Analyse de l'an 1 de la gouvernance du Pr Alpha Condé parue sur guineenews. Par Saliou Samb, journaliste correspondant de Reuters en Guinée
- Par Administrateur ANG
- Le 02/01/2012 à 11:13
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Saliou Samb. Journaliste, correspondant de Reuters en Guinée (depuis 2001), rédacteur en chef de l’Indépendant (1995-2000), plusieurs publications dans The Economist, Africa Report du groupe Jeune Afrique, Inter Press Service, etc. , fait une analyse pertinente du bilan de la gouvernance du Pr Alpha Condé, après un an de pouvoir.
Je pense qu’il ne faut surtout pas perdre de vue une chose, quand on parle du bilan, d’un bilan a mis parcours, c’est un mandat de cinq ans et donc qu’on en est qu’à la première année. Et Donc, ce qu’il faut surtout retenir c’est que, quand on se place du point de vue de l’opposition, on a l’impression que tout est négatif. Quand on se place du côté du pouvoir et de ses alliés, on a l’impression que tout est sur pied et que tout est positif. Alors moi, de mon point de vue, un bilan comporte à la fois un actif et un passif. Au plan politique, ce qui a été fait de bien, c’est surtout les dernières décisions qui ont été prises concernant le rétablissement du dialogue politique, c’était absolument nécessaire pour ramener la sérénité dans le débat politique et dans le paysage politique. C’était absolument nécessaire parce que cela conditionne toutes les autres reformes qui vont venir après. Ce qu’il faut regretter par contre c’est que cette décision ne soit prise que maintenant. Si le Pr Alpha Condé avait pris ce problème à bras le corps dès après son investiture je pense qu’aujourd’hui on n’en serait pas là et qu’aujourd’hui on n’aurait plus parlé des législatives parce qu’elles auraient déjà été organisées. Ça, c’est au niveau politique.
Sur le plan économique, le bilan est beaucoup plus flatteur parce que quand on considère le cadre macroéconomique, ça n’a rien avoir avec ce que les ménages ressentent. Cela veut dire quoi, cela veut dire tout simplement qu’il ne faut pas perdre de vue que le déficit commercial qui était à 13 pour cent a quand même été ramené à 2 pour cent. Le trésor public n’est plus endetté vis-à-vis de la Banque Centrale. Les réserves de change ont carrément explosé, c’est sans commune mesure avec ce qu’il avait trouvé quand il venait de prendre le pouvoir. Et cela est d’autant plus tangible que ça se sent même dans les rapports entre la Guinée et les institutions comme la Banque Mondiale et le FMI parce que même ces institutions reconnaissent que, quand même, le cadre macroéconomique est de plus en plus saint et que il y a bon espoir que la Guinée puisse atteindre le point d’achèvement et de bénéficier de l’initiative qui permettra au pays d’avoir une réduction de deux tiers de sa dette extérieure. La dette extérieure guinéenne est d’environ trois milliards de dollars. Donc ça, se sont des efforts concrets qui ont été faits pour réduire les dépenses publiques de façon assez drastique, augmenter les recettes au niveau de la douane, au niveau des impôts. Je pense qu’à ce niveau quand même il y a des résultats. Maintenant, le facteur le plus inquiétant est au niveau du taux d’inflation. Au niveau du taux d’inflation, il y a un problème parce qu’il est assez élevé. Malgré les efforts il est assez élevé. Mais Je pense que dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, quand la confiance va revenir, quand la sérénité va revenir au niveau politique, ce sera un problème qui va être plus facilement résolu. Evidemment, quand on parle du cadre macroéconomique, les ménages et autres s’interrogent. On se demande ce n’est pas la croissance qu’on bouffe, c’est clair. Passez de 1,5 et promettre une croissance de cinq pour cent c’est bien beau mais ce qu’il faut comprendre, c’est qu’en économie quand des mesures sont entreprises sur l’An X, il faut attendre un certain temps avant que ça n’ait des répercussions sur le coût de la vie, sur le quotidien des ménages et des populations. Je pense que si ce cap est maintenu, cela pourrait quand même faciliter un peu la vie aux guinéens et ceux qui vivent en Guinée. Il y a un autre volet, c’est le volet sécuritaire. Même s’il y a ce casernement des militaires, c’est à son actif. Avant, on avait des armes un peu partout, on avait des individus en uniforme un peu partout et cela faisait un peu peur aux populations. Mais depuis que le Pr Alpha Condé est au pouvoir, on a remarqué que les militaires ont observé une certaine discipline. Le plus grand acte d’indiscipline qu’on a constaté est cette tentative d’assassinat contre sa personne. Depuis lors je pense que certaines dispositions ont été prises pour essayer de calmer même si les populations se posent toujours des questions à propos des vols, attaques à mains armées et certains trafiquants de drogue. Je pense que c’est un processus qui est engagé et il est possible qu’il trouve la bonne formule pour atténuer cela car c’est des phénomènes qui ne peuvent pas disparaitre quand même.
