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CRISE EN GUINEE : EVITONS LA COMPOTE « BOURKINABLAISE »

 

La benne à ordures ayant encore débordé sur le web  je me résous à mettre une croix sur Mgr Vincent Coulibaly et de ne pas revenir sur les propos haineux signés d’un certain Ben D. Touré (éternellement en quête de statut d’homme de cour) et relayés par des sites qui, au nom d’une prétendue liberté d’expression, tendraient le micro même à des marcassins. Ignorent-ils que l’incitation aux conflits interethniques n’est pas une opinion mais un délit ? A force de toujours cracher dans la soupe on finit par vomir dans son plat.

Je me contenterai donc de ce qui se trame à Ouaga. La CEDEAO a désigné Blaise Compaoré comme facilitateur pour résoudre la crise guinéenne suite aux évènements sanglants du 28 septembre 2009. Sa mission n’est que de faciliter et non de négocier.

Que s’est-il passé ? Blaise a choisi la facilité, ce qui met les Forces Vives en difficulté. Ces dernières se seraient-elles rendues à Ouaga uniquement pour le gîte et le couvert ? Je ne connais pas les conditions de leur hébergement dans la capitale du Burkina mais la compote servie par Compaoré aux convives (les Forces Vives) n’a pas été du goût des populations guinéennes.

Restons simples. Ce qu’on attend d’un facilitateur, c’est de faciliter quelque chose en vue de permettre de négocier autre chose. Le facilitateur réunit les parties en conflit dans un endroit serein et sécurisé, les écoute en leur inspirant confiance, examine leurs déclarations respectives et en fait la synthèse permettant de jeter les bases de la négociation à venir. Une des qualités essentielles d’un facilitateur est sa neutralité et son intérêt est de créer les conditions propres au dialogue. Quant au négociateur, son talent réside dans sa capacité à défendre les intérêts de son camp, ce qui sous-entend un rapport de forces.

Le CNDD est arrivé à Ouaga avec non pas des propositions mais une position d’une raideur martiale et arrogante. L’Opposition (appelons ainsi les Forces Vives pour des raisons pratiques) s’y est précipitée avec des revendications. Blaise ne s’est pas fatigué ; il semble fatigué car il a confondu  la Guinée à la Côte d’Ivoire ! En effet, pourquoi parle-t-il de « Forces Patriotiques » ? Pourtant la lettre de mission de la CEDEAO (non recevabilité de la candidature de Dadis, création d’un nouvel organe de transition, organisation des élections, etc.).Le facilitateur Blaise a falsifié cette lettre en choisissant la position du CNDD comme base de discussion, ce qui ne facilite rien. A-t-il voulu tester l’opinion guinéenne et internationale ? En tout cas il sait maintenant à quoi s’en tenir ? Car c’est plus qu’une provocation de la Guinée ; c’est un affront à notre Etat, à la CEDEAO et à la Communauté Internationale. Compaoré ne savait-il pas que sa proposition est inacceptable ? Il a sous-estimé l’ampleur de la riposte.

Cependant, l’Opposition est naïve car elle renouvelle sa confiance à celui qui a déjà choisi son camp. L’assassin du Président Thomas Sankara ( officiellement « décédé de mort naturelle » !) mais aussi des ministres Jean-Baptiste Lingani et Henri Zongo (à ne pas confondre avec le journaliste Norbert dont le pouvoir cherche à étouffer les conditions de la disparition) se sent mieux avec un Dadis que n’importe quel civil démocratiquement élu. Qu’est-ce qu’il en a à foutre des centaines de tués, blessés et violées de Conakry ? Même le balourd Conté s’était méfié de Compaoré et de son comparse Kadhafi.

L’erreur de départ a été le choix du facilitateur. Compaoré est trop controversé car son nom est toujours cité à chaque évocation des conflits qui ont ensanglanté la sous région. La Côte d’Ivoire, le Libéria et la Sierra Léone n’ayant pas fini de digérer la compote « bourkinablaise », pourquoi voudrait-on que la Guinée en mange, même servie dans une assiette de 50 kg d’or ? La CEDEAO devrait dessaisir Compaoré du dossier guinéen ou l’obliger à respecter la lettre de mission car il a prouvé qu’il n’est pas un homme intègre mais un partisan de la désintégration ouest africaine, lui-même susceptible d’être un jour « gentiment » convoqué à La Haye pour partager une carcasse de pintade avec un certain Charles Taylor.

