Echanges e-épistolaires de patriotes, d'interêt national

Toujours dans le souci d 'éclairer nos compatriotes beaucoup plus jeunes et la proportion non négligeable des mal-informés ou volontairement trompés par la honte de l'échec du PDG, je mets - avec l'autorisation de l'auteur- à votre disposition cet échange
très instructif entre deux personnalités Guinéennes qui ont lutté et luttent encore pour que justice soit rendue aux victimes de la première république et surtout pour la réconciliation nationale sans haine dans un nouvel esprit de fraternité et de pardon; néanmoins sans oubli ou négation des faits historiques.

Puisse chacun apprécier et juger de la pertinence et de l'opportunité du message!
Voilà les deux textes ci-dessous:

-I/ Objet : lettre à Nadine Bari pour son film.

Chère Nadine.

J’ai vu ce jour le film : « hier encore, je t’espérais toujours. » L'ambassadeur André Lewin, présent dans la salle, a expliqué votre coopération qui a débouché sur une résolution de l’ONU obligeant les Etats au devoir d’informer les familles des 100.000 disparus, pour des raisons politiques, recensées dans le monde et les aider dans leurs deuils [gras, NDLR]. Cette décision internationale immortalise ton combat et rend justice à toutes les victimes de la barbarie et de la lâcheté des dictateurs, à travers ton mari, Barry Abdoulaye, que notre génération appelait « Danois.»
Je te félicite d’avoir réalisé ce film. Il constitue un démenti historique cinglant du discours mensonger et haineux du chef du PDG et son comportement politique, faux, dissimulé et changeant. Ce témoignage poignant, relatant, au contraire, sans haine, ni aucun sentiment de vengeance, ternit à jamais l’image de grand homme que ses griots, de naissance et de circonstances, lui ont façonnée. Il montre par contre l’amour très fort d’une épouse pour son mari inoffensif qui ne méritait en rien le sort qui lui a été imposé ainsi qu’à tous ses compagnons d’infortune. Il réduit à néant la détermination de Sékou Touré et de ses inconditionnels de vouloir effacer jusqu’à l’existence des personnes qu’ils ont brisées dans les cabines techniques et leurs contemporains restés en exil durant la dictature du PDG. Lorsque tu expliques l’obligation faite aux épouses des détenus de se remarier, imposé par le pouvoir, tu as employé le verbe « effacer » leur passage sur terre [gras, NDLR]. Je confirme la justesse de ce mot par l’anecdote suivante : en mai 2007, avec Cissé Campel, président de la Coordination des associations guinéennes de France, nous avons accueilli, reçu et accompagné à Paris la délégation syndicale guinéenne invitée par la CGT pour la célébration du 1er mai. Dans la délégation se trouvait la secrétaire générale du syndicat des travailleurs de l’Energie électrique de Guinée, Mme Touré Marie.
Lorsque je lui ai demandé si elle connaît ou a entendu parler de Fofana Almamy Bala, elle me répond NON ! Lorsque je lui dis que cet homme est un camarade d’école, du collège à l’université, premier ingénieur d’électricité guinéen, diplômé de l’Ecole Polytechnique de Lausanne et directeur général adjoint de l’Energie de Guinée, le 22/11/1970, elle me répond n’avoir jamais entendu de lui. Là, j’ai compris que, non seulement Sékou est un menteur hors pair et un traître depuis sa naissance, mais un négationniste de toute personne qui ne lui voue pas une allégeance inconditionnelle.
Son génie politique, servi par sa diarrhée verbale intarissable, lui a permis de se maintenir au pouvoir à vie au prix d’une hécatombe humaine de 50.000 personnes qui lui portaient ombrage. Tu as écrit une page ineffaçable de notre histoire contemporaine.
Donne-moi les adresses où on peut se procurer le film pour le diffuser dans nos réunions.


-II/ Le sens de notre démarche de Réconciliation des Guinéens.

Madame Nadine Bari m’a posé, avec pertinence, la question suivante : pourquoi créer une structure de Réconciliation alors qu’il y a des cadres existants comme COPAGUI ? Cette interpellation me donne l’occasion d’expliquer le sens de notre projet. Cette question permet de préciser notre démarche par cette mise au point.

