Alpha Condé et Ebola, un virage à 180°

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Contexte local et difficultés

La fièvre hémorragique à virus Ebola sévit en Guinée, selon des experts, depuis novembre 2013. Mais c'est en décembre 2013 que les premiers décès, touchant aussi des personnels de santé, ont été signalés dans le district de Guéckédou, faisant craindre le début d'une épidémie. Dès le départ, Médecins sans frontières (MSF), l'une des rares ONG à agir sur le terrain, faisait part de ses inquiétudes, se heurtant à une certaine réserve de la part de l'OMS qui ne voulait alors pas employer le terme d'épidémie.

Les autorités guinéennes, quant à elles, avaient préféré parler d'abord de maladie mystérieuse puis de fièvre Lassa. Il a fallu attendre le mois de mars 2014, alors que plusieurs villageois de Guéckédou et Macenta auraient succombé suite à cette « mystérieuse maladie »pour qu'on parle d’Ebola, suite aux premières analyses de l'Institut Mérieux de Lyon. Sur le site internet de l'OMS, le premier bulletin d'alerte date du 23 mars 2014, signalant 49 cas dont 29 mortels.

Selon le gouvernement, cette épidémie sévirait depuis le 9 février dans les préfectures de Guéckédou et Macenta. La Guinée aidée localement par l'OMS, MSF et l'Unicef assure qu'elle est débordée, mais qu'elle parviendra à enrayer le mal, selon le Dr Sakoba Keita, chef de la division prévention au ministère de la Santé guinéen.

Le 1er avril, la presse internationale indique que le virus s'exporte chez ses voisins (Sierra Leone, Liberia), l'OMS déclarant les premiers cas au Liberia le 30 mars. C'est l'absence de transmission immédiate par voie atmosphérique qui fait que le virus Ebola n'inquiète pas outre mesure les autorités sanitaires internationales. C'est ce qui explique qu'aucune procédure particulière d'alerte aux frontières n'est prévue en cas de flambées épidémiques africaines. Mais cet épisode démontre que l'exportation du virus Ebola depuis l'Afrique n'a rien d'impossible (des cas ponctuels seront mis en évidence ultérieurement).

À la décharge de la Guinée, il faut rappeler que l'Afrique de l'Ouest découvrait quasiment la maladie, jusqu'alors connue en Afrique centrale. Le temps de réaction a donc été cohérent par rapport aux connaissances locales. Cependant, ce qui aurait peut-être pu être confiné et éradiqué en peu de temps, a vu la maladie s'étendre à cause de l'irresponsabilité et l'inconscience des dirigeants guinéens. En effet, au lieu de prendre la maladie à bras-le-corps, le pouvoir qui voulait s'attirer les grâces des sociétés minières, tout en ne remettant pas en cause la visite de Mohamed VI en Guinée, a préféré faire profil bas. Même les chiffres concernant les morts d’Ebola, les contacts et autres malades sont revus à la baisse. Quand l'OMS et MSF s'inquiètent et sonnent l'alarme, Alpha Condé est le premier à les critiquer. Le comité de crise qui s'occupe de la maladie est surveillé à la loupe. La consigne est simple : il ne faut pas paniquer ni les bailleurs de fonds, ni les investisseurs.

Pourtant au 1er octobre, le bilan de l'OMS est le suivant : 3 439 personnes décédées en Afrique de l'Ouest sur 7478 cas, tout en indiquant que ce bilan est inférieur à la réalité. Au-delà des polémiques, il faut toutefois savoir qu'en Guinée par exemple, ceux qui meurent à Conakry dans les dispensaires (et non dans les hôpitaux) – a fortiori en province –, ne sont pas tous comptabilisés officiellement, pour minimiser le nombre de décès.

