumbara, n’a pas pris ! Les « roundés » (villages ancestraux) ont infligé à AC un bon coup dès le premier round car ils ont vite compris qu’on leur vendait du « Manden Djanfa ».

5°) l’opposition ne peut se prévaloir d’une victoire

Ce point n’est pas en contradiction avec le premier. En réalité, ce n’est parce que le pouvoir a été désavoué que l’opposition a nécessairement gagné. L’arithmétique politique est beaucoup plus subtile.

L’opposition semble avoir limité les dégâts. C’était son objectif secret et il l’a atteint. Elle est largement majoritaire dans le pays mais elle n’a jamais su rentabiliser ses atouts. Lorsque l’unité n’est que de façade elle ne tient pas longtemps car chacun ne pense qu’à ses intérêts personnels.

-Elhadj Fodé Soumah, dépité de ne pouvoir être député, a déjà pris ses distances en projetant quelques postillons sur le visage de ses camarades d’hier.

-Lansana Kouyaté, incapable de marquer son territoire et lésé dans son propre fief de Haute Guinée par un pique-assiette insatiable qui ne tolère aucun autre caïman dans son marigot, aura bien du mal à se caser dans la nouvelle configuration politique.

-Sydia Touré, hier capitaine sans troupes, vient de renaître, non pas de ses cendres mais de l’effacement négocié de ses associés et serait en passe d’être l’interlocuteur privilégié d’AC dans le dialogue pouvoir/opposition.

-Cellou Dalein Diallo n’a pas su maximiser tout le potentiel de l’Ufdg qui pourrait ainsi n’être que le groupe majoritaire d’une coalition minoritaire. Tout dépendra du résultat de Matoto. Maigre consolation ! L’opposition étant devenue nettement bipolaire avec la renaissance de Sydia (ce qui n’est pas non souhaitable), le Pr AC, spécialiste de la zizanie, va bien lui donner des devoirs pénibles pour l’occuper à la maison. Lorsque des dirigeants se rencontrent pour discuter, ils ne se regardent pas les orteils mais dans les yeux. Face à AC, il ne faut jamais baisser la tête.

Dans ces conditions, que devrait faire l’opposition ?

D’abord, être cohérente avec elle-même. Comment peut-elle dire qu’elle est victorieuse et demander en même temps l’annulation pure et simple du scrutin ? Si elle rejette le scrutin, pourquoi suit-elle à la loupe le décompte de certains bureaux de vote ?

Ensuite, utiliser tous les atouts dont elle dispose en se battant avant tout sur le terrain du droit. Je suis étonné de constater la mollesse de l’opposition sur ce plan. AC viole en permanence la Constitution guinéenne mais l’opposition ne prend aucune des armes disponibles pour le combattre. Les Droits de l’homme sont bafoués à longueur de journée mais l’opposition se complait dans sa léthargie alors que la Guinée et la CEDEAO sont « juridiquement surarmées ».

Enfin, que l’opposition arrête de faire des cadeaux à AC qui ne dispose même plus de place pour les stocker. Chaque fois qu’AC est en difficulté, c’est l’opposition qui l’aide à s’en sortir. Il était au bout du rouleau avec Waymark mais l’opposition a capitulé à la dernière minute, au grand soulagement de la « Communauté Internationale » qui aurait dû trouver un autre opérateur à imposer aux deux parties puisque c’est elle qui finance les élections.

Nos opposants semblent souffrir de cécité en matière de tactique et de stratégie. A la faveur de leur mollesse, AC a bien géré son agenda. Il sait très bien qu’il n’a pas été élu démocratiquement mais il termine cyniquement un mandat indu car il a réussi à focaliser l’attention de l’opposition sur des législatives qui n’impactent que modérément un régime de type présidentiel. Nos opposants ont peut-être des montres en or mais AC sait mieux lire l’heure. Il pense déjà à l’élection présidentielle de 2015 qu’il compte gagner dès le premier tour alors que nos chers opposants dissertent sur des alliances hypothétiques d’un second tour !

Quand nos opposants comprendront-ils qu’AC n’organisera jamais des élections transparentes ? Si, pour les législatives, il a été désavoué, il conserve encore toutes ses capacités de nuisance. A force de magouilles, le RPG s’est lui-même piégé. Mais ce n’est pas parce que le coq qui constitue son emblème apparait momentanément comme un oiseau exhibitionniste à la crête saignante et au plumage rare qu’il faut vite l’enterrer. Avec le loup Condé, il ne faut jamais jouer au mouton, surtout le jour de la Tabaski.

Je vous salue.

Ibrahima Kylé Diallo

Responsable du site www.guineeweb.net

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