Alpha Condé, quitte ou double ? (partie 1)

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Nous sommes au bout d'un processus, car de la décision prochaine d'Alpha Condé, dépend celui de la Guinée, et par conséquent son avenir personnel.

Comme je l'ai indiqué dans un texte précédent, le sort d'Alpha Condé en est jeté, même si cela n'apparaît nullement. Ceux qui doutent n'ont qu'à se rappeler de Wikileaks, qui expliquait les tractations entre différentes composantes (France et États-Unis notamment), pour régler le sort de Moussa Dadis Camara, lorsque ce dernier était au Maroc. Si Wikileaks n'avait pas « parlé », personne n'en aurait rien su... de manière aussi précise.

Vous pouvez donc imaginer que des tractations sont en cours depuis un certain temps, dont les deux questions essentielles qui se posaient, étaient les suivantes : comment obliger Alpha Condé à organiser des élections crédibles et transparentes (et le laisser finir son mandat), ou à défaut comment le faire partir, mais dans ce dernier cas, que faire ensuite ? Avant de répondre à ces questions en deux parties (Alpha Condé double son mandat et va donc jusqu'à son terme en 2015 - partie 1 - et Alpha Condé quitte le pouvoir - partie 2, d'où le titre quitte ou double), il est nécessaire d'expliquer l'attitude de la Communauté internationale.

L'attitude de la Communauté internationale

A la suite des dernières violences postérieures à la manifestation pacifique du 27 Février dernier, l'opposition a fait appel officiellement à la Communauté internationale – ce n'est évidemment pas la première fois -, pour terminer le processus électoral, en vue de la mise en place d'une Assemblée Nationale. Comme à l'habitude, celle-ci a soufflé le chaud et le froid, influant dans un premier temps le pouvoir, afin qu'il garantisse la crédibilité des élections, puis ces derniers temps semblant soutenir le pouvoir, en vue de terminer la transition. En fonction des réactions des uns et des autres, elle a pu examiner – si tant est qu'elle l'ignore -, les forces en présence.

En effet, par leurs déclarations de soutien, Philippe Van Damme le représentant de l'UE et Alexandre Laskaris l'ambassadeur américain, par son silence incongru, Bernard Cochery l'ambassadeur français, ont incité Alpha Condé à agir, conforté qu'il était, par eux. Mais ce dernier veut toujours imposer ses vues, même si elles ne correspondent pas aux textes. Il est vrai qu'après tout, la politique, c'est aussi l'art d'oser et d'en recueillir les bénéfices éventuels. Et jusqu'à présent, on peut dire que cette politique a fonctionné au-delà des espérances, face à l'apathie, l'incompétence, le manque d'unité, l'absence de culture démocratique (ou tout à la fois) de l'opposition. Malheureusement pour lui, l'unité de l'opposition est telle cette fois, qu'il s'est abstenu de prendre le fameux décret du 3 Mars, celui qui devait convoquer les électeurs, 70 jours avant la date du scrutin, prévu le 12 Mai. Bien lui en a pris, car c'est justement le fameux décret de convocation des électeurs, qui constitue la ligne rouge, qui va déterminer le sort du pays.


 

Le choix cornélien d'Alpha Condé

Aujourd'hui Alpha Condé est à la croisée des chemins, n'ayant le choix qu'entre forcer le passage avec Waymark pour gagner ses élections, ou entendre raison et accepter des élections propres, sachant que même avec une Assemblée Nationale dirigée par l'opposition, cela ne l'empêcherait nullement de gouverner.

Comme je l'ai toujours dit Alpha Condé est légalement le PRG, chef de l'État guinéen, accepté et reconnu par tous, quoiqu'en disent ses thuriféraires. Mais il n'est pas légitime, eu égard aux conditions de son élection. Cela ne le dérange pas outre mesure, mais il lui fallait le temps de mettre en place la machine à frauder installée lors des présidentielles, nullement applicable aux législatives, d'où le temps pris pour y parvenir.

Accessoirement en ne parlant que de politique pendant ces deux ans, cela évite à Alpha Condé d'aborder les vrais problèmes quotidiens des Guinéens, relatifs au pouvoir d'achat. Afin que tout le monde comprenne la propagande scandaleuse du gouvernement, qui voudrait qu'on prenne des vessies pour des lanternes, il faut avoir en tête l'explication schématique suivante : selon le gouvernement, la croissance économique atteindrait 5% (ce qui est loin d'être vérifié), cependant qu'avec une croissance démographique de 3%, la croissance économique réelle n'est plus que de 2%. Cela signifie concrètement que le Guinéen s'enrichit de 2% par an. Mais comme l'inflation est de 12% (voire plus), cette « richesse virtuelle » devient négative de 10% (12 - 2). Conclusion : malgré les discours d'autosatisfaction du gouvernement, le Guinéen perd au moins 10% de son pouvoir d'achat chaque année, et ça il le ressent réellement. Comme quoi les discours...

