18 Décembre 1977, l’anniversaire d’un triplé : Hafia 77

Il y a des dates marquantes dans la mémoire collective d’un pays qui doivent être célébrées et il faut dire hélas quand elles ne le sont pas.
Combien de guinéens se souviennent de cette date ? Le 18 Décembre 1977, le Hafia football club remporta pour la troisième fois, la coupe d’Afrique des Clubs champions.
Cet exploit sportif fut non seulement la résurrection de notre football mais aussi la symbiose totale entre tous les guinéens sans distinction d’ethnie.
 
Pour bien comprendre l’atmosphère et la portée de l’événement, faisons un retour en arrière de deux  ans c’est à dire en 1975.
Le Hafia réalise son doublé en battant Enugu Rangers dans le stade mythique du Surulere Stadium devant cent mille spectateurs.
 
En 1976 donc, le football guinéen est au zénith de sa forme, les joueurs sont en confiance. Le Syli National (le nom de l’équipe nationale) est qualifié pour la coupe d’Afrique de Nation en Ethiopie, la confiance est dans le camp guinéen et tout semble marcher sur des roulettes.
 
En Ethiopie, l’équipe nationale aligne des exploits et sans perdre un seul match, elle se trouve en finale. Pour beaucoup d’amateurs du cuir rond, ce sera la première coupe d’Afrique du Syli (éléphant en sousou).
Un détail qui aura une importance capitale, est que ce tournoi est organisé comme un championnat; c'est-à-dire les résultats sont comptés en point.
La Guinée se trouve en finale avec le Maroc qui a un point d’avance et donc pour gagner la coupe, les guinéens doivent impérativement gagner alors qu’un match nul suffit au bonheur des marocains.
 
Le syli est le premier à marquer mais dans les dernières minutes, le Maroc égalise et remporte la coupe ; consternation en Guinée.
Le football guinée est tombé de son piédestal, victime d’une injustice diront certains.
La FIFA qui est la fédération internationale du football amateur, a trouvé le système injuste, les deux équipes devaient jouer une prolongation, voire des tirs aux buts pour se départager ; le système sera aboli plus tard par la FIFA.
Le journal Africasia, titre « les vrais vainqueurs » sur la photo du Syli National, maigre consolation.
 
Malgré cette désillusion, le Hafia Club va continuer sa marche vers la finale de la coupe des clubs champions pour se retrouver en finale contre le Mouloudia d’Alger.
Tout commence pourtant bien, puisque notre équipe  remporte le match aller par le score de trois buts à zéro ; Petit Sory manqua même un quatrième but qui sera dans le journal le Horoya «l’immanquable ».
 
Au retour à Alger, ce qui devait être la consécration, devint un cauchemar, les algériens marquent à leur tour trois buts et remportent la coupe aux tirs aux buts.
Le football guinéen tombé de haut en Ethiopie et enterré vivant en Algérie.
C’est la consternation générale, le président Sékou Touré est dans tous ses états et enfin de compte, le buteur de l’équipe Mamadou Aliou Keita dit N’Jo Léah et le gardien Abdoulaye Bernard Sylla, vont en prison.
« Ils nous ont mis en demeure de ramener la coupe, l’année suivante » dixit Bernard Sylla.
 
C’est dans cet état d’esprit que le football guinéen commencera l’année 1977. Le Hafia pour ceux qui ne le savent pas, est en fait une équipe nationale bis qui est l’une des vitrines de la révolution guinéenne ; la décision est alors prise de le renforcer avec des jeunes talents pour donner du sang neuf.
 
La situation économique n’est pas au beau fixe, la milice économique qui contrôle le commerce est de plus en plus impopulaire et en Aout 1977, des femmes décident d’exprimer leur ras-le-bol. Une révolte qui a failli emporter le régime. 
 
Pendant ce temps, le Hafia fait sa progression vers le sommet et arrive enfin à la finale.
L’adversaire n’est autre que « Hearts of Oak », une solide équipe ghanéenne fondée en 1911, cette fois-ci, le match aller se jouera à Accra et le retour à Conakry. L’enjeu est de taille et les guinéens ne veulent rien négliger pour s’assurer la victoire. A accra Bernard Sylla blessé au bras, est tout de même forcé de tenir son post de gardien.
 