Le déni d'Alpha Condé

Le 29 avril sur RFI, Sylvain Blaize, spécialiste du virus de retour de Conakry, indique que la souche n'a pas été introduite en Guinée depuis le Gabon ou la RDC (certaines rumeurs laissaient entendre un lien entre le voyage d'Alpha Condé au Congo en mars 2014 et l'irruption du virus en Forêt), mais constitue une variante des 5 espèces connues, et circulait depuis un certain temps, notamment via les chauves-souris, qui constituent le réservoir de ce virus.

A la fin du mois d'avril, lors d'une visite d'Alpha Condé au siège de l'OMS à Genève, ce dernier avait demandé « des comptes à MSF, parce que tout ne serait pas parfait dans leur comportement ». Alpha Condé considère qu'une fois les millions de dollars offerts par des donateurs, les sièges des ONGs dites humanitaires procèdent d'abord aux retenues nécessaires pour les frais de gestion. Après cette ponction à la source, une partie du pactole fait l'objet de dépenses somptuaires comme les locations d'avions, les voyages en classe affaires, les paiements de rondelettes primes de risque, les frais d'hôtels, etc… pour les experts, épidémiologistes, virologues et autres toubibs exotiques. Et la portion congrue servira pour acheter des détergents, scaphandres, gants, nourritures et d'autres babioles pour les lazarets (établissements de mise en quarantaine).

Le 12 juin, la directrice préfectorale de la santé, Aïcha Condé est suspendue de ses fonctions, pour avoir déclaré la présence d’Ebola dans sa ville à Kouroussa.

Le 26 juin, le responsable des actions MSF sur l'Afrique déclare que « l'épidémie de virus Ebola est hors de contrôle ». L'OMS réclame la mise en place de mesures drastiques pour lutter contre l'épidémie. Le docteur Luis Sambo (directeur régional de l'OMS pour l'Afrique) accuse même la Guinée de mentir sur la situation réelle de l'épidémie (en avril par exemple, la Guinée avançait 61 morts contre 122 pour l'OMS ; en juin les chiffres étaient respectivement de 158 contre 264). Cette attitude guinéenne est motivée par la volonté de ne pas faire fuir les investisseurs étrangers.

À Conakry, les campagnes d'information, à la radio, à la télévision, ou dans les rues cesseront et, dans les gares routières, au port et à l'aéroport, les contrôles seront réduits au strict minimum, voire inexistants. Les rares et dérisoires mesures préventives seront prises individuellement, afin de permettre, avec des seaux d'eau de javel déposés à l'entrée des restaurants, de se désinfecter les mains. En fait la gestion de la crise par les autorités guinéennes consistera à intervenir après chaque cas de victime déclarée, au lieu de prendre les devants pour prévenir et circonscrire la maladie, alors que c'est pour le moment, la seule façon de stopper cette épidémie pour laquelle il n'y a pas de remède. Il faudra attendre une réunion de 11 pays d'Afrique de l'Ouest à Accra à l'initiative de l'OMS les 3 et 4 juillet, pour que le bilan de la Guinée soit conforme à celui de l'OMS.

Pourtant une certaine presse guinéenne (favorable au régime) continuait en juillet à soutenir la propagande gouvernementale, en témoigne le titre d'un article intitulé « Christophe Batejat1 de l'Institut Pasteur : il y a une certaine accalmie de la fièvre Ebola en Guinée » et qui faisait référence à l'article de Jeune Afrique du 18 juillet, qui lui, était contrairement intitulé « Christophe Batejat : l'épidémie d'Ebola est difficilement contrôlable ». En juillet, Ellen Johnson Sirleaf avait proclamé l'état d'urgence pendant 90 jours, après avoir mis en congé forcé pour 30 jours des fonctionnaires non essentiels et avoir fait fermer les écoles au Liberia. En Sierra Leone, les villes de Kailahun et Kenema, dans l'est, avaient été placées en quarantaine. La Côte d'Ivoire, pourtant encore épargnée, avait pris des mesures préventives.