Évidemment en utilisant Waymark, la machine à frauder, cela reviendrait à faire nommer par Alpha Condé les futurs députés, ce qui correspond à sa volonté totalitaire de tout contrôler, afin de n'avoir aucune contestation de ses choix (à l'image d'AST son mentor assumé), quand bien même ils seraient désastreux pour le pays. Par la même occasion, cela priverait non seulement tous les politiciens, d'une tribune pour se faire entendre, mais surtout cela signerait leur mort politique définitive, car avec un système électoral à la carte, le résultat des élections de 2015 comme celles de 2020 seraient acquises à l'avance, car on en subodore les résultats.

C'est la raison pour laquelle, l'ensemble des politiciens de l'opposition, et ils sont de plus en plus nombreux, y compris d'anciens soutiens comme Lansana Kouyaté, Jean-Marc Telliano, Kassory Fofana, Boubacar Barry, Jean-Marie Doré... ne peuvent le soutenir dans ce projet, suicidaire pour eux.

Rappel des 3 options possibles

La solution d'Alpha Condé

Ne pas accepter le vote de la diaspora, mais surtout impliquer la machine à frauder dans le processus électoral, n'est évidemment pas acceptable pour l'opposition, mais elle ne devrait même pas l'être pour tous les démocrates, d'où qu'ils viennent. Elle suscitera donc le refus catégorique (sans compromis possible) des leaders de l'opposition ; j'ai même du mal à comprendre comment Alpha Condé puisse imaginer le contraire, et ne prend pas cette donnée en considération. C'est malheureusement la solution la plus plausible (d'où une seconde partie pour ce texte) pour trois raisons :

  • à écouter Alpha Condé noyer le poisson en évoquant le fait que ni lui, ni son fils ne sont à l'origine de la venue de Waymark en Guinée, il occulte le fait que le nœud du problème ne se trouve pas là, mais dans le fait que ce système permet une fraude « légale ».
  • son absence de légitimité est de plus en plus criarde. Si l'on considère schématiquement que les votes seront éparpillés (il s'agit de législatives - où chacun défend son pré carré - et même le vote de Haute Guinée sera partagé, non seulement avec le PEDN, mais pourquoi pas avec un ressortissants de Haute Guinée venant d'un parti de l'opposition comme l'UFR par exemple), cela ne lui laisse qu'un maximum estimé de 20% (seul le parti de Papa Koly Kourouma reste significatif, mais courra pour ses propres ailes). Il en va donc de son avenir politique (à 75 ans !!!), raison de plus pour lui, de vouloir triturer les chiffres, et de leur faire dire autre chose que la réalité.
  • sa personnalité montre qu'il est rétif à tout compromis, ce qui est le comble pour un homme politique, et qu'il privilégie ses propres solutions, quand bien même elles ne seraient pas conformes à la Constitution et/ou au bon sens. Dire par exemple, que la diaspora n'a jamais voté aux législatives jusqu'à présent, est une autre illustration de sa vision personnelle, lui qui considère qu'elle doit primer sur le Code électoral, qui permet pourtant la prise en compte de la diaspora désormais. Il ne prend de la constitution que ce qui l'arrange, et cela est inadmissible.

La solution de l'opposition

Elle est empreinte du bon sens – au moins de leur point de vue -, puisque ne pas la défendre, aboutirait à entériner leur suicide collectif. L'opposition demande l'application du Code électoral, soit la prise en compte du vote de la diaspora, avec l'ouverture de nouveaux bureaux de vote et une révision électorale plus professionnelle, consistant en l'enrôlement de nouveaux électeurs (on rappelle que le gouvernement a reconnu officiellement l'existence de 3 millions de Guinéens à l'extérieur, ce qui suppose un manque d'au moins un million d'électeurs). Mais l'opposition accepterait toutefois qu'on se limite aux 100 000 électeurs des élections présidentielles, ce qui montre au moins son ouverture d'esprit.

Concernant Waymark, l'opposition est pour son remplacement complet, rappelant à juste titre, qu'elle n'a pas vocation à se faire hara-kiri. Certes cela renverrait le processus électoral à plus tard, mais quand même cette année si l'on conserve Sagem, voire beaucoup plus tard si on recommence le processus entièrement.

Une solution de compromis

Concernant le vote de la diaspora, on pourrait donc se limiter aux primo électeurs de la diaspora. On ferait au moins œuvre utile en montant qu'une nouvelle Constitution – celle-là même qui a permis l'élection d'Alpha Condé – a été votée en 2010, et qu'il convient au minimum de l'appliquer.

