Assemblement territorial en Guinée : nos députés seront-ils des figurants ou des figurines ?
- Par Administrateur ANG
- Le 18/12/2013 à 12:44
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En Guinée tout heurte le bon sens. Les législatives ont eu lieu mais les « élus » qui ont décidé de siéger ne sont pas encore assis. Quand on voit la fébrilité avec laquelle certains se sont engagés, sans garantie de liberté et de transparence (un saut dans ce qui n’est connu que de Condé !), dans les législatives tardives et bâclées on se demande pourquoi on tarde à les faire assoir.
S’il y a un domaine dans lequel les Guinéens excellent, c’est bien dans celui de l’esquive verbale : ils répondent à une question par une autre ou ils répondent à côté, comme le montre cet extrait d’échanges verbeux dans les transports en commun entre des compatriotes:
Question : l’opposition a finalement décidé de siéger, elle a bien raison ou elle n’a pas bien raison et si c’est ça pourquoi ?
Réponse : il faut reconnaitre que force est de constater que l’opposition, à travers des leaders, s’est toujours battue en demandant des élections libres et transparentes, et a déjà bien manifesté sa grande volonté de siéger pour permettre à notre cher pays de partir en avance.
Question : l’opposition souhaite siéger dans son ensemble ou une partie seulement de ses membres élus?
Réponse : Le Président de la République a bien raison d’inviter les députés de tous les bords de l’opposition, à siéger tous et rien n’empêchera maintenant d’installer l’ensemble de l’Assemblée Nationale, dans son intégrité (!?), pour permettre le développement socio-économique du pays retardé par les ennemis du changement. L’Assemblée Nationale, c’est fait par le peuple et pour le peuple et c’est pourquoi chaque patriote doit participer pour bouger le pays en avant.
Notons que dans cet échange que j’ai eu la douleur de subir, à chacune des deux questions (très mal formulées) on peut affecter indifféremment l’une ou l’autre réponse débile sans sortir des normes guinéennes.
Pour revenir à ce qui est normal, c’est-à-dire à ce qui est généralement bien admis ailleurs et donc conforme au bon sens, je pense que l’opposition siège pour une raison simple et unique : le besoin inextinguible des élus de siéger ! Nos élus sont pressés de s’assoir car la station debout est de plus en plus pénible pour des affamés qui veulent profiter de leur récompense de fidélité malgré l’incompétence de la majorité d’entre eux.
Au départ, le prétexte avancé par l’opposition était le maintien de son unité car certains micro partis avaient déjà annoncé franchement leur volonté de siéger : une franchise « low cost », il est vrai ! Maintenant, la raison invoqué est la suivante (j’ai volontairement réduit la phraséologie insipide par des points de suspension plus comestibles) :
« - le souci de maintenir la cohésion sociale en vue de contribuer à la mise en place d’un environnement socio-politique plus stable….;
- La possibilité pour les députés de l’opposition d’empêcher l’adoption inappropriée de lois…;
- L’aptitude de l’opposition à initier des lois permettant de contenir les dérives du pouvoir…;
- L’implication obligatoire de l’opposition, en raison de l’absence de majorité qualifiée de la mouvance présidentielle,…».
Pour l’instant l’opposition avale toutes les couleuvres fournies par Alpha Condé. En siégeant, cette opposition pourra-telle survivre au régime de vipères qu’on lui destine?
Voici ce que devraient donner les votes par acclamations dans le système ethno-robotisé par AC : tout projet de loi (texte soumis par le gouvernement, donc avec l’accord d’AC) sera automatiquement une loi ; toute proposition de loi (texte soumis par des députés) ne sera une loi que si elle émane des députés d’AC. Une proposition de loi émanant de l’opposition n’a de chance d’aboutir que si elle ne va pas à l’encontre des intérêts d’AC. On voit clairement qui est l’accompagnateur et qui est l’accompagné !
