Donner une terre africaine aux Haïtiens?
- Par Administrateur ANG
- Le 01/02/2010 à 07:32
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Apparemment l’UA va examiner la suggestion de Wade, plutôt saugrenue, de donner une terre pour les Haïtiens ou tout au moins les accueillir sur le Continent africain (ceux qui le souhaitent). La première réflexion qui vient à l’esprit est de questionner sa pertinence et sa faisabilité.
Pour sa pertinence, commençons par rappeler que :
· Haïti a acquis son indépendance en 1804 en se battant jusqu’à bouter les Français dehors et non par un accord politique -pour l’époque, c’était un exploit extraordinaire vu le rapport de force militaire ;
· C’est le premier Etat ‘’noir’’ du Monde.
Quel pays africain peut se targuer ou incarner un tel symbole pour l’Homme noir ? Même l’Ethiopie ! Certes, la suite est moins glorieuse mais plein d’enseignement pour nous en Afrique: Haïti a échoué simplement du fait de ses propres dirigeants qui ont presque tous asservi les Haïtiens pour assouvir leurs fantasmes et mégalomanie. Le machiavélisme de ses politiciens a réussi l’exploit de diviser une population ‘’ethniquement’’ homogène en factions claniques avec leurs milices respectives. Cette stratégie diabolique a conduit ce pays avec deux siècles d’indépendance à la gabegie et à la deshumanisation de ses forces de l’ordre/milices, comme les Tontons Macoutes. L’indépendance ne vaut que par ce que l’on en fait ! Ayant ces faits historiques à l’esprit, l’Afrique peut-elle demander ou proposer aux Haïtiens d’abandonner leur terre et celle de leurs ancêtres pour s’expatrier vers un continent où les maux vont de la mauvaise gouvernance aux maladies ? Les Africains eux-mêmes risquent leur vie tous les jours pour fuir vers l’Occident et l’Asie : on émigre pour une vie meilleure et non pour -ou plutôt, tenter de- corriger son histoire ! Israël est un cas particulier où le bien-être de la population était garanti a priori par l’effort de la diaspora ce qui lui a permis d’envisager son projet et d’exister ainsi que de survivre. Mais à quel prix et dans quelles conditions aussi ? Il existe déjà des liens et des échanges très avancés en termes de navette de haïtiens entre leur pays et le Bénin par exemple depuis quelques années déjà. Mais nous ne pensons pas que l’engouement ait été au delà du simple pèlerinage historique pour les raisons évoquées plus haut. En plus, Haïti est encore un territoire viable qui n’attend que d’être gouverné dans les normes et que le développement soit initié. Le Sénégal refuse l’indépendance à la Casamance, le Maroc aux Sahraouis, etc. Alors qui d’autre va accepter de leur céder un bout de son territoire ou les intégrer dans sa population avec des thèses comme ‘’l’Ivoirité’’ et autres politiques d’exclusion?
Pour la faisabilité, sur quelles bases morales et légales l’UA peut elle imposer des refugiés supplémentaires à des populations réticentes et déjà dépendantes de l’aide extérieure? Le transfert de population a un coût : qui va payer leur voyage et les frais d’installation ? Ce n’est pas la première fois que des leaders politiques avancent des idées très belles sur papier sachant aussi très bien que leurs propositions n’engageront que les naïfs qui leur donneront un quelconque crédit. L’UA parle d’accepter des Haïtiens alors que des pays comme la Côte d’Ivoire refusent de naturaliser des ressortissants des pays qui l’entourent qui y vivent depuis des décennies parfois même plus d’une génération ; et il est plus facile pour un Européen de rentrer au Gabon par exemple que tout autre Africain. Sans mentionner le plus grand mal de l’Afrique : ‘’l’ethnisation’’de la vie politique avec tous les risques d’implosion sociale qui en résulte ; presque tous les pays africains subsistent dans un équilibre ‘’ethnique’’ et/ou religieux instable à court ou moyen terme. Il semble clair donc que l’éventuelle venue de Haïtiens, certainement avec un complexe de supériorité sur les Africains pour diverses raisons, va aggraver cette situation déplorable : ce fut le cas au Liberia avec les esclaves affranchis revenus et qui s’estimaient les mieux placés pour diriger le pays (idem à une moindre mesure en Sierra Leone). Et surtout, Haïti a paradoxalement peu de choses en commun avec les Africains culturellement et mentalement parlant ; ce sont des Caribéens après tout, même si certains vestiges et coutumes d’origines africaines sont encore décelables dans leur mode de vie : nous commettons l’erreur de croire que notre similitude de pigmentation et notre origine commune transcendent nos différences contemporaines. D’où l’un des malentendus avec nos ‘’frères et sœurs’’ des Antilles françaises et anglaises, les Rastas Jamaïcains compris.
Pour finir, ce dont Haïti a besoin est de l’aide pour reconstruire le pays avec des normes sismiques –comme le Japon et d’autres- et non des idées pour tuer sa nation. Si les Africains (Wade et Jean Ping) sont sincères dans leur compassion, ils devraient plutôt mettre en place une structure permettant aux cadres africains chômeurs en Afrique et ailleurs d’aller mettre leur talent au service de la reconstruction du pays et l’UA paierait leur salaire; et offrir l’opportunité aux élèves et étudiants haïtiens de venir continuer leurs études dans des écoles et universités africaines au frais des Etats ou en négociant avec l’UNESCO. Voila l’assistance dont à besoin Haïti ! Lorsque Abdoulaye Wade et Jean Ping rajoutent « pour ceux qui le souhaitent », ils savent qu’ils ne font que du populisme car les Haïtiens depuis des décennies risquent leur vie pour aller- comme tout le monde- aux USA, au Canada et l’Europe. Nous n’avons jamais entendu parler de leur désir de s’installer en Afrique, ce que certains auraient pu faire lors de l’établissement du Liberia par exemple ; et la raison est simple encore une fois : on émigre pour améliorer son bien-être et avoir des perspectives d’avenir et non pour des raisons d’origine ancestrale ou pour tenter de réparer un tort historique. Certains Haïtiens doivent mourir de rires à écouter Wade et Jean Ping.
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