Election en Guinée : La diaspora n'est-elle pas responsable en partie de son exclusion ?
- Par Administrateur ANG
- Le 28/02/2010 à 21:24
- 0 commentaire
Ce titre est provocateur ! Il m’attirera, peut-être, la foudre de certains de ceux qui s’érigent en défenseurs des droits des Guinéens, dits de la Diaspora. Et, que j’appartienne à cette frange de la population, marginalisée et martyrisée par des décennies de pratiques politiciennes scabreuses, ne dira certes rien à certains. Pourtant du fond de cet univers désocialisée ou nous (de la Diaspora) avons été virtuellement embastillés par nos dirigeants, nous sommes nombreux à être en proie à toute sorte d’humeurs, à être constamment saisis d’une envie pressante de changer le cours des choses dans notre pays, sans jamais y parvenir.
Et il arrive que ces sentiments naturels provoquent en nous, des réflexes de combats politiques plus ou moins incontrôlés, souvent maladroits et parfois grossiers. Parmi eux, il faut citer les réflexes émotionnels de juger ou condamner hâtivement, sans comprendre, d’extérioriser ses souffrances internes de la pire des manières, de dire, au mépris de la rectitude politique et morale, des choses peu fondées, souvent lourdes d’implications pour la cohésion nationale. Et, dans cette société, où tant de frustrations se sont muées en haine et en rancœur, il convient de maitriser ses émotions et de taire ses passions et sa vanité dans ses discours. Mieux, dans cette société où l’indigence et l’injustice dépravent et déshumanisent continuellement des hommes et des femmes pourtant parmi les plus courtois, les plus généreux et les plus hospitaliers du continent, il est judicieux de faire des jugements bien analysés, rationnellement pesés sinon moralistes et conciliateurs. Malheureusement, les jugements que nous portons sur les phénomènes qui jalonnent notre vie, s’accommodent souvent de dérives émotionnelles en devenant ainsi trop accusatoires sinon truffés d’irrationnel. Car faut-il reconnaître que sous l’émotion, il est facile d’accuser mais difficile d’admettre son tort.
Et justement, dans l’exclusion diasporique qui fait couler beaucoup d’encre en ce moment, force est de reconnaître que la diaspora a aussi son tort. Seule une certaine probité morale peut nous conduire à en prendre conscience. C’est à partir de cette prise de conscience que nous parviendrons intelligemment à reconquérir notre droit confisqué. Et la volonté de re-posséder ce droit devrait d’abord exiger de nous, de nous remettre en cause, avant d’esquisser toute démarche reposant plus sur la rigueur rationnelle que la vigueur émotionnelle.
Dans –« Guinée : Attente de lendemain qui ... ? », le professeur A. Doré ébauche cette question, avec toute la rigueur intellectuelle et morale qu’on lui connaît, promettant de revenir là-dessus, à une date ultérieure. En attendant la sortie prochaine, très attendue d’A. Doré sur ce qui ne cesse de défrayer la chronique (sans que les critiques ne soient toutes objectives), qu’il me soit permis de faire ma petite lecture de la situation.
Tout d’abord, il sied de relever que la responsabilité de l’ostracisme envers les Guinéens de l’extérieur, repose en premier, et de manière prépondérante, sur les autorités du pays. Ensuite, comme je l’ai indiqué plus haut, il faut admettre que la diaspora n’y est pas sans blâmes.
Nous savons que c’était devenu une tradition pour la haute hiérarchie politique d’afficher de l’hostilité vis-à-vis de l’intérêt des Guinéens de l’Etranger pour la vie politique de leur Nation. Ainsi ont-ils été, tour à tour, qualifiés tout au long de l’histoire de leurs pays, d’ennemis du peuple, d’apatrides, d’étrangers qui ne connaissent plus leur pays natal. Et les dirigeants accusateurs se livrent à cette sale besogne pour une raison bien connue - s’assurer qu’ils sont libres de brader tous les fleurons de l’économie nationale, de s’en mettre plein les poches et de mettre leurs familles respectives à l’abri du besoin, avant de prendre la poudre d’escampette, en cas de pépins. Cette stratégie est commune à toutes les républiques bananières où les dirigeants se comportent comme ces roitelets médiévaux, qui abusaient de leurs droits et privilèges seigneuriaux.
