Amadou Damaro Camara: "En Guinée,​ l’opposition a un rôle​ à jouer​"

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Alors que la tension est toujours vive en Guinée où de nombreux de manifestants sont descendus dans la rue pour demander plus de démocratie, le président du groupe parlementaire Alliance Arc-en-ciel, la majorité présidentielle, livre son regard sur la situation du pays.

Les tensions politiques en Guinée sont toujours vives. L’opposition a multiplié les manifestations, réclamant la tenue des élections locales et la fin de l’insécurité. De son côté le pouvoir campe sur ses positions, affirmant que la Guinée n’a actuellement pas les moyens d’organiser des élections locales. Un dialogue de sourds donc entre les deux parties. ​Lors d’une rencontre à Conakry, Amadou Damaro Camara, le président du groupe parlementaire Alliance Arc-en-ciel, la majorité présidentielle, livre son regard sur cette situation politique tendue.

​Afrik.com : L’opposition guinéenne a multiplié les manifestations de contestation contre le pouvoir. Que comptez-vous faire pour débloquer cette situation ?​ 

​Amadou Damaro Camara : D​ans la Constitution guinéenne​,​ l’opposition a un rôle​ à jouer​. ​E​lle est d’utilité publique, elle doit suggérer et critiquer​. ​Malheureusement, on a une opposition​ irresponsable en Guinée qu’on peut scinder en deux. ​Une opposition dirigée par monsieur ​K​ouyaté​, qui​ accuse ​le ​P​résident​ de ne pas avoir respecté ​les ​accord​s ​électoraux​, réclamant son départ. ​Une opposition dirigée par Bah Oury, partenaire de Cellou Dalein Diallo, aussi contre le Président, en exil pas tout à fait doré car il ne peut pas se déplacer sans la bénédiction financière de Cellou Dalein Diallo. Ce dernier et Sydia Touré dirigent une opposition un peu plus républicaine que les deux précédents, même si leur objectif est de faire partir Alpha Condé. L’​opposition était au pouvoir,​ raison pour laquelle la Guinée est dans cet état. Je rappelle que Sydia Touré était Premier ministre quand on a arrêté Alpha Condé. Il a servi pendant quatre ans dans une dictature réputée comme l’une des plus dure en Afrique. Pour se justifier, il a dit qu’il avait juste un rôle dans l’économie. Cellou Dalein Diallo a quant à lui servi pendant 11 ans. Ils ont tous deux fidèlement servi des dictatures. Ce n’est pas aujourd’hui qu’ils vont devenir des démocrates. Ce qu’ils n’ont pas pu faire durant ces années, ce n’est pas aujourd’hui qu’ils vont changer les choses en Guinée.

Le 14 avril dernier Cellou Dalein a affirmé que si le ​Président ​refusait d’organiser des élections locales, c’est par peur de perdre la Présidentielle. Que répondez-vous à cela ?​ 

L’​opposition continue à tirer ​la ​couverture d​e son ​coté​. ​Nous tir​e​rons la couverture ​d​e notre coté​. La tenue de la Présidentielle en octobre 2015 n’est pas négociable car c’est​ constitutionnel. ​O​n ne peut pas donner l’oppo​r​tunité d’avoir un Président hors mandat. Maintenant pour qu’on ait les deux élections​, il ​y a des exigences de t​emps​, budgétaires et juridiques. ​Après l’élection, toute la logistique doit être faite ​dans ​un délai minimum de 45 ​j​ours. Chaque fois que nous préparons une élection, elle ne peut avoir lieu que deux mois après. D’autant que la ​Guinée ​n’a ​pas organ​i​sé d’élection locale depuis 10 ans. Même celles qui ont été organisées il y a 10 ans n’ont pas été bien faites. Et la CENI actuelle n’en a jamais organisé. ​Vous imaginez en juin, si on devait organiser des élections, on aurait besoin de 400 magistrats pour superviser les recensements dans ​les ​ci​circonscriptions électorales. En l’état actuel, ce n’est pas possible.