La pression ghanéenne sur le terrain sera très forte, le Hafia tient le coup et comme on dit dans le monde du foot, dominer n’est pas gagner, sur une action menée par le Hafia, le gardien ghanéen avance pour dégager le ballon de la main, il n’a pas le temps de se remettre dans sa cage, un jeune prodige du nom d’Amara Touré dit Amara Pelé, récupère le ballon et d’un lobe magistral inscrit le but guinéen. Une victoire à l’arrachée.
 
Le match retour se fait à Conakry le 18 Décembre 1977.
Il y a souvent eu des drames lors des grandes rencontres de football, alors pour cette finale tant attendue, on imaginait bien les bousculades et autres incidents qui ont souvent entrainés des morts, alors pour toute prévention, mon père avait pris la décision d’interdire à ses enfants d’aller au stade.
-      Paul, je ne veux voir aucun de mes enfants au stade, tu regarderas à la TV.
La messe est dite, c’est devant le petit écran que j’ai regardé cette rencontre.
 
Imaginez le stade du 28 Septembre plein à craquer, tout un peuple derrière son équipe et vous avez une idée de ce que cela représentait.
Le Hafia ouvre le score, ensuite un second but, c’est la jubilation totale.
Les ghanéens ne sont pas maladroits, loin de là, ils réussissent à égaliser.
Eh oui, ils ont même failli marquer un troisième but.
 
 L’angoisse est au comble chez les guinéens.
« J’ai levé la tête, j’ai regardé le public, il y avait un silence de mort. Je me suis dit qu’il faut faire quelque chose, j’ai demandé la balle, j’ai fait une deux avec Mory Koné, encore une seconde fois, ensuite j’ai vu Seydouba bien démarqué, j’ai fait semblant de donner la balle à Mory Koné mais je l’ai donné à Seydouba qui a fait une remise instantanée et j’ai frappé du pied gauche » dixit Papa Camara.
C’est le but libérateur de tout un peuple.
« Dès que l’arbitre a sifflé la fin du match, les autres joueurs sont venus vers moi, j’ai pensé à ma maman décédée plus tôt, elle qui faisait des prières pour nous avant les rencontres, j’ai pleuré. C’est en ce moment que nous avons vu le président entré au stade, nous avons couru vers lui », voilà l’explication des larmes de Papa Camara.
 
Un exploit sportif immense, le Hafia devenant ainsi le premier club africain à réaliser un triplé (1972, 1975 et 1977) et la troisième équipe dans le monde à réaliser cet exploit.
Le Real Madrid avec son triplé en coupe d’Europe des clubs champions et le Brésil en coupe du monde.
Tous les guinéens, hommes et femmes, jeunes et vieux de toutes les ethnies, à l’unisson, ont célébré cette victoire.
Mandela avait raison de dire que le sport peut changer le monde.
 
Que sont ils devenus, ces héros tant adulées  à l’époque?
Amara Pelé et Youssouf Sylla Jeansky nous ont quittés cette année rejoignant Morciré Sylla, N’Jo Léal et tant d’autres.
Petit Sory est directeur du stade du 28 Septembre, Chérif Souleymane est conseillé FIFA, Jacob Bangoura et Calvin1, travaillent à l’électricité de Guinée, Papa Camara est conseillé juridique au port de Conakry bref.
Ceux qui ont un travail joignent les deux bouts comme ils peuvent et le reste tire le diable par la queue.
 
Aucune reconnaissance et certains ont  même du mal à entrer au stade lors des grandes rencontres ; c’est aussi cela la Guinée.
 
S’il y a des gens qui veulent faire un geste ou tout simplement exprimer un mot de reconnaissance à leur association Hafia77, voici le no de Petit Sory qui est le président. 224 62 34 45 24
 
Rendons à césar… C’est le Doyen Doumba qui m’a envoyé un mot pour me suggérer de faire un papier sur le Hafia pour cette date du 18 Décembre alors connaissant mon admiration pour le doyen et ma passion pour le Hafia, le non n’était pas une option.
Encore une fois, un grand merci à tous ceux qui m’avaient aidé à rendre un hommage à ces monuments du football africain.
Pau Théa
 
NB : les vidéos de la remise des prix et du tournoi de Koba qui a lieu chaque année en hommage au Hafia 77.
 
 
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