Lorsqu'un accident mortel est survenu sur une plage de Conakry le 29 juillet (34 victimes, dont la quasi-totalité a moins de 20 ans), Alpha Condé a décrété 7 jours de deuil national, du 30 juillet au 6 août, davantage pour englober la manifestation que l'opposition avait prévu le 4 août, que par compassion. Car malgré ces jours de deuil et une situation sanitaire catastrophique, cela n'a pas empêché Alpha Condé de se rendre aux États-Unis, d'abord pour traiter d'affaires minières dès le 2 août (rencontrer George Soros notamment), et accessoirement pour le Sommet afro-américain du 4 au 6 août.

La veille de son départ le 1er août par exemple, la directrice générale de l'OMS, Margaret Chan avait réuni les présidents des 3 pays concernés par l'épidémie Ebola (Guinée, Sierra Leone, Liberia) et les avait exhortés à lutter contre la maladie, notamment par la mise en place d'un cordon sanitaire autour de leurs régions frontalières, reconnaissant que l'épidémie était hors de contrôle. Au sommet de Conakry où figurait également la ministre ivoirienne de la Santé, il avait été rappelé que le virus avançait plus vite que les efforts déployés pour le stopper.

À son retour, Alpha Condé justifiera son déplacement en indiquant qu'il avait été mandaté par la Mano River Union, en tant que président de celle-ci, en vue de donner une bonne information sur la fièvre hémorragique, de rassurer les investisseurs américains sur la destination Guinée et ses potentialités minières, ainsi que l'opinion internationale de manière générale. Il ajoutera que les résultats de ses démarches ont été extrêmement positifs, puisque la Banque mondiale s'est engagée à mettre 200 millions de dollars, l'Angleterre a donné 5 millions, et il espère que les Américains donneront 400 …».

Malheureusement pour lui, il oublia de préciser qu'au vu des procédures internes de la Banque mondiale, la décision financière avait été prise avant son séjour, et qu’elle concerne exclusivement la lutte contre Ebola dans les 3 pays concernés. Ce n'est pas un don au bénéfice exclusif de la Guinée. En outre la décision d'aller aux États-Unis avait été prise lors du conseil des ministres du 30 juillet, précédant le mini-sommet de la Mano River Union du 1er août. Il n'était donc pas mandaté par l'organisation, mais allait pour gérer ses affaires personnelles.

Dans une interview d'Alpha Condé sur RFI le 6 août, ce dernier indique que la maladie n'est pas hors de contrôle et qu'elle est un phénomène mondial (donc non guinéen). Alpha Condé y affirme que l'Afrique doit compter sur ses propres forces et prendre son destin en mains, tout en remerciant l'Institut Pasteur français de rouvrir ses portes en Guinée, oubliant que cela pouvait être son initiative, puisqu'il est là depuis 4 ans.

Suite à la demande de l'OMS de décréter l'état d'urgence pour lutter contre le virus Ebola, le ministre guinéen de la Santé a déclaré le 8 août que l'état d'urgence n'était pas nécessaire en Guinée, car la situation est sous contrôle. Sur TV5 Monde en juillet, Alpha Condé avait dit qu'il n'y avait plus rien en Guinée.

Pourtant les hôpitaux manquent de tout, notamment de seringues qui sont réutilisées. Compte-tenu des réalités locales et notamment la méfiance des populations envers les systèmes sanitaires, les coutumes et les croyances (rites funéraires), il faut inspirer confiance et faire en sorte que l'information passe par ceux qui ont de l'autorité (réelle et non celle qui découle de leur nomination comme représentant de l'État), que les populations écoutent (ce n'est pas le gouvernement), car tout est vite interprété comme une conspiration politique ou religieuse. Or Alpha Condé n'a jamais convié les opposants, pourtant influents dans leur communauté, à agir solidairement.

