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AlSENY RENEGOMEZ, VICTIME OU BOURREAU?

 Suite à la publication de son livre « Camp Boiro, parler ou périr », je suis aujourd’hui de ces Guinéens, africains et observateurs de la vie sociopolitique de la Guinée de ces dernières décennies qui s’interrogent sur la portée réelle de l’œuvre de M. GOMEZ. J’avoue n’avoir lu qu’un extrait de ce livre et quelques passages relayés par la presse. Mon interrogation ne porte point sur les exactions, animosités, humiliations et exterminations sommaires et extrajudiciaires dont ont subies - pour une raison ou pour une autre- toutes celles et tous ceux qui ont eu la malchance de séjourner dans cette geôle qui occupe une place de choix parmi les plus abominables de l’histoire du continent noir. Elle ne porte pas non plus sur l’ampleur, réelle ou supposée, du délit ou du crime que peut commettre un être humain pour mériter de tels traitements. Il est bien vrai que tous ceux qui prétendent être victimes de ce Goulag à la guinéenne n’en sont pas réellement. Il eût des victimes innocentes et des personnes qui ont été broyées par la machine répressive qu’elles ont participé à la conception et au fonctionnement des années durant. Le régime PDG, à un moment donné de son existence, a crée un monstre qui s’alimentait de la chair humaine. Il fallait nécessairement lui trouver de quoi s’alimenter (d’abord des coupables, ensuite des innocents, y compris ses concepteurs et créateurs, à défaut de trouver ceux auxquels on reprochait quelque chose). On sait bien que M. GOMEZ fut parmi les hauts dignitaires du système PDG, même si je ne suis pas en mesure de savoir aujourd’hui, à cause de ma jeunesse et de manque de sources d’information fiables, quel fut exactement son rôle dans la conception et le fonctionnement de la machine qui a tué des milliers de vies innocentes dans le pays et contraint des millions d’autres à l’exile. Ce qui suscite mon interrogation et mon étonnement, c’est l’attitude de M. GOMEZ et le rôle qu’il a joué dans l’histoire récente de la Guinée, c’est-à-dire celle qui commence après la chute du régime qu’il décrie dans son livre et qui le voit jouer un rôle de premier plan dans la gestion de la Guinée post-PDG. Je pense particulièrement à ses fonctions ministérielles (Intérieur et Sécurité, puis récemment Justice et Garde des Sceaux). Mon étonnement, parfois ma révolte concerne le silence de M. GOMEZ sur son rôle dans cette période de la Guinée. Il a pu nous dire, avec éloquence et pathétisme, ce qu’il a vu et subi comme conditions inhumaines et dégradantes au Camp Boiro, mais pas un seul mot sur la manière dont il a géré les élections présidentielles de 1993 dont la fraude, la mascarade et les coups de canon et armes automatiques qui ont suivi la publication des résultats définitifs par la Cour suprême, ont fini par miner, on ne sait jusqu’à quand encore, le chemin de la démocratie en Guinée. Il ne dit rien sur son rôle de pionnier dans les machinations qui continuent de priver les Guinéens des bien faits de la démocratie, qui consiste à choisir ses dirigeants par le peuple et à contrôler leurs décisions et actions dans la gestion de la chose publique. Par sa participation à imposer au peuple de Guinée des dirigeants qu’il ne voulait pas ou plus, il est de ceux-là qui ont ouvert la voie à l’institutionnalisation du vol du denier public, de la corruption, du détournement qui gangrènent notre société aujourd’hui. C’est contre ces mêmes dirigeants qu’il a contribué à imposer à la Guinée que tout le pays s’est levé, comme un seul homme en juin 2006 et en janvier et février 2007 dont plus d’une centaine de jeunes ont été froidement et lâchement abattus. M. GOMEZ est-il en mesure de nous dire, depuis qu’il a posé cet acte tristement célère, combien de Guinéens sont morts du déficit démocratique dont les conséquences s’appellent détournement, corruption, arrestation arbitraire etc.? Plus révoltant encore, après les massacres de juin 2006, toute la Guinée, soutenue par les organisations de défense des droits de l’homme, a exigé la mise en place d’une commission d’enquête afin d’identifier et de traduire en justice les responsables du carnage qui a coûté la vie à près d’une vingtaine de jeunes élèves. Qu’est-ce que M. GOMEZ a fait ? En sa qualité de garde des Sceaux, Ministre de la Justice, son rôle a tout simplement consisté à la mise en place d’un théâtre dont l’objectif évident était d’étouffer cette affaire. Or s’il s’estime victime d’une injustice, d’une arrestation arbitraire, de torture etc., son action, après son extraction de la geôle du Camp Boiro, devrait s’inscrire à l’avant-garde du combat contre l’injustice en Guinée, pour que, plus jamais, personne ne connaisse le sort qu’il dit avoir injustement subi. Qui plus est, il en a eu l’occasion et les moyens de le faire. En sa qualité de ministre de l’intérieur, qu’a-t-il fait pour le démantèlement et la fermeture des camps de détention et de torture secrets dont le fameux « Koundara » ? Qu’a-t-il fait pour interdire les bastonnades, les humiliations et les atteintes graves à l’intégrité physique et à la dignité des détenus dans nos commissariats de police, dans nos postes de gendarmeries et dans nos prisons ? En tant que ministre de la justice, quel acte M. GOMEZ a-t-il posé pour assurer une justice équitable à ces détenus dont certains se trouvaient là pour s’être disputés avec un « grand » ou pour des dettes civiles ? Bref, Qu’est-ce que M. GOMEZ a fait pour assurer une justice indépendante et équitable aux Guinéens dont ont été privée les pensionnaires du Camp Boiro ? Par juste indépendante et équitable, j’entends celle qui consacre et applique les grands principes de droit reconnus par tout système judiciaire d’obédience démocratique. C’est celle qui assure la présomption d’innocence à toute personne inculpée. C’est celle qui cristallise le droit à un procès contradictoire assorti de droit à toute personne soupçonnée d’avoir commis une infraction de se faire assister d’un conseil ou d’un avocat pour plaider sa cause. C’est aussi celle qui respecte le principe sacré de la légalité des délits et des peines. Je ne saurais jamais être exhaustif dans mes interrogations sur le rôle joué par l’auteur de « Camp Boiro, parler ou périr ». Ce qui reste évident, c’est que l’auteur de ce livre n’est pas le mieux placé pour nous parler des dérives d’un système dont il a été un maillon essentiel et surtout dont il n’a rien fait pour démanteler quand il en avait les moyens. C’est pour quoi sa présence parmi les enfants des victimes du Camp Boiro pour une manifestation quelconque m’étonne à plus d’un titre ! Et je me demande quand est-ce que ses victimes à lui auront l’occasion de lui demander des comptes. Je suis seulement persuadé que ce n’est pas sur le régime en place qu’il faut compter pour comprendre, à fortiori demander réparation pour les innombrables victimes, connues ou restées dans l’anonymat. Car le régime actuel n’est qu’un avatar de l’ancien (si j’ose appeler le PDG, ancien régime), puisqu’en réalité, il n’y a jamais eu de rupture ! Les Guinéens, surtout nous les jeunes, avons un besoin ardent de comprendre l’histoire de notre pays, et l’exercice que chacun a fait de la parcelle de responsabilité et de pouvoir qui lui ont été confiés. Vivement un débat, une commission de vérité et réconciliation ou un procès juste et équitable. Que chacun y réfléchisse. On tranchera le moment venu.

 Ibrahima SAKOH, diplômé de droit international à l’Université de Genève Email : ikalil2002@yahoo.fr

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