L’Opposition n’est pas que naïve ; elle est affaiblie parce qu’infiltrée et mal organisée. En effet, pour toute rencontre du genre de celle de Ouaga, il faut mettre un minimum de chances de son côté. Dans un article récent et d’une qualité exceptionnelle, M. Adama Laafa Sow, administrateur du site guineenet.org, a fait une analyse remarquable de ce qui se passe à Ouaga. Mais bon sang! pourquoi accepter comme base de négociation le document de l’ennemi (je ne dis pas adversaire) ? C’est se battre en terrain non conquis mais inconnu !

Maintenant aucune épée de Damoclès ne pèse sur Dadis. C’est plutôt l’épée de Dadis qui pèse sur la tête de l’Opposition contre laquelle jouent deux facteurs importants : l’espace et le temps. Ce n’est pas de la philo ! D’abord l’espace. Pourquoi aller à Ouaga  en choisissant ainsi naïvement un exil chez l’ennemi ? Est-ce dû au fait que les leaders blessés l’ont été à la tête ? J’ai encore l’image traumatisante de leurs pansements crâniens. Il ne fallait pas abandonner Conakry, lieu des crimes commis. En discutant dans la capitale guinéenne, l’Opposition aurait bénéficié de la pression de ses sympathisants. On est d’autant plus fort qu’on se bat sur le terrain qu’on connaît. Ensuite, le temps. C’est le paramètre déterminant. Paradoxalement, Dadis et Compaoré sont en train de gagner du temps en en perdant volontairement. Ils cherchent à user l’Opposition dont les leaders finiront, espèrent-ils, à se lasser pour tout lâcher. On attend que quelque chose se passe mais seul le temps passe.

Pour autant, tout est-il perdu ? Je réponds par non ! L’Opposition, bien que fragilisée, peut encore se ressaisir. Encore faut-il savoir de quelle Opposition on parle. Dans le magma de ce qu’on appelle les Forces Vives, il y a du tout et n’importe quoi. Ce qui fait la force du dialogue, ce n’est pas la quantité des participants mais leur qualité. Face à un CNDD « homogène » nous avons une Opposition composite au sein de laquelle Dadis a introduit une « cinquième colonne ». D’où une cacophonie certaine.

A Ouaga, il y a une confusion de rôles car l’Opposition y a mis tous ses œufs. Pourquoi les syndicalistes ne resteraient-ils pas à Conakry pour déclencher des grèves à répétition afin d’asphyxier financièrement la junte ? Je pense que seuls les quatre ou cinq principaux leaders de partis politiques devraient discuter pour le moment  avec Compaoré, en ne confondant jamais l’objectif et le préalable. Je pense qu’ils sont assez représentatifs de la très grande majorité des Guinéens et peuvent parler légitimement au nom du pays tout entier. Je crois personnellement qu’on pourrait avancer avec ces leaders, à condition d’exclure L. Kouyaté des débats car cet homme, bavard au point de ne plus avoir de salive pour cracher sur l’argent, reste trop lié à Kadhafi pour être honnête. Je ne sous estime pas les qualités de nos leaders mais je pense qu’ils seraient bien inspirés de faire appel à d’autres compétences de la diaspora, toutes étiquettes politiques confondues, pour les aider à déjouer des pièges.

L’Opposition doit réanimer la vie politique à Conakry par des meetings pour maintenir une pression. Je suis persuadé qu’après les tueries du 28 septembre, Dadis ne va pas pour l’instant faire tirer ses « hommes » sur des manifestants. Il convient donc d’occuper les rues et d’autres lieux stratégiques (entrée des ports de Conakry et de Kamsar, de la Banque Centrale, de l’aéroport, etc.) par des sympathisants afin de tarir les ressources de la junte. Sans la distribution quotidienne d’argent pour doper son gang, Dadis ne peut survivre. A tout instant, ce criminel paye en liquide sa propre sécurité.

En montrant à leurs militants et sympathisants qu’ils ne les abandonnent pas, les leaders de l’Opposition feront que l’on parle tous les jours de la Guinée car c’est le silence qui favorise la survie de toute dictature. Toutefois, ils ne doivent se fixer qu’un seul objectif pour le moment : le départ sans condition de la junte afin d’instaurer la démocratie. C’est après cela qu’il faudra déterminer qui sera le Président de ceci ou de cela. Remplacer simplement Dadis sans changer le système politique de la Guinée n’est pas résoudre le problème de ce pays mais le reculer pour encore mal sauter.

 Je vous salue.

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