Je reste persuadé d’une chose : en acceptant de siéger sans conditions (quelle souffrance de penser aux bêtises pourtant évitables faites par nos politiciens !), l’opposition va encore aider AC dans son changement destructeur de la Guinée. Le prince Condé de Pinè pourra même faire passer des lois organiques à son profit en achetant, en catimini, des députés. Pour lui qui a connu la misère avant d’être coopté comme président de la Guinée tout s’arrange même avec une orange. Il suffit de payer.
Une « Assemblée nationale » installée est donc une aubaine pour celui qui s’était vanté d’être le « Mandela » de notre pays. La Communauté Internationale dira que la transition est terminée et que la démocratie est définitivement ancrée en Guinée, ce qui permettra l’arrivée de l’argent non pas pour s’y investir mais pour remplir les comptes off-shore des brigands au pouvoir.
Le nouveau groupe censé remplacer le CNT, sociologiquement moins répulsif pour les Guinéens même s’il n’a jamais joué le rôle qu’on en attendait, ne reflète pas l’expression de la volonté populaire. C’est pourquoi il faut parler d’un assemblement territorial composé de personnes sélectionnées non pas pour leur compétence mais pour leur fidélité aux leaders des partis en lice. Elles voteront à la soviétique des lois sans en comprendre le contenu et ne contrôleront que l’exactitude du montant de leurs indemnités.
Bien entendu, parmi les élus il y a quelques individus de valeur mais ils ne seront que de simples figurants. C’est le cas d’un certain Amadou Diallo, avocat. Ce monsieur, s’est dévoilé tout récemment (sans avis de recherche !) dans son choix de siéger, ce qui est son droit. Cependant, si Me Amadou peut avoir raison sur le plan logique, je pense qu’au plan politique il vient de distiller un poison dans les rangs de l’opposition. En effet, le combat de celle-ci est en principe avant tout politique, avec évidemment quelques armes à sortir de l’arsenal juridique. Ce qui a étonné plus d’un, c’est l’omission calculée de Me Amadou sur ses compétences : il est membre du CNT et dispose maintenant d’un siège réservé (à quel prix ?) parmi les nouveaux élus de l’Ufdg. Il veut siéger avec la rapidité et la rapacité d’un avocat dont le cabinet ne semble pas très rentable.
Au fait, qu’avait fait Me Amadou au CNT ? N’était-il pas compétent pour s’exprimer en disant ce que la Cour Suprême aurait dû dire sur le résultat des dernières législatives ?
Je n’ai rien contre la personne d’un avocat de sa propre cause mais le fait ce Me Amadou ait été unanimement encensé dans un site concentrant des extrémistes viscéralement anti-peuls montre qu’ils viennent de trouver en lui le « foulakè » (peulh adulte, en langue malinké) de service qui frappera comme un « fou laquais » sa propre communauté de l’intérieur. Lorsque votre ennemi ne vous reconnait que des qualités, c’est que vous l’avez rejoint, peut-être même sans vous en apercevoir.
En dehors de quelques figurants, le reste de la mase ne sera composé que de figurines. Quand un député siège mais sans savoir pourquoi il est à sa place, qu’il porte le titre désuet d’honorable et ne cherche qu’à encaisser ses indemnités, ne devrait-on pas l’assimiler à une vulgaire poupée ?
En acceptant de siéger, l’«opposition» vient de légitimer la dictature en lui offrant un boubou neuf bien amidonné.
Pour terminer, la perle de fin d’année, récoltée sur le web.
Lors de l’assemblée générale hebdomadaire de son parti, tenue le samedi 7 décembre 2013, le chef de file de l’opposition a révélé ses objectifs à court et moyen termes :
« On s’engage résolument pour reconquérir le pouvoir en 2015. »
Sans pinailler mais sachant que reconquérir signifie conquérir de nouveau, on se demande de quel pouvoir parle le chef de file de l’opposition. Voudrait-il se représenter en annonçant déjà sa candidature à la magistrature suprême ? Rien ne dit qu’il n’en a pas le droit.
Je vous salue.
Ibrahima Kylé Diallo
Responsable du site www.guineeweb.net
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