Au vu des critiques de l'opposition sur son voyage aux USA (les présidents léonais Ernest Bai Koroma et libérien Ellen Johnson Sirleaf, avaient décidé de rester aux côtés de leurs populations frappées par l'épidémie), Alpha Condé avait organisé une conférence de presse (à vrai dire un monologue) le 11 août, la première en fait avec la presse guinéenne, depuis qu'il préside la Guinée en décembre 2010. Il y a essentiellement indiqué qu'il fallait dédramatiser l'épidémie qui tue moins que le paludisme.

À la suite d'une déclaration de l'OMS du 14 août, estimant que l'ampleur de l'épidémie d'Ebola est « largement sous-évaluée », le ministre guinéen de la Coopération a dû rassurer les Guinéens du risque d'isolement du pays, insistant sur le fait que toutes les mesures prises par les pays vis-à-vis de la Guinée, n'étaient que temporaires. Certains pays l'ont fait officiellement, la Guinée Bissau et la Côte d'Ivoire par exemple ont annoncé des mesures de restriction. Le ministre ira même jusqu'à dire que la Guinée ne possède plus qu'une douzaine de cas, les chiffres supérieurs évoqués ne concernant que des malades venus du Liberia pour se faire soigner en Guinée !!!

Lors d'une audience avec les diplomates le 18 août, les chefs des missions diplomatiques accrédités et des responsables des agences de voyage en Guinée, Alpha Condé a souhaité qu'ils rendent compte de la réalité d’Ebola en Guinée. Il voudra amuser son auditoire, mais personne n'a ri, parce qu'eux savent que la situation était grave, très grave. Il s'est offusqué de constater que les médias peignent tout en noir. Pourtant, dit-il, les Guinéens ne sont pas calfeutrés chez eux. Il a promis de faire envoyer des journalistes ivoiriens et sénégalais pour constater eux-mêmes que tout va bien en Guinée. Qu'aucun Sénégalais ou Ivoirien n'a contacté Ebola en Guinée. Qu'aucun Guinéen, ajoute Alpha Condé n'a transporté Ebola dans un autre pays (il sera démenti plus tard par les faits).

Le 23 août, le ministre guinéen de la Coopération affirme que « l'épidémie est sous contrôle en Guinée, mais que le pays est menacé par la flambée de l'épidémie en Sierra Leone et au Liberia ». Malgré le cordon sanitaire aux frontières en ces 3 pays, il ne craint pas d'affirmer que « les malades qui sont actuellement au centre de traitement de Macenta viennent à 99% du Liberia ». Le Dr Sakoba Keita précisera en effet que « le nombre de cas dans le Liberia voisin augmente avec une incidence très élevée, parce que le système de santé est en déliquescence. Nos compatriotes qui sont là-bas ont tendance à revenir en Guinée pour trouver des soins meilleurs. Ce qui fait la recrudescence, qui avait fait près de deux mois sans nouveau cas ».

Le 25 août, un article de Guineenews, fait état d'une déclaration d'un agent sanitaire déclarant : « nous sommes très débordés ici. Le centre de Guéckédou ne peut plus contenir les malades qui arrivent… aujourd'hui, il y a une arrivée massive de malades au centre de traitement de Guéckédou. On a plus de 60 cas dont plus de 40 cas confirmés… Quand j'entends le gouvernement communiquer,  je suis écœuré. N'oubliez pas, quand vous avez 60 cas, ça veut dire qu'il y a au moins plus de 100 contacts à suivre… Il faut que le gouvernement soit responsable. On sait que le gouvernement ne veut pas effrayer les investisseurs, mais il oublie que les institutions qui sont sur place ici fournissent tous les matins des rapports. Mais on ne pas fournir ces informations sans avoir l'autorisation ».

