Abdoulaye Magassouba : « Nous avons bouclé des financements de projets pour 2 milliards de dollars »

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Après une sérieuse réorganisation du secteur, les résultats de 2016 semblent plutôt positifs selon le ministre des Mines, qui explique les enjeux des investissements et des négociations en cours. Économiste expert en projets de développement, Abdoulaye Magassouba, 40 ans, a quitté le secteur privé en 2013 pour intégrer l’équipe de conseillers du président Alpha Condé, au sein de laquelle il était chargé des grands projets d’investissements internationaux, notamment dans le secteur minier. En janvier 2016, il s’est vu confier le portefeuille des Mines et de la Géologie au sein du gouvernement de Mamady Youla.

Ses principaux dossiers : le suivi des nouveaux investissements dans la filière bauxite-alumine, dans l’Ouest, et l’aboutissement des négociations relatives au développement des gisements de fer du mont Simandou, dans l’Est, où, le 28 octobre 2016, après cinq ans de partenariat avec Rio Tinto, Aluminium Corporation of China (Chinalco) a racheté l’intégralité des parts de la major anglo-australienne pour 1,3 milliard de dollars (1,2 milliard d’euros).

Jeune Afrique : En quoi la gestion du secteur a-t-elle changé et quels en sont les résultats ?

Abdoulaye Magassouba : Nous avons pu améliorer le cadre d’investissement en accélérant les réformes engagées depuis 2010, parmi lesquelles l’assainissement et la modernisation du cadastre. Cela a permis une meilleure gestion des titres miniers, avec notamment le retrait de 200 permis de recherches, pour la plupart inactifs.

Le guichet unique pour l’obtention des permis et autorisations est désormais opérationnel, ce qui met un terme à la bureaucratie qui allongeait les délais et augmentait les coûts. Enfin, nous avons achevé le processus de revue des titres et conventions miniers qui avait été engagé pour améliorer la transparence du secteur.

L’ensemble de ces réformes a permis de boucler le financement de projets pour un montant total de plus de 2 milliards de dollars sur les trois prochaines années. Ces investissements concernent en particulier la bauxite, avec les projets d’extension de la CBG [Compagnie des bauxites de Guinée], de GAC [Guinea Alumina Corporation] et de Dian-Dian [Compagnie de bauxite et d’alumine de Dian-Dian, Cobad], et le développement du site d’Alufer Mining à Bel Air [région de Boffa], dont la construction sera lancée prochainement.

Ce nouveau protocole de suivi et de contrôle nous a aussi permis de découvrir que seulement 42 % des recettes d’exportation des comptoirs d’or étaient rapatriés, alors que, légalement, la totalité doit l’être. Résultat, nous sommes passés à un taux de rapatriement de plus de 90 % à la fin de 2016, pour plus de 300 millions de dollars de recettes d’exportation rapatriées.

Comment concilier les intérêts du pays avec ceux des multinationales ?

Nous sommes conscients du fait que nous n’avons pas toutes les capacités nécessaires pour faire face à ces multinationales. C’est pourquoi nous travaillons systématiquement avec des cabinets d’envergure et de renommée internationale qui nous appuient, aussi bien lors des négociations que dans le renforcement de nos capacités internes. On garde cependant à l’esprit qu’il faut une approche gagnant-gagnant, c’est-à-dire préserver les intérêts du pays tout en prenant en compte les contraintes des investisseurs. Il faut les inciter à investir en Guinée plutôt qu’ailleurs.

Quels sont vos objectifs aujourd’hui ?

C’est de consolider les acquis des réformes. Malgré un contexte international difficile, 2016 a été une année de relance, en particulier de la filière bauxite. Le ministère a un rôle de suivi, et nous allons donc nous assurer que tous les investissements annoncés se concrétisent, que les projets se développent dans les meilleures conditions, dans le respect des coûts et des délais.

Nous allons également veiller à ce que ces 2 milliards de dollars d’investissement prévus aient des retombées directes pour la population (à travers le développement communautaire et une meilleure promotion des emplois et des contrats locaux). Et veiller à la gestion des contributions au développement local, de façon à ce que s’instaure un environnement apaisé entre les communautés et les sociétés minières.

Nous accompagnons les investisseurs et devons travailler à améliorer l’image du pays et du secteur. Et l’un des défis qui nous restent à relever est de réduire l’écueil entre la perception des activités minières et la réalité, les médias étant assez friands de certaines histoires qui ne sont pas forcément réelles.

Certaines personnes sont cependant régulièrement mises en cause pour corruption par la justice ou la presse internationale…

Il faut distinguer les faits des allégations. Depuis que le président Alpha Condé est au pouvoir, il y a eu un assainissement du secteur. Et certaines interpellations auxquelles vous faites allusion en sont d’ailleurs la conséquence directe.

Par exemple, la remise en question du mécanisme d’obtention des permis de BSGR [compagnie du franco-israélien Beny Steinmetz, dont le gouvernement a résilié en 2014 les permis qu’elle avait obtenus dans le Simandou à la fin du régime de Lansana Conté] résulte du travail du comité de revue des conventions et titres miniers, qui était dirigé par un consortium de quatre cabinets internationaux recrutés pour accompagner le processus d’assainissement du secteur. Nous sommes dans une nouvelle dynamique de transparence : tous les contrats miniers sont publiés sur internet. C’était inimaginable avant !

Où en est la relance de l’usine d’alumine de Rusal-Friguia, à Fria ? Et les négociations avec Chinalco sur le mont Simandou ?

Concernant Friguia, les Russes ont pris des engagements, et rien n’indique pour l’heure qu’ils ne seront pas respectés. À la mi-janvier, lors d’une visite de terrain, une équipe a d’ailleurs constaté que les travaux de réhabilitation avaient bien démarré.

Dans le Simandou, nous continuons à travailler avec Chinalco pour finaliser les détails de l’accord de principe signé en Chine fin octobre. Il était initialement prévu dans le cadre d’investissement que, si l’une des parties se retirait du projet, en particulier le leader Rio Tinto, elle serait remboursée immédiatement de la totalité des coûts engagés.

Les négociations ont permis d’obtenir de Rio Tinto trois choses : une décote de 25 % sur les coûts historiques, un paiement différé (c’est-à-dire jusqu’à ce que l’on entre en production) sans taux d’intérêt. C’est la seule option viable pour réaliser ce projet, que beaucoup d’observateurs considéraient comme enterré.

Diawo Barry

Source: jeune afrique

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