En clair, selon-vous, la Guinée n’a ni les moyens financiers ni techniques​ pour organiser les élections locales alors qu’elle se prépare à organiser la Présidentielle en octobre 2015... 

Les élections locales sont plus chères que la Présidentielle. L’élection présidentielle coute 300 milliards, et l’élection communale 400 milliards. C’est matériellement, techniquement et juridiquement impossible. ​L’élection présidentielle ​est plus simple​ à organiser​ que les élections locales, car on a que quelques bulletins, dans le pire des cas on en aura trois ou quatre. Mais on va avoir au moins 300 listes électorales​ pour les locales. ​

Si la Guinée n’est pas prête pour les élections locales qu’est-ce qui prouve qu’elle est prête pour la tenue d’une Présidentielle ?

Le ​pays ​est ​prêt car ​la ​CENI nous a déroulé un organigramme pour son bon déroulement. ​L’opposition ​ne cesse de réclamer le report de la Présidentielle ​dans le but de pouvoir se jeter dans la rue à la première occasion pour clamer ​ que le​ Président Alpha Condé n’a plus de mandat ​et de légitimité et ​qu’il doit démissionner. On ne peut pas prendre de tels risques​.​ On ne peut pas prendre le risque d’avoir un Président hors mandat, ce n’est pas négociable.

La répression policière a été très violente lors des dernières manifestations de l’opposition. Au moins six personnes ont été tuées. Qu’avez-vous prévu pour que les forces de p​olice cessent de tirer à balles réelles sur les manifestants ?​ 

La répression est un mot que les manifestants et l’opposition ​utilise​nt tout le temps. ​Comment voulez-vous gérer des manifestants qui viennent attaquer les forces de l’ordre avec des chevrotines, des gourdins, des ​lance-pierre. Il faut savoir que durant les dernières manifestations, au moins 14 gendarmes ​ont eu des balles de coup de chasse dans le corps​. Quand ​on fait une marche​, on ​demande l’autorisation de manifester, on donne l’itinéraire et on demande aux gendarmes d’encadrer. Mais le problème en Guinée, c’est que ces manifestants ne reconnaissent pas l’autorité du Président. J’appelle donc cela une rébellion. C’est de l’anarchie.

Mais l’opposition affirme que les manifestants étaient justes munis de lance-pierre...

J​e sais reconnaître un lance-pierre, un morceau de chevron. On ne peut pas avoir un policier et un gendarme derrière chaque citoyen pour assurer la sécurité. Ce n’est pas toute la Guinée qui a manifesté en plus. En haute Guinée, basse Guinée et Guinée forestière il n’y a aucun manifestant. Ce qui prouve qu’il y a des territoires localisés ethniquement, donc il faut faire attention et être très responsable. Plusieurs pays occidentaux, comme la France, la Grande-Bretagne, le Japon, les Etats-Unis, nous ont contacté après les manifestations. Ils ont voulu attirer notre attention s’agissant de la lutte contre Ebola. Un seul malade du virus peut faire repartir l’épidémie. Ebola est au dessus des partis, ont-ils rappelé. Donc il faut que l’opposition revienne autour de la table. Elle s’est retirée de l’Assemblée nationale. Pourquoi faire ? Pour ne pas donner la chance à la deuxième institution de fonctionner.

Beaucoup de Guinéens vivent dans la misère. Alpha Condé n’a pas répondu à leurs attentes, selon eux. Est-ce qu’on ne peut pas dire que le Président ​Condé a déçu depuis son arrivée au pouvoir ? 


A peine a-t-il été élu qu’on lui a demandé de dégager. Il n’a même pas eu de période de grâce. Cellou qui avait reconnu sa défaite a finalement affirmé qu’on lui avait volé sa victoire, qu’il la lui faut. Lorsqu’ils ont mené leur ​première marche contre l’insécurité, je leur ai dit en tant qu’anciens dirigeants je m’attendais à ce que vous fassiez des propositions contre l’insécurité mais envoyer les enfants dans la rue pour lutter contre l’insécurité n’est pas la solution. La marche contre l’insécurité a même accentué l’insécurité.

Source: Afrik.com

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