Des initiatives internationales et des réactions drastiques

Face à cette attitude désinvolte d'Alpha Condé, la communauté internationale avait pris des mesures pour tenter de juguler l'épidémie, et ce d'autant que l'inquiétude avait grandi en Occident. Face à l'inquiétude, certains pays conseillaient à leurs ressortissants de ne pas se rendre dans les régions touchées par l'épidémie. Les USA avaient annoncé qu'ils rapatriaient deux Américains souffrant du virus, et qu'ils feraient subir aux participants du Sommet Afrique (du 4 au 6 août) des contrôles sanitaires lorsqu'ils quitteraient leur pays, mais aussi à leur arrivée à Washington. Cela visait spécialement Alpha Condé.

Le 31 juillet, la France, l'Allemagne et les USA avaient recommandé à leurs ressortissants d'éviter les voyages vers les 3 pays touchés par Ebola. La France a ajouté le Nigéria à ces destinations, et les USA ont confirmé le retrait de 340 volontaires de la paix (peace corps) présents en Guinée. Le 14 août, Barack Obama s'entretiendra avec ses homologues libérien et sierra-léonais, pour les assurer de l'engagement des Etats-Unis, tout en leur annonçant l'évacuation « par précaution » des familles de son personnel diplomatique à Freetown.

Hong Kong précisait qu'il mettrait en quarantaine tout voyageur en provenance de ces pays.

Le 6 août, on apprenait qu'un prêtre et deux religieuses, porteurs du virus, seraient rapatriés en Espagne, que le nombre de victimes était passé à 9 au Nigéria. En Arabie Saoudite, un homme soupçonné d'avoir attrapé le virus en Sierra Leone est décédé.

La Sierra Leone et le Liberia eux ont décrété l'état d'urgence, d'autant qu'Humarr Khan, le seul virologue de Sierra Leone, est décédé des suites du virus. Au même moment, l'Arabie Saoudite annonçait officiellement que les 7000 ressortissants guinéens n'obtiendraient pas de visa pour aller faire le pèlerinage à La Mecque.

Des réactions drastiques

La compagnie Asky Airlines a annoncé la suspension de ses vols en provenance et à destination de Conakry avec effet immédiat au 18 août. Elle rappelle que le 28 juillet dernier, elle avait cessé ses vols vers la Sierra Leone et le Libéria. Les compagnies Air Ivoire, Air Sénégal et Emirates l'avaient déjà fait. Seuls Air France, Brussels Airlines et la RAM continuent à desservir la Guinée.

Le 22 août, l'AFP annonce que le Sénégal ferme ses frontières terrestres, maritimes et aériennes avec la Guinée, ce qu'il avait déjà fait entre le 30 mars et le 6 mai derniers. La Côte d'Ivoire en fait autant le lendemain. La Guinée Bissau l'avait fait le 14 août dernier.

Suite à 2 décès d’Ebola en RDC, le Rwanda a décidé le 26 août d'interdire l'accès de son territoire aux passagers venant des 3 pays, dans le cadre des mesures de prévention du virus mortel.

Le 27 août, le gouvernement français a recommandé à la compagnie Air France de suspendre temporairement ses vols sur la Sierra Leone.

Le Kenya, l'Afrique du Sud et plusieurs autres pays refusent d'accueillir des avions en provenance de Guinée et même ayant à leurs bords des Guinéens et si aujourd'hui le Mali n'a toujours pas fermé ses frontières avec la Guinée (et c'est le seul), c'est parce qu'il est alimenté en grande partie via le Port autonome de Conakry.

Conclusion

On aurait aimé qu'Alpha Condé ait la même réactivité que le président ougandais Yoweri Museveni en juillet 2012, confronté au même virus Ebola. Sa volonté de transparence et l'importance qu'il a accordée à la lutte contre les maladies infectieuses virales, montre que grâce à lui, l'Ouganda avait été l'un des pays en voie de développement où la phase de déni de la réalité infectieuse du sida avait été la plus courte, et l'un des plus actifs dans la prévention. Concernant Ebola par exemple, prenant très vite la mesure de la menace, il avait donné différents conseils pratiques à ses compatriotes, quelles que soient les critiques que l'on peut faire par ailleurs sur sa gouvernance. Au moins en matière sanitaire, il assure.