1-. Depuis 25 ans que Sékou Touré est mort, je n’ai pas connaissance de l’existence d’un projet pour réconcilier les Guinéens. En 1998, avec Bah Thierno Abasse, ancien détenu au camp Boiro, j’ai participé à des concertations en Guinée, à la Fondation Diallo Telli, sur le thème. Nous avons écrit un dossier complet et proposé un calendrier de mise en oeuvre d’un dialogue de réconciliation. Notre démarche n’ayant suscité aucun écho dans l’opinion, nous l’avons mis dans un tiroir. Cette proposition reposait sur la célébration du quarantième anniversaire de notre indépendance.
2-. Le fiasco du cinquantième anniversaire de l’indépendance ne nous a pas permis de saisir cette opportunité plus favorable car elle comportait un recul historique plus pertinent. Dans les deux cas, le but de notre démarche est de lutter contre l’embargo qui plombe tout regard sur le parcours de la Guinée de 1958 à nos jours. Nous sommes quelques uns à penser que le redressement de la gestion du pays est consubstantiel de la reconnaissance des crimes d’Etat commis depuis 1958. Cette reconnaissance nécessite la réhabilitation des valeurs éthiques, morales et sociales qui ont permis la libération de la Guinée et qui ont été profondément détruites par les présidences à vie.
3-. Notre démarche cherche à repérer les hommes d’Etat guinéens enfouis dans notre société, au-dedans et au dehors, dispersés, ne se connaissant pas et exclus de toute concertations nationales, prêts à servir le pays en dehors de toute allégeance ethnique et partisane.
4-. Pour réaliser ce projet, nous avons proposé un organigramme du Comité de Pilotage qui fait appel aux compétences plutôt qu’aux inconditionnels, aux expériences sur le terrain plutôt qu’au beaux parleurs de l’école du PDG. Nous faisons appel aux services de tous ceux qui se sont affranchis d’une allégeance quelle soit pour rédiger les réformes nécessaires pour gérer le pays au profit de tous ses habitants pour les cinquante prochaines années. Voilà le livre blanc que nous voulons rédiger pour le mettre à la disposition du Peuple de Guinée à travers les dirigeants qui sortiront d’une transition pacifique admise par tous les habitants.
5-. Notre démarche ambitionne deux objectifs :
A* -. Réunir toutes les compétences volontaires pour qu’elles se connaissent et apprennent à travailler ensemble pour servir les habitants dans le cadre d’un Etat normal et protecteur.
B*-. Compter sur nous-mêmes et nous déconnecter de toute allégeance ethnique et partisane pour privilégier l’intérêt général.
6-. En prêchant la Réconciliation, nous voulons exorciser la peur, la méfiance, les frustrations des victimes et le cynisme des agents des répressions, incrustées dans la société guinéenne pendant cinquante ans par les présidences à vie.
Nous avons observé que les héritiers des victimes en chair et en os des répressions incarnaient les valeurs qui soudaient les Guinéens et qui ont été profondément détruites et ensevelies avec les disparus des cabines techniques. Nous sommes donc aux côtés de ceux qui ont gardé leur dignité envers et contre toutes les pressions et tous les malheurs qu’ils ont supportés.
7-. La faisabilité de notre projet est subordonnée à quelques conditions préalables. Il est nécessaire d’établir un partenariat entre notre Comité de Pilotage et l’Association des Victimes du camp Boiro et l’OGDH pour définir des objectifs communs et une répartition des tâches et des actions. De ce point de vue il reste un travail important de communication et de circulation des informations à mettre en place pour travailler efficacement ensemble. Pour le moment le travail se fait en dents de scie sans coordination ni évaluation commune.
8-. Nous demandons à chaque citoyen favorable au dialogue d’apporter ce qu’il peut donner sans effort et sans hésitation pour favoriser le dialogue. Pour cela nous souhaitons que les victimes en chair et en os rédigent les témoignages de leurs vécus depuis le jour de l’arrestation de leurs proches jusqu’aujourd’hui. Ces rapports serviront à rédiger le livre noir de la décolonisation de la Guinée. Nous demandons aux agents de répressions qui veulent participer à la rédaction de l’histoire partagée de notre pays d’écrire les bienfaits qu’ils ont obtenus depuis 1958. Nous demandons aux cadres de participer à la rédaction du livre blanc des réformes nécessaires pour construire un Etat normal.
9-. Nous demandons à tout membre du Comité de Pilotage une adhésion de 10 €, 10 £, 10 $, 10.000 FG, 10.000 Fcfa payable une seule fois. Cette contribution modique et symbolique traduit son appartenance à la démarche. Nous garantissons la totale dépolitisation de ce projet qui sera clôt dès la fin du dialogue [gras et souligné, NDLR]. Nous parlerons des personnes qui ne seront pas là pour se défendre. Nous avertissons aussi les citoyens que nous voulons réhabiliter un esprit de bénévolat et de désintéressement car la Réconciliation ne sera perceptible, avec des fruits agréables pour tous, que dans 12 à 24 mois, selon la capacité de tolérance et de persévérance des membres. Elle réhabilite aussi la réflexion avant l’action et l’évaluation des résultats de toute action décidée et exécutée, disparue chez nous.
10-. L’orientation de ce projet, qui pourrait paraître utopique à tous ceux qui continuent de croire à l’enseignement de la révolution, est à notre portée à la condition de rétablir certains repères intellectuels et sociaux privilégiant l’union, l’entente, l’entraide et la solidarité que nos parents entretenaient depuis des décennies.
11-. Nous voulons conduire ce projet parallèlement aux actions engagées dans le cadre de la transition pour la déconnecter de tout en enjeu politique et de toute allégeance ethnique et partisane. C’est la meilleure voie pour sortir de la confusion entretenue par les profiteurs de la mal gouvernance.
12-. Nous restons à l’écoute de l’AVCB et de l’OGDH pour nous indiquer leur vision de la Réconciliation et mettre au point avec ces deux organisations les modalités pour coordonner nos actions communes. Merci de votre écoute.

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