La reprise du fichier électoral de Sagem est donc nécessaire. Certes Alex Gysel, expert dépêché par l'Europe dit que tout va bien, mais il faut préciser que l'entreprise canadienne ESI Inc. (qui emploie cet individu), est en réalité le fournisseur de l'IFES, dont Elisabeth Cotet la directrice, est très « liée » à Bakary Fofana, ce qui décrédibilise les conclusions de cet « expert ». De toute façon, comment un individu venu de nulle part (une entreprise privée est sujette à toutes les pressions), pourrait mettre en cause les rapports d'experts d'organisations internationales (Pnud et OIF) plus indépendantes ? Tous les partis politiques doivent participer à toutes les vérifications techniques nécessaires, de manière à ce que les élections soient réellement transparentes et crédibles, et donc acceptées par tous. Sauf manœuvres dilatoires, les élections ne doivent avoir lieu que lorsque les principaux partis auront validé le processus. On à du mal à comprendre pourquoi Alpha Condé qui prône pourtant la transparence, est contre. Celui qui n'a rien à cacher...

Bien entendu, on pourrait conserver Waymark pour sauver la face du gouvernement (en a t-il vraiment besoin ?), mais on n'utiliserait pas ses services informatiques, et on en reviendrait au vieux comptage manuel, avec des règles de procédure, que les observateurs étrangers, les radios et les partis politiques seraient chargés de sécuriser.

Qui est pressé ? Contrairement à ce que les fans d'Alpha Condé colportent, les politiciens – je parle des 3 ex-PM notamment - s'inquiètent du retard généré pour ces élections, mais davantage pour l'image du pays et pour les conséquences sur la vie quotidienne des Guinéens, que pour leur intérêt personnel. Ce sont de nouveaux mensonges de faire croire que les élections législatives apporteront le bonheur aux Guinéens avec les seuls 175 millions d'€ du 10ème FED - 60 sur les 235 initiaux ont déjà été débloqués - sur des projets déterminés. En effet, comment promettre que ces fonds sont la solution à tous les problèmes, alors que le gouvernement dispose officiellement de près d'un milliard de $ - les 700 millions de $ de Rio Tinto, les 150 millions d'Angola, les 150 millions en nature de la CIF (riz, bus et tracteurs notamment), les 50 millions du Congo, les 25 millions de Paladino, les 15 millions d'Areeba pour ne citer que ceux qui sont connus, la transaction opaque Rusal Dian Dian laissant par ailleurs cours à toutes les rumeurs – et que personne – à part ce régime – n'en connaît la destination ?

En définitive, tant que la possibilité d'obtenir un compromis subsistera (la deuxième ou troisième solution précitées), les politiciens feront certes le gros dos (des marches pacifiques notamment), mais « prieront » toujours pour un éclair de lucidité d'Alpha Condé, dans l'espoir d'obtenir des élections crédibles.

Conclusion

Si les élections se passent dans la transparence la plus complète (solutions 2 ou 3), leur résultat aura deux conséquences, l'une politique, celle de montrer réellement le poids respectif des partis politiques et éviter les fantasmes ; l'autre pratique, celle de mettre en place les nouvelles Institutions[1]. Pour ces dernières, il est utile de rappeler et d'insister sur les qualités intellectuelles minimales à posséder pour les intégrer. Autant la présidence de la république, voire la députation sont ouvertes à tous, y compris à des analphabètes, puisqu'ils sont soumis au suffrage universel, autant l'appartenance à des corps spécialisés techniques, nécessitent un minimum de formation, le plus souvent juridique. Il est exclus de confier la gestion de tels organismes à des individus du calibre de Louncény Camara par exemple, incapable de comprendre l'essence même de sa fonction. Pour ceux qui auraient des doutes, je les invite à relire l'audit de l'UE concernant la CENI. Il faut en finir avec la médiocrité. Par ailleurs, il faudra revisiter certaines Institutions mal nées (Médiateur de la République), obsolètes (Conseil Économique et Social) ou inopérantes et ayant fait l'objet de violations constitutionnelles (Cour Suprême).

Néanmoins le jusqu'au boutisme d'Alpha Condé ne milite pas pour cette solution, et il y a fort à parier qu'il ira jusqu'au bout de sa logique, obligeant l'opposition à en faire de même, ce qui la conduira inévitablement alors, à demander son départ. C'est l'objet de la suite de ce texte.


 

Gandhi, citoyen guinéen

« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace ». (Robespierre, Discours sur la liberté de la presse, Mai 1791).



[1] Cour Constitutionnelle, Cour Suprême, Cour des Comptes, Haute Cour de Justice, Conseil Économique et Social, Haute Autorité de la Communication, Médiateur de la République, CENI, Haut Conseil des Collectivités Territoriales, Institution Nationale des Droits Humains.

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