Il y a aussi un fait qu’il faut observer. C’est que les syndicalistes qui étaient l’un des principaux acteurs des derniers mouvements sociaux qui se sont déroulés en Guinée, ces derniers moments, ils se sont un peu calmés. Est-ce que M. Condé aura le temps nécessaire ne serait-ce que pour donner des explications ou bien convaincre ou calmer les syndicalistes si demain les syndicaliste trouvent que les salaires sont trop bas. Tout cela, se sont des interrogations et je pense qu’il doit faire attention à ce volet là parce que si les revendications sociales reviennent sur la table, ça pourrait même remettre en cause tous les acquis cités au niveau économique. Bien évidemment, il y a toujours le problème récurrent de l'électricité et de l’eau même s’il y a une légère amélioration de la desserte en électricité mais ce n’est pas ce qui avait été promis. Et récemment je pense que des efforts importants ont été promis par le gouvernement pour régler de façon définitive ce problème de l’eau et de l’électricité qui de toutes les façons ne pourra pas être résolu par des histoires d’énergie thermique. Il faut construire des barrages et pour construire des barrages, il faut des fonds importants. Il faut y penser et penser aussi aux énergies renouvelables telles que les éoliennes, et tout cela pourrait permettre de sortir de ce carcan parce que sans énergie rien n’est possible. Au niveau du secteur minier, il y a eu une avancée par rapport au nouveau code minier. Mais on a l’impression à la lecture de ce code, qu’il y a des points qui ne pourraient pas être acceptés par les grandes multinationales. Et récemment, le ministre des mines a tenu une conférence de presse pour quand même dire qu’il y a certaines dispositions qui vont être enlevées du code parce que tout simplement ce n’est pas conforme à la conjoncture actuelle, avec la grande crise économique mondiale. Il fallait s’y attendre. Quand on est rédacteur d’un texte de ce genre, il faut être raisonnable à tout point de vue c’est-à-dire préserver les intérêts fondamentaux du pays tout en aménageant un climat attractif pour les investisseurs étrangers. Il faut noter aussi sur ce point cette recette exceptionnelle de 700 millions de dollars de Rio Tinto, c’est quasiment sept fois plus que les recettes que la Guinée obtenait en un an et pour tous le secteur minier. Cette recette va permettre d’ouvrir les chantiers dans le domaine des infrastructures et tous les autres domaines. Tout ce que je regrette aussi dans ce cadre, c’est que, on a décidé de dégager un certain montant pour financer certains secteurs mais je pense que pour que ce soit mené de façon rigoureuse, il faut prendre soin de faire des études avant d’exécuter ce genre de travail sinon on se retrouvera à la case de départ. On va faire des choses qui ne serviront à rien. Mais le fait déjà d’avoir réussi à engager une négociation avec une multinationale de la taille de Rio Tinto et de réussir à faire payer à cette société un tel montant, cela va de soi que c’est un grand succès. Ce que je veux aussi souligner c’est que jusqu’à une période récente, la Guinée ne comptait plus dans les rencontres internationales. C’est des responsables à un niveau second qui étaient envoyés et aujourd’hui, depuis l’élection du président Alpha Condé, la Guinée tant bien que mal, de plus en plus, retrouve sa place dans le concert des Nations. Tout récemment, il était au Nations Unies, il a été reçu par le président Obama, le président de la plus grande puissance mondiale. Donc, c’est un succès et au plan diplomatique, ça peut permettre de créer des relations, de cultiver ses relations, de les maintenir. La Guinée a de plus en plus de partenaires et on dira que c’est parce qu’il y a eu une élection libre en Guinée, oui mais en attendant, puisqu’il s’agit du bilan du Pr Alpha Condé, c’est à aussi mettre à son actif.
A partir de là, juste quelques conseils. Je pense que de sa position de chef d’Etat, il doit comprendre qu’il est dans son devoir de ramener la sérénité dans le pays, de cultiver la sérénité dans le débat politique parce que s’il y a des contentieux qui ne sont pas réglés au niveau politique, cela se répercute sur tous les autres domaines, tous les autres secteurs. Vous ne pouvez pas avoir une visibilité par rapport à un bon programme économique, quel que soit le caractère de votre programme si vous n’êtes pas sûr qu’il n’y aura pas de perturbations qui ne seront pas directement liés à ce truc. Donc il est de son devoir quand même de le faire. Bien évidemment, il y a aussi que l’opposition doit comprendre que c’est complètement aberrant de continuer à contester la légitimité d’une personne qu’on a déjà reconnue. Ça ne sert à rien et c’est complètement contreproductif. Parce que aujourd’hui vous êtes dans l’opposition et demain vous serez au pouvoir. Et donc créez un environnement que vous pourrez gérer demain. Parce que si vous adoptez une certaine ligne de conduite aujourd’hui, demain quand les gens qui sont au pouvoir se retrouveront dans l’opposition, ils adopteront la même conduite. Et finalement c’est le pays qui va souffrir et on ne pourra jamais s’en sortir donc il est absolument du devoir du président de la République de créer d’abord un climat de confiance, d’ouvrir le dialogue avec l’opposition, de maintenir ce climat. Cela ne veut pas dire qu’on va être d’accord sur tout. On ne peut pas être d’accord sur tout, il faut un pouvoir qui gère et il faut une opposition qui s’oppose, qui critique le gouvernement, qui critique ses actions.
Mais c’est dans l’intérêt général. Il faut avoir en conclusion, une très haute idée de l’intérêt général, il ne faut pas raisonner comme les hommes de pouvoir, qui cherchent à gérer juste le quotidien, qui se soucient très peu de ce qui va se passer après. Ce n’est pas ça un homme d’Etat, un homme d’Etat raisonne sur la durée, les actes que l’on pose aujourd’hui doivent pouvoir être maintenus et avoir une répercussion sur des siècles. Alors si on raisonne sur ces bases là, on peut dire que le bilan, il y a du positif. Il y a des choses qui sont négatives mais de façon globale, rien n’est perdu et il est possible d’améliorer ce qui a été déjà fait et de corriger ce qui ne l’a pas été. Je rappelle que le président Lula le président brésilien, il est resté pour son premier mandat pendant deux ans. Il a été très décrié mais par la suite il s’est rattrapé. Il a abandonné le pouvoir avec quatre-vingt pour cent d’opinion favorable.
Source: guineenews.org
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