Echanges entre la Bretagne et l'Afrique sur l'Agro-Ecologie
- Par Administrateur ANG
- Le 26/03/2018 à 08:06
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Aïssata Yattara, ce n’est pas n’importe qui ! Ingénieure des eaux et forêts, en Guinée-Conakry, elle est coordinatrice régionale du conseil national des organisations paysannes de Guinée-Conakry (CNOP-G), et point focal de la coalition pour la Protection du Patrimoine Génétique Africain (COPAGEN), implantée aussi dans huit autres pays (Guinée-Bissau, Mali, Burkina Faso, Bénin, Côte d’Ivoire, Togo, Niger et Sénégal). Elle était à Quimper pour une conférence.
Aïssata Yattara est chargée de l’information, de l’animation et de la sensibilisation autour de plusieurs thématiques : la promotion de l’agro-écologie, la lutte contre l’accaparement des terres, la lutte contre les OGM (Organismes Génétiquement Modifiés), la promotion des semences paysannes, et l’appui et l’accompagnement des organisations professionnelles agricoles sur les aspects institutionnels, techniques et économiques. C’est pour tout cela qu’elle vient de passer une semaine dans le Finistère à l’invitation du CCFD-Terre Solidaire, ONG qui a pour principe de ne pas intervenir sur le terrain mais d’aider ceux qui y œuvrent pour plus de justice et d’humanité.
Jeudi 22 mars, après Morlaix et Brest, elle était à Quimper pour donner une conférence. Sans aller trop loin dans les chiffres, la Guinée Conakry c’est 246 000km² (un peu moins de la moitié de la France), 13 millions d’habitants. Les habitants sont très majoritairement musulmans (plus de 80 %) et chrétiens (un peu plus de 10 %). Mais pas de tensions religieuses, et non ingérence – « heureusement » dit Aïssata – de Boko Haram ou autres extrémistes !
On peut mieux comprendre l’importance de personnes comme Aïssata si l’on sait que la majorité des Guinéens travaillent dans le secteur agricole qui emploie plus de 75 % de la population active. L’aliment n°1 en Guinée, c’est le riz. Mais le pays n’est autosuffisant qu’à 30 %, il doit importer le reste. Alors que des compagnies étrangères (chinoises et autres) cultivent du riz sur le territoire guinéen… riz qu’elles exportent ! Ubuesque.
Au titre du CNOP-G, Aïssata coordonne l’ensemble des activités des producteurs, et particulièrement les femmes productrices de légumes, riz et fruits en Guinée Maritime. Elle collabore également au projet SARA (Sécurité Alimentaire, Résilience et Agro-écologie en Guinée), soutenu, entre autres, par le CCFD-Terre Solidaire. Ce projet avait été mis en place, à la suite de l’épidémie Ebola, qui a frappé le pays en 2014-2015 et qui a eu des impacts désastreux, politiques, économiques et sociaux de grande ampleur. Ce projet s’exerce, en particulier, pour le renforcement de la sécurité alimentaire dans les zones enclavées du Nord de la Guinée.
Au titre de la COPAGEN, Aïssata travaille à la promotion de l’agro-écologie auprès des groupements de femmes agricultrices en Guinée Maritime, sur les techniques de fabrication et d’utilisation de compostage (engrais naturels), sur la promotion des semences paysannes (traditionnelles) et de la production bio.
Elle sensibilise et informe pour lutter contre l’accaparement des terres et contre les OGM. Par ailleurs, elle participe à l’étude de l’impact négatif de la culture du Jatropha (plante à huile, en vue de la production d’agro-carburant), qui va à l’encontre de l’utilisation des terres par des cultures vivrières pour la sécurité alimentaire.
Elle a bien insisté pendant la conférence sur le fait de faire comprendre aux Guinéens, et disons surtout aux Guinéennes (ce sont surtout elles qui travaillent la terre), qu’utiliser des engrais naturels c’était bien mieux que d’utiliser des pesticides. Long travail de persuasion.
La tâche d’Aïssata ne concerne pas que l’agriculture. Le pays a de très grandes ressources minières (or, diamant, fer, uranium,etc, et 1/3 des réserves mondiales de bauxite) et il est nécessaire de lutter contre l’accaparement des terres par des compagnies minières. Et elle a raconté comment une compagnie américaine avait réussi à acheter 800 ha de terres avec la complicité d’autorités locales sans que la population en soit avertie. Aïssata est allée dans les villages expliquer ce qui était en train de se tramer, et les villageois ont réussi à s’opposer au contrat !
Enfin, une des difficultés dont nous a parlé l’ingénieure des Eaux et forêts, est précisément le problème de l’eau : en Guinée, sauf sur la partie côtière, il n’y a que 2 saisons, la saison des pluies et la saison sèche. Et c’est là qu’il y a un souci qui est un problème de gestion : il est difficile de cultiver pendant la saison sèche, ce serait possible si on arrivait à faire des réserves pendant la saison des pluies, mais ce n’est pas le cas.
Si Aïssata est venue pour nous faire partager son vécu, elle était là aussi pour se documenter sur ce qui se fait ici, et en particulier, le jour de la conférence de Quimper, elle a été reçue aux jardins de la Coudraie. Créée en mai 2012 à l’initiative d’acteurs locaux, l’association Les Maraîchers de le Coudraie a le statut d’atelier et chantier d’insertion.
Affiliée au réseau des jardins de cocagne et labellisée « agriculture biologique », la structure accueille seize personnes en contrat à durée déterminée d’insertion, pour des contrats pouvant aller de 6 mois à un an. Ces salarié(e)s sont soutenus par une équipe de professionnels (chargés d’insertion professionnel, encadrants techniques, comptables et direction). Ce sont des personnes qui sortent parfois d’une période d’addiction, qui ont besoin de mettre ou de remettre le pied dans le marché du travail, d’apprendre à être présent au travail le matin, qui ont besoin de se reconstruire. Les contrats sont signés sur la base de 26 h/semaine. Un des critères est aussi d’agir pour la mixité sociale, la mixité hommes/femmes, la mixité générationnelle (avec des salariés de 18 à 60 ans).
La structure est installée sur le site des anciens haras de la Coudraie qui est mis à la disposition de l’association par la Ville de Quimper, qui en est propriétaire. Le site fait 6 ha dont 3 sont cultivés, et il y a 3000 m² de serres. C’est une exploitation maraîchère bio où l’on cultives 35 espèces de légumes. Ils ont vendus au public sous forme de paniers bios aux adhérents, chaque adhérent s’engageant à prendre un par semaine sur un minimum de 45/an.
Aïssata Yattara a été très intéressée par ce type de structure alliant le bio et l’insertion, et a de son côté exposé à l’équipe de salariés ce qui se fait en Guinée.
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