En Guinée, les bandits en cols blancs ont été encore plus coriaces en contraignant la diaspora à bourlinguer hors du pays, sans répit, en prenant soin que de nombreuses familles ne manquent pas de vivres, pendant qu’eux, ils s’enrichissaient sur le dos du peuple sans se soucier de son bien-être. Car ils savaient que même rejetée et méprisée, cette diaspora ne se lassera pas de soutenir ces milliers de familles, qu’eux ont trahies et affamées, en infestant le système politique de corruption et de scandales économiques. Ainsi donc, maintenir la diaspora hors du pays, par tous les moyens, était à leur avantage d’autant que celle-ci veillera implicitement à ce que la famine ne s’y installe pas, sur fond de pauvreté rampante. Car, ils savaient encore que « ventre affamé n’ayant pas d’oreille », une famine risquait fort de favoriser une désobéissance civile et de précipiter leur départ de la sphère administrative, mettant ainsi fin aux opérations de vols institutionnalisées.
JMD, la nouvelle recrue de la primature, ne semble pas vouloir rompre avec la tradition. Ce qui est étonnant, vu qu’il a été lui-même un « Diaspo » qui a largement eu le temps de réaliser qu’à l’étranger, essaiment des compétences guinéennes qui peuvent aussi très bien apporter leurs pierres précieuses à l’édifice national. Il exclut la diaspora de son gouvernement, prétextant le même refrain que nombreux de ses prédécesseurs. Un archaïsme qui démontre que ce vétéran de l’opposition, reconverti en Premier Ministre, est si déconnecté de l’univers qu’il ignore, que la révolution informationnelle a déjà officialisé la globalisation, faisant de notre monde, un village où tout le monde sait ce qui se passe partout. Mais comme si cela ne suffisait pas, il fallait aussi priver la diaspora de son droit de vote. Ce, bien qu’elle constitue (selon des estimations non officielles), le tiers de la population guinéenne – environ 4 millions de personnes. Je conviens que cette décision est maladroite, malheureuse et devrait être révoquée. Mais elle n’est pas tout à fait illogique.
Car au-delà du mépris des différents gouvernements guinéens envers la diaspora, il faut avoir le courage et l’honnêteté de reconnaître que dernièrement, le gouvernement a déployé des efforts en direction du recensement des Guinéens de l’Extérieur. Mais très peu (moins de 5% peut-être) ont accepté de s’acquitter de ce devoir dans nos ambassades respectives. On ne peut pourtant être électeur et éligible que si l’on figure sur la liste des électeurs, laquelle est produite a partir d’un recensement général. Cela va de soi. Le cas du Royaume Uni, qui est loin d’être isolé, suffit pour illustrer le fait. Le personnel de l’ambassade a, dans ce pays et à plusieurs occasions, exhorté les guinéens à venir se faire enregistrer. Mais c’est un appel qui restera généralement ignoré, si bien que le nombre des personnes recensées serait largement négligeable et n’influencerait pas le scrutin électoral. On peut imaginer que ce constat est extrapolable à d’autres pays étrangers. Les causes de la réticence de la communauté sont multiples et souvent fondées, mais pas toujours liées à nos missions consulaires et diplomatiques. Ce n’est pas le lieu de les évoquer. Et à cet égard, le moins qu’on puisse dire, c’est que la diaspora est aussi fautive dans ce qui lui arrive. Car si elle s’était fait recenser comme cela se devait, il n’aurait sûrement pas été question de la déposséder de son droit de vote. Mais qu’à cela ne tienne, ce faible taux de recensement ne peut être raison valable pour exclure carrément la diaspora du processus électoral.
Ajouter un commentaire