Personne ne se plaindra que le gouvernement guinéen exagère un peu la situation s'il le faut, ne serait-ce que pour que les gens prennent la situation au sérieux.

C'est donc, avant tout, une question de gouvernance, de vision et d'engagement politique et ensuite de moyens humains et matériels car, là où l'on met la priorité, l'on se donne et l'on trouve les moyens de sa politique. Or, sous nos tropiques, les questions de santé des populations semblent reléguées au second plan, loin derrière d'autres secteurs jugés prioritaires comme la sécurité des princes et autres dépenses de prestige sans impact direct sur le quotidien des populations. Est-il nécessaire de rappeler que le budget de la présidence de la République est de 38 938 853€ (soit 2,78% du budget). Si on divise ce montant par 365 jours (on suppose que la présidence fonctionne 7 jours sur 7), cela donne un montant par jour de 106 682€ pour Apha Condé !!! Le budget présidentiel constitue le sixième poste de dépenses après l'armée (regroupée sous différentes rubriques), l'éducation, l'agriculture, les travaux publics et l'énergie, mais avant la santé. A titre de comparaison, le budget de l'Élysée 2014, qui approche les 101,7 millions d'euros sur un budget d'environ 370 milliards d'euros, ne représente donc que 0,027%, soit 100 fois moins qu'en Guinée. Cherchez l'erreur.

Le budget de la santé arrive en huitième position (en France le budget de la santé et de la sécurité sociale est supérieur au budget de l'État !!!) avec 34 411 331€ (soit 2,45% du budget). On rappelle en outre que de nombreux médecins et infirmières sont fonctionnaires. On comprend mieux pourquoi Ebola est un véritable désastre... au niveau financier.

Il est important de rappeler ici, que les initiatives généreuses de la Banque mondiale, de l'OMS, de l'UE, exigent une volonté politique et une transparence dans la gestion des fonds alloués, car le gouvernement guinéen préfère acheter des armes pour réprimer ses propres populations, plutôt que d'améliorer son état sanitaire. Certains ont vu que les millions de dollars attribués pour lutter contre Ebola, pouvaient prendre des chemins détournés, d'où cette volte-face intéressée face à l'épidémie (il n'est qu'à voir les nombreuses ONG créées pour sensibiliser les populations, ou renflouer les poches de certains ?).

On se rappelle que dans sa publication du 23 août, la presse sénégalaise le Quotidien avait noté le transfert par fret d'un montant qui s'avèrera être de 20 millions de $, au compte de la BCRG.

Aujourd'hui, Alpha Condé fait volte-face et voudrait se présenter comme le chantre de la lutte contre Ebola. Ses voyages aux États-Unis et en France visent à le présenter comme un avant-gardiste en matière de lutte contre le virus, et il a osé affirmer la semaine dernière, qu’Ebola était venu au mauvais moment, parce qu'il s'attendait à récolter les fruits de ses nombreuses réformes structurelles et financières entreprises depuis plus de trois ans (lesquelles ?).

Chacun se rappelle en effet qu'Alpha Condé nous avait promis la lune après le vote du code minier, puis nous avait fait patienter avec l'IPPTE, puis avec les législatives et le déblocage du 10e FED… bref toujours reporter à demain (les calendes grecques), des récoltes qui ne peuvent pas arriver, faute d'avoir semé au préalable.

Malgré tout, Ebola ne faisant pas de différence ethnique, politique, économique et sociale, mieux vaut tard que jamais, mais une fois de plus – comme dans d'autres domaines – personne ne nous fera oublier tous les morts pour rien.

Gandhi Citoyen guinéen

« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace ». (Robespierre, Discours sur la liberté de la presse, mai 1791).

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1Responsable du pôle d'identification virale de l'Institut Pasteur, de retour d'un séjour d'une dizaine de